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48e session de la Conférence internationale de l’éducation, Genève, 25-28 novembre 2008

Les inégalités au coeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous 2009

Des millions d’enfants dans le monde sont condamnés à la pauvreté et à des horizons limités du fait de l’incapacité des gouvernements à réduire les inégalités profondes et persistantes dans l’éducation, indique un Rapport de l’UNESCO rendu public hier. Sous le titre Vaincre l’inégalité : l’importance de la gouvernance, le Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous 2009 dénonce l’effet conjugué de l’indifférence politique, de politiques nationales inefficaces et de promesses internationales non tenues. Selon le Rapport, les disparités «inacceptables» observées dans l’éducation au niveau national et mondial sont en train de saper les efforts de réalisation des objectifs internationaux de développement. « Lorsque les systèmes financiers s’effondrent, les conséquences sont patentes et les gouvernements agissent », constate le Directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura. «Lorsque les systèmes éducatifs échouent, les conséquences sont moins visibles, mais tout aussi réelles. L’inégalité des chances en éducation alimente la pauvreté, la faim et la mortalité infantile et réduit les perspectives de croissance économique. C’est pourquoi les gouvernements doivent agir avec un plus grand sentiment d’urgence ».

Les principaux enseignements du rapport de l’UNESCO

Le Rapport de l’UNESCO évoque le « large fossé » qui sépare les pays riches des pays pauvres pour ce qui est des chances de s’instruire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : – Dans les pays en développement, un enfant sur trois en âge d’intégrer l’école primaire (soit 193 millions d’enfants) souffre de lésions cérébrales et de perspectives d’éducation réduites pour cause de malnutrition. Ce chiffre dépasse parfois 40 % en Asie du Sud. La forte croissance économique de certains pays n’a guère contribué à réduire la malnutrition infantile, ce qui fait douter de l’efficacité des politiques actuelles. – 75 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire ne sont pas scolarisés. Près du tiers d’entre eux vit en Afrique subsaharienne. – Alors qu’un bon tiers des enfants des pays riches achève des études supérieures, dans la majeure partie de l’Afrique subsaharienne, ils sont moins nombreux à aller jusqu’au terme de l’enseignement primaire, et 5 % seulement à parvenir au niveau universitaire. – Les disparités nationales sont le reflet des inégalités mondiales : Dans des pays comme l’Éthiopie, le Mali ou le Niger, les enfants appartenant aux 20 % les plus pauvres ont trois fois moins de chances de fréquenter l’école primaire que les enfants appartenant aux 20 % les plus riches. Au Pérou et aux Philippines, les enfants appartenant aux 20 % les plus pauvres bénéficient de 5 années d’éducation en moins que les enfants des familles les plus fortunées. – La richesse n’est pas le seul marqueur de désavantage : Les filles continuent d’être pénalisées. L’écart de scolarisation entre les sexes reste important dans une bonne part de l’Asie du Sud et de l’Afrique subsaharienne. Les handicaps liés à la langue, à la race, à l’appartenance ethnique et aux différences entre citadins et ruraux demeurent insurmontables. Au Sénégal, les enfants des zones urbaines ont deux fois plus de chances d’être scolarisés que les enfants des zones rurales. Pourtant, comme le rappellent les auteurs du Rapport, « les conditions dans lesquelles les enfants naissent, leur sexe, la richesse de leurs parents, leur langue et la couleur de leur peau ne devraient avoir aucune incidence sur leurs chances en matière d’éducation ». – De nombreux objectifs hors de portée : Le rapport annuel de l’UNESCO dresse un bilan détaillé des progrès accomplis dans la réalisation d’objectifs clés de l’éducation, comme la protection et l’éducation de la petite enfance, l’universalisation de l’enseignement primaire, l’égalité entre les sexes, l’alphabétisation ou la qualité de l’éducation. Il relève des avancées encourageantes dans certains pays parmi les plus pauvres. Pourtant, en l’absence de mesures radicales, de nombreux objectifs seront manqués, et parfois dans des proportions spectaculaires. Un exemple : celui de l’éducation primaire universelle (EPU). Dans certains pays ou régions, les progrès sont prodigieux. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud et de l’Ouest ont vu bondir leurs taux nets de scolarisation depuis 1999. La Tanzanie et l’Éthiopie ont chacune réduit le nombre des non scolarisés de plus de 3 millions. Confronté à une guerre civile, le Népal a néanmoins fait d’importants progrès. Au Bangladesh, dans une région marquée par de profondes inégalités entre les sexes, filles et garçons parviennent désormais à égalité au niveau secondaire. Mais il faut se rendre à l’évidence : le monde est mal parti pour atteindre l’enseignement primaire universel d’ici 2015, l’un des objectifs internationaux du développement. Les projections partielles indiquent qu’il restera 29 millions d’enfants non scolarisés en 2015. Un chiffre sous-évalué, puisqu’il exclut des pays en proie aux conflits comme le Soudan ou la République démocratique du Congo. En outre : – le Nigéria devrait compter 7,6 millions d’enfants non scolarisés en 2015 et le Pakistan 3,7 millions. « Ces deux pays combinent une gouvernance faible avec des niveaux élevés d’inéquité dans le financement et la fourniture des services », précise le Rapport. Au Pakistan, l’école n’accueille que 80 filles pour 100 garçons. – en Éthiopie et au Burkina Faso, plus d’un million d’enfants ne seront pas scolarisés en 2015 ; – au total, 12 pays abriteront plus d’un demi million de non scolarisés en 2015. Le Rapport de l’UNESCO rappelle que ces chiffres n’offrent qu’un baromètre partiel de l’étendue du problème. Des millions d’enfants entament une scolarité, mais l’abandonnent avant d’avoir achevé le cycle primaire. L’évaluation des acquis scolaires met aussi clairement en évidence la mauvaise qualité de l’enseignement : beaucoup d’élèves quittent l’école sans avoir acquis un minimum de compétences en lecture et en calcul. – Au Brésil, en Indonésie et en Tunisie, 60 % au moins des élèves du secondaire se situent au niveau le plus bas des évaluations internationales sur les acquis en sciences. – En Inde, selon une évaluation, près de la moitié des élèves de 3e année du primaire ne sont pas capables de lire un texte destiné aux élèves de 1ère année. Pour rattraper ces retards, des réformes d’envergure et des investissements plus massifs sont nécessaires. Dans de nombreux pays, les systèmes scolaires souffrent d’un manque chronique de financement et de ressources humaines. Rien qu’en Afrique subsaharienne, il faudra recruter 3,8 millions d’enseignants d’ici à 2015 pour parvenir à l’enseignement primaire universel. Mais le Rapport évoque aussi d’autres déficits. On estime en effet à 776 millions le nombre d’adultes analphabètes dans le monde – 16% de la population mondiale. Les deux tiers sont des femmes. Au rythme actuel, ils seront encore plus de 700 millions en 2015.

