Aujourd’hui nous vivons la sixième extinction terrestre, 65 millions d’années après la cinquième des grandes extinctions, celle qui a anéanti les 3/4 des espèces, dont les dinosaures. Nous voyons disparaître des dizaines d’espèces chaque jour, à un taux 100 fois supérieur qu’avant l’arrivée de l’homme, alors que 6000 espèces sont menacés de disparition rapide – parmi lesquelles les grands poissons et les grands singes. Ce n’est pas la conséquence d’un accident cosmique, ou une explosion tellurique. Elle provient des comportements massivement agressifs pour la biosphère terrestre d’une seule espèce animale arrogante et conquérante, celle de l’Homo sapiens sapiens, le troisième chimpanzé. 6 milliards d’individus aujourd’hui, 9 milliards ou plus en 2050. Les Editions Descartes et Cie publie, le 13 novembre, le troisième numéro de Ravages intitulé Adieu bel animal. Avec 17 contributeurs (parmi lesquels Isabelle Sorente, Frédéric Joignot et Fabrice Nicolino) et 160 pages, cette revue créée par l’association « Les amoureux des genres humains » offre, dans un cocktail détonant, articles approfondis et dessins iconoclastes signés notamment par Jan Fabre. Voici le sommaire de cet excellent numéro qu’on ne saurait trop vous recommander… Bonne lecture.
– ANTHROPOCENE : L’impact destructeur des activités humaines sur la biodiversité et les écosystèmes – les seules formes de vie capable de se renouveler par elles-mêmes, – sur l’effet de serre et la composition de l’atmosphère, les cycles des mers et des océans, la disparition des forêts et l’usure des sols, les pollutions des fleuves et des nappes phréatiques, et tout le monde animal, sont si violents, irréversibles, que des grands scientifiques – le glaciologue Claude Lorius, le prix Nobel de chimie 1995 Paul Joseph Crutzen – affirment que nous sommes entrés depuis deux cent ans dans une ère terrestre nouvelle : l’ANTHROPOCENE – du grec anthropos, « homme ». Un âge où l’Homme modifie la biosphère mais aussi la géologie planétaire. – L’HUMANISME EN CRISE : Au même moment, les recherches et découvertes récentes des sciences du vivant, sur le terrain, au plus près des animaux dans leur milieu naturel, mais aussi en zoo, ont fortement remis en cause l’essence de l’homme et ses certitudes sur ce qui « lui est propre » : la morale, la politique, l’usage d’outils, les cultures, la conscience, la subjectivité. La frontière entre l’homme et l’animal se voit sans cesse remise en cause. L’animal est tenu désormais pour un être psychique, subjectif vis-à-vis d’un monde qui lui est propre. Les recherches attestent d’une continuité émotionnelle et comportementale entre les animaux et les hommes. Le primatologue Frans de Wall montre dans ce numéro comment des singes expriment leur gratitude, la consolation, des comportements moraux favorisant l’entraide, ce qui a permis à des espèces menacées de survivre. Un singe capucin, montre-t-il, refuse d’en électrocuter un autre pour obtenir de la nourriture, quitte à mourir de faim. Les progrès de la connaissance de l’animalité, écrit Elizabeth de Fontenay « creusent la crise de l’humanisme ». Elle annonce aussi la disparition de l’humanisme prométhéen, capable de bouleverser et détruire la nature à sa guise, pour son profit. Erreur : nous faisons partie de la nature. Nous sommes des animaux. – EXTENSION DE LA COMMUNAUTÉ DES ÉGAUX : Dans ce numéro Christoph Anstötz, psychologue cognitif, spécialiste du handicap, compare explicitement dans un texte qui choquera les capacités intellectuelles des grands primates avec celles des handicapés mentaux profonds. Il trouve les capacités des singes plus développés. Pourquoi alors, demande-t-il, revenant sur l’histoire du droit, écarter les grands singes – et partant, les animaux – de la communauté des égaux ? – TESTÉ SUR L’HOMME, TESTÉ SUR L’ANIMAL : La « zootechnie », la science de l’exploitation des « machines animales », ressemble à celle du « managing par le stress » ou « la terreur » en usage dans les grandes entreprises humaines – où les suicides se multiplient ces dernières années. En 1970, une truie donnait en moyenne 16 porcelets par an, aujourd’hui 30. Elle accouche en série, sa cage rapetisse, ses gestes sont contrôlés. En 2007, dans une exploitation laitière, 30 des 60 vaches en production ont connues une « réforme du travail » : direction, l’abattoir. Dans ce numéro de RAVAGES, la sociologue Jocelyne Porchez, qui a étudié les techniques de l’élevage industriel, montre comment la terrible manière dont nous traitons les animaux, les faisons « produire » et travailler, ressemble à la façon dont on traite les travailleurs humains. Cela après que des hommes aient testé l’abattage de masse sur des millions d’hommes pendant la seconde guerre mondiale. – COLLAPSUS ? : Dans ce numéro, le géographe et historien de l’environnement Jared Diamond, qui s’est fait une spécialité d’analyser les effondrements des civilisations passées, explique comment l’essentiel de la consommation mondiale se situe dans le Premier Monde – Amérique du Nord, Europe, Japon, Australie – et constate à quel drame écologique nous sommes arrivés. or, montre-t-il, un américain consomme 32 fois plus qu’un Kenyan. Dès lors que le Tiers monde comme les pays émergents, comme la Chine, l’Inde, la Corée, le Brésil, prenant conscience de cette différence, aspire à un niveau de vie équivalent, le calcul est rapide : si tous les humains consomment comme des occidentaux, le taux de consommation mondiale sera 11 fois plus important. Cela équivaut à nourrir 72 milliards d’humains aujourd’hui. Adieu bel animal ? Et si c’était l’Homme ?Références
Ravages N°3 : Adieu bel animal – Editeur : Descartes & Cie – Date de parution : 13 novembre 2009 – ISBN : 978-2-84446-146-9 – Prix public : 12 € Avec les contributions de : Dominique Lestel, Isabelle de Fontenay, Peter Singer, Frans de Waal, Isabelle Sorente, Jared Diamond, Jocelyne Porchez, Christoph Anstötz, Fabrice Nicolino, Chaterine Vidal, Frédéric Joignot, Rob Stewart, Paul Watson, Georges Marbeck, Jean-Pierre Digard…Acheter cet ouvrage