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Temps des crises de Michel Serres

Le regard du philosophe sur la crise

Que révèle le séisme financier et boursier qui nous secoue aujourd’hui ? Si nous vivons une crise, au sens plein du terme, aucun retour en arrière n’est possible. Il faut donc inventer du nouveau. Or, le nouveau nous submerge ! En agriculture, transports, santé, démographie, informatique, conflits, des bouleversements gigantesques ont transformé notre condition comme jamais cela n’était arrivé dans l’histoire. Seules nos institutions n’ont pas changé. Et voici l’une de ces ruptures profondes : notre planète devient un acteur essentiel de la scène politique. Qui, désormais, représentera le Monde, ce muet ? Et comment ? Michel Serres montre que nous sommes encore les acteurs de notre avenir.

« Il arrive qu’un séisme ne dessine qu’une ride sur le sol ; ou quelques fêlures et fentes sur les ouvrages d’art, ponts et bâtiments. À force millénaire de tremblements de terre apparaît une crevasse large dans le paysage, comme on en voit en Islande ou en Californie, celle de San Andreas. Visibles puis imprimées sur la carte, ces traces et marques révèlent et cachent une faille géante au niveau des plaques basses, qui se meuvent lentement et cassent tout à coup dans les abysses tectoniques, invisibles. Et la cause profonde de tous ces mouvements gît là. Financière et boursière, la crise qui nous secoue aujourd’hui, sans doute superficielle, cache et révèle des ruptures qui dépassent, dans le temps, la durée même de l’histoire, comme les failles de ces plaques basses dépassent, dans l’espace, notre perception. » Michel Serres – L’auteur : Michel Serres, de l’Académie française, est l’auteur d’essais, dont Le Contrat naturel et Le Tiers-Instruit (François Bourin), « Le Grand Récit » (Hominescence, L’Incandescent, Rameaux et Récits d’humanisme), Le Mal propre et La Guerre mondiale (Le Pommier). Il propose une vision du monde qui associe les sciences aux humanités. – Références : Temps des crises de Michel Serres – Editeur : Le Pommier – Collection : Manifestes – 84 pages – EAN : 9782746504530 – Prix public : 10 €

VOIR : interview de Michel Serres

LIRE : quelques extraits

Voici une sélection de courts extraits du « Temps des crises » de Michel Serres (Ed. Le Pommier).Crise. « Ce dernier verbe tombe assez bien. Le mot crise vient du grec crinô qui, justement, signifie juger. Expliquer le sens d’un terme permet parfois d’éclaircir ce qu’il désigne. Exemple : un critique de théâtre raconte la pièce un peu, pas trop pour ne pas l’éventer, mais finit par la dire excellente ou mauvaise, bien ou mal mise en scène et jouée ; le critique de cinéma juge le film navet ou génial. En quelque façon, il installe un tribunal. Ainsi le mot crise laisse voir son origine juridique. Il s’agit, là, d’une décision prise par un jury et par son président. Latine, quant à elle, dé-cision veut dire couper en deux, comme avec des ciseaux. Oui ou non, doit-on juger le prévenu coupable ou innocent ? A la fin du procès, l’on tranche. Le cou, naguère. Le critique décide en partie, et parfois, du succès ou de la chute d’une réputation. (…) Passée, mais de façon décisive pour ce qui nous occupe, au lexique médical, la crise y décrit l’état d’un organisme confronté à la croissance d’une maladie, (…) jusqu’à un pic local et catastrophique qui le met tout entier en danger. (…) La crise lance le corps ou vers la mort ou vers une nouveauté qu’elle le force à inventer. Soit dit en passant, voilà l’un des secrets magnifiques de la vie : la possibilité de créer, de toutes pièces et de soi-même, une toute autre organisation de l’organisme ! Elle peut inventer une nouvelle existence ! Ne le pourrions-nous pas, nous aussi? »Bilan. « En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l’environnement, la mobilité des humains et des choses, l’espérance de vie, la décision de faire naître et parfois, de mourir, la démographie mondiale, l’habitat dans l’espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance…(…) L’importance d’un événement se mesure à la longueur de l’ère qu’il achève. Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous séparent du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d’années. Je vois lucidement la lèvre amont de la crevasse ; je ne suis pas certain d’apercevoir aussi clairement la lèvre aval ». – Institutions. « Etrange et dangereuse chose, malgré ces transformations majeures, nos institutions : politiques, religieuses, militaires, universitaires, hospitalières, financières, entrepreneuriales… continuèrent à peu près comme si rien ne se passait ». – Hypothèse. « Et si la crise actuelle sonnait à son tour, l’achèvement de ce règne excessif de l’économie ? Après Jupiter et Mars, Quirinus quitterait-il le trône ? Mourrait-il d’avoir dirigé, de régler encore une exploitation du monde mortelle pour lui ? D’organiser un travail dont la plupart des actes l’épuisent ? D’avoir séparé les humains en des classes telles que le renversement de la puissance cité tantôt pourrait être dû à ce fait, tout humain, qu’une guerre menée autour d’une technique, protectrice des vies qui l’activent, sera toujours perdue contre une faiblesse nombreuse qui ne comptent pas ses pertes en vies ? Autrement dit, à ce fait que la démographie des misérables l’emportera sur la puissance thermonucléaire, mais que cette victoire pourra, de même sonner la fin de la planète ? »Monde. « Je hasarde l’hypothèse que notre culture et notre histoire occidentales naquirent, peu à peu, de tenir de moins en moins compte du Monde. Nous passions notre vie, nous consacrions nos pensées à quitter la Biogée. Même nos sciences, en l’objectivant, la placent à distance. Toutes les cultures tiennent compte du Monde, sauf, sans doute, la nôtre, qui substitua, par exemple, au droit naturel ancien un droit naturel moderne, fondé exclusivement sur une prétendue nature humaine. (…) La crise actuelle vient de ce que meurent nos cultures et nos politiques sans monde. Se termine une ère immense de notre histoire ; mieux, commence notre temps d’hominescence ». – Amour. « Aux tenants du réalisme en politique, ce mot d’Amour va paraître un peu bien utopique et gnangnan. Féminin même, peut-être ! Et pourtant, aujourd’hui, la douceur qu’il implique ne signifie pas seulement tendresse, mansuétude et paix, mais définit aussi un ensemble de savoirs, de technologies et de pratiques dont l’importance prend vite le pas sur les techniques dures que nous utilisons, dont nous célébrons la louange, mais qui détruisent notre habitat depuis au moins la révolution industrielle et au plus l’âge de pierre. Douces les trois révolutions de l’écriture, de l’imprimerie et de l’ordinateur ont bouleversé l’histoire, les conduites, les institutions et le pouvoir dans nos sociétés, de manière beaucoup plus fondamentale que les changements durs, ceux des techniques du travail, par exemple. (…) Là aussi, une sorte de paléolithique se termine. Bifurcation imprévisible d’aujourd’hui : fin du dur, début du doux ».

 

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