Les auteurs du Rapport sont réservés sur les pratiques actuelles de réforme de la gouvernance éducative

Vaincre l’inégalité : l’importance de la gouvernance propose un vaste agenda de réforme. Le message clé est que les pouvoirs publics doivent renforcer leur engagement en faveur de l’équité et de la justice sociale. « Si les gouvernements veulent s’engager sérieusement sur la voie de l’Éducation pour tous, ils doivent aussi s’employer plus sérieusement à lutter contre l’inégalité », estime le Directeur général de l’UNESCO Koïchiro Matsuura. Les auteurs du Rapport mettent en garde contre l’exportation vers les pays en développement des « modèles de gouvernances » des pays riches. Les politiques visant à compenser les carences de l’État en recourant au secteur privé sont également sujettes à caution : « Si l’offre privée peut s’avérer utile dans certaines zones, l’éducation pour tous doit reposer d’abord sur des services publics d’éducation de base efficaces et abordables », estime Kevin Watkins, Directeur du Rapport. « Là où le système public d’enseignement est défaillant, il appartient aux gouvernements de le remettre en état ».

L’aide internationale ne tient pas ses promesses : il manque 7 milliards par an pour réaliser l’éducation pour tous

Les engagements internationaux ne sont pas respectés, accuse le Rapport, qui parle d’« échec collectif » de la communauté des donateurs. Au terme d’un prudent calcul, les auteurs estiment qu’il manque quelque 7 milliards de dollars annuellement pour réaliser l’éducation de base d’ici 2015. « Ces importants déficits de financement ralentissent le progrès », souligne le Rapport. Les donateurs présents en 2008 à la Réunion de haut-niveau sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement ont fait des déclarations encourageantes, mais concernant l’aide, la tendance actuelle est inquiétante : – En 2005, les donateurs se sont engagés à augmenter leur aide de 50 milliards de dollars d’ici 2010. Or les engagements actuels font craindre un déficit de financement de 30 milliards de dollars, dont près de la moitié pour l’Afrique subsaharienne. – Les engagements internationaux en faveur de l’éducation de base stagnent depuis 2004, ce qui augure mal des engagements à moyen terme. – L’initiative de mise en œuvre accélérée -le cadre multilatéral d’appui à l’Éducation pour tous- ne répond pas aux attentes. Les sommes allouées sont insuffisantes et d’ici 2010, la somme manquante pour soutenir les pays dont les plans sont approuvés pourrait s’élever à 2,2 milliards de dollars. Or, insiste le Rapport, « si les donateurs prennent vraiment au sérieux leurs engagements en faveur de l’éducation, ils ne peuvent pas se permettent de laisser s’écouler encore plusieurs années de déficit ». Les auteurs du Rapport sont particulièrement critiques à l’égard des pays qui réaffectent leur aide au profit de l’enseignement supérieur. Si des pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni consacrent plus de 60 % de leur budget d’aide à l’éducation de base dans les pays à faible revenu, d’autres n’ont pas les mêmes priorités. En France, la part d’aide à l’éducation affectée à l’éducation de base dans les pays pauvres n’est que de 12 %. En Allemagne, elle ne dépasse pas 7 %. « Ces deux pays privilégient le financement de l’accueil d’étudiants étrangers dans leurs propres universités », constate le Rapport. Ils « accordent moins d’importance à l’éducation de base dans les pays les plus pauvres ». Le Rapport exhorte aussi les États-Unis et le Japon à consacrer à l’aide au développement une plus large part de leur revenu national.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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