Qui croirait que la championne internationale des villes en transition est une petite commune française ? C’est pourtant Rob Hopkins, fondateur du mouvement des villes en transition, qui le dit. « Qu’est-ce qu’on attend ? » raconte les multiples initiatives qui permettent à cette petite ville alsacienne de 2 200 habitants de réduire son empreinte écologique. CDURABLE.info était à l’avant première du film diffusé au Théatre de l’Arentelle à St Flour de Mercoire le 20 Octobre dernier en présence de de la réalisatrice Marie-Monique ROBIN. Une salle comble et une énergie citoyenne enthousiaste … « Le monde bouge, avancez avec lui ! »
La municipalité d’Ungersheim a lancé en 2009 un programme de démocratie participative, baptisé « 21 actions pour le 21ème siècle » qui englobe tous les aspects de la vie quotidienne : l’alimentation, l’énergie, les transports, l’habitat, l’argent, le travail et l’école. « L’autonomie » est le maître mot du programme qui vise à relocaliser la production alimentaire, à promouvoir la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables, et à soutenir l’économie locale grâce à une monnaie complémentaire (le Radis). Depuis 2005, la commune a économisé 120 000 euros