Une nouvelle étude scientifique, publiée aujourd’hui par l’Université de Manchester Metropolitan, montre que les mesures existantes de limitation des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’aviation sont insuffisantes[[D. S. Lee, L. L. Lim and B. Owen, « Bridging the aviation CO2 emissions gap: why emissions trading is needed », Dalton Research Institute, Department of Environmental and Geographical Sciences, Manchester Metropolitan, mars 2012]]. Elles ne permettront pas d’atteindre l’objectif de neutralité carbone à partir de 2020, adopté par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et les compagnies aériennes (Association internationale de l’aviation – IATA)[[- Engagement de IATA]].
Les émissions de l’aviation ont déjà un impact important sur le climat, avec 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si rien n’est fait pour limiter la croissance des émissions, cet impact devrait augmenter rapidement puisque le trafic aérien s’accroît de 4 à 5% par an au niveau mondial.
Cette étude est publiée alors que le Conseil de l’OACI, et son Groupe d’experts de haut niveau sur l’aviation et le climat, se réunissent dans quelques jours. Ils sont chargés de donner des orientations à l’Assemblée de l’OACI de septembre[[L’Assemblée de l’OACI n’a lieu qu’une fois tous les trois ans.]] en vue de l’adoption d’une solution internationale pour limiter les émissions du secteur.
Ces travaux de recherche analysent les scenarios d’émissions du secteur aérien en fonction de trois types de mesures de réduction. Les projections pour un scénario d’émissions[[Les scenarios de croissance et de mesures possibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont fondés sur les méthodologies utilisées pour le rapport de référence de l’Onu (Programme des Nations unies pour l’environnement) en 2011 : « Bridging the Emissions Gap »]] moyen révèlent un fossé de 153 à 387 millions de tonnes de CO2 restant à combler pour atteindre l’objectif à l’horizon 2050. Ce fossé représente un tiers des émissions actuelles de l’aviation. Ces projections prennent en compte toutes les mesures de réduction d’émissions proposées par l’OACI et par l’industrie, y compris la prolongation du marché européen des quotas (EU ETS) jusqu’en 2050.
L’étude conclut qu’un mécanisme mondial de limitation des émissions du secteur, tel qu’un système mondial d’échange de quotas, permettrait d’aller plus loin dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
« Cette étude scientifique révèlent le caractère abusif des affirmations de l’industrie aérienne, de l’Organisation de l’aviation civile internationale et des Etats-Unis. Contrairement à ce qu’ils disent, il est clair que les mesures actuelles sont suffisantes pour limiter les émissions de CO2 du secteur, et que des mesures supplémentaires doivent être adoptées au plus vite. Une tarification mondiale des émissions de CO2 de l’aviation permettra de réduire l’impact de ce secteur très polluant sur le climat », explique Célia Gautier, chargée de mission au Réseau Action Climat France.
L’étude de l’Université de Manchester Metropolitan montre également l’importance des mécanismes régionaux de limitation des émissions de l’aérien, comme le Système européen d’échange des quotas, en attendant une solution internationale. L’Union européenne a suspendu l’application de son mécanisme régional aux vols intercontinentaux pour laisser le temps à l’OACI de s’accorder sur un instrument international. « L’OACI est sous le feu des projecteurs », rappelle Célia Gautier. « Mais il est essentiel de préserver et d’étendre le système de tarification européen, sans l’affaiblir ».
« L’OACI doit désormais faire face à ses responsabilités, en adoptant dès cette année une mesure internationale de limitation des émissions de l’aviation. L’industrie doit aussi accepter l’idée qu’une tarification du carbone dans l’aérien fait partie des solutions indispensables pour éviter un changement climatique catastrophique » [[ Le lobby des compagnies aériennes américaines, Airlines for Amarica (A4A) continue de faire campagne contre tout type de mécanisme de tarification de limitation des émissions du secteur. Ils privilégient une amélioration des technologies, des procédés et des infrastructures. ]], conclut Célia Gautier.
Contact
– Célia Gautier, chargée de mission au Réseau Action Climat France au +33 6 72 34 00 27