Nicolas Sarkozy, juste avant sa visite à Ajaccio, où il a tenu son deuxième Conseil des ministres décentralisé, affirme qu’il faut faire de la Corse une région pilote en matière d’environnement dans une interview accordée à Corse-matin publiée lundi dernier.
Comme on lui demande pourquoi ne pas faire de la Corse « une région pilote », le président répond: « Je ne saurais mieux dire. S’il est une région où les ambitions du Grenelle de l’environnement ont tout leur sens, c’est bien la Corse ». « J’ai effectivement proposé que les énergies renouvelables et la politique de protection et de valorisation de la biodiversité soient prioritairement développées en Corse. Il y a aussi le pôle de compétitivité Cap Energie et le projet de Parc naturel marin de Bonifacio », poursuit le Président de la République. « Si la collectivité territoriale veut aller plus loin en imposant les chauffe-eau solaires, je soutiendrai ses initiatives », ajoute-t-il à Corse-matin.
De belles intentions présidentielles pour l’île de beauté, mais rappelons qu’un Airbus A319 a été affrété spécialement pour les onze ministres et six secrétaires d’Etat présents au conseil des ministres à Ajaccio … La délocalisation des ministres et des 1500 fonctionnaires de police chargés de les escorter fait désordre. Selon un « bilan carbone » demandé par Europe 1, l’opération va, en mobilisant avions et hélicoptères pumas, occasionner l’émission de 2000 tonnes d’équivalent CO2. De plus, Nicolas Sarkozy a suggéré mardi de « laisser une place aux compagnies low-cost » vers la Corse. Or, à peine une semaine plus tôt, le Grenelle de l’environnement concluait à la nécessité de diviser par deux les émissions dues aux transports d’ici 2012…
Cela fait désordre, et dans l’entourage du Président, on l’a compris. Ce déplacement pourrait devenir contre-productif tellement il symbolise la contradiction entre ses mots tenus en conclusion du Grenelle de l’environnement et ses actes multipliés pour attirer l’attention. France Soir (édition du 1er novembre) annonce que le gouvernement s’est donc engagé à compenser les émissions de CO2 engendrées en finançant une centrale hydroélectrique au Mexique, qui permettrait d’éviter la production de 1,4 tonne de CO2. Un brin agacé, Laurent Wauquiez a souligné que cette question est « très mal ressentie sur le terrain ». « Ça équivaut à dire qu’une région ne mérite pas un déplacement », a déploré le porte-parole du gouvernement. Pas fou Wauquiez, il vient de donner l’argument présidentiel. En effet, Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi que d’autres conseils des ministres pourraient se tenir dans les départements ou territoires d’Outre-mer, qui seront eux aussi compensés carbone.
Mais s’il suffit de payer pour compenser l’empreinte écologique sur la planète de nos entreprises individuelles ou collectives, aussi nobles soient-elles, combien coûtera la dette laissée aux générations futures ?
Le new deal écologique doit naturellement prendre en compte le fait que nous n’héritons pas uniquement la Terre de nos parents, nous l’empruntons aussi à nos enfants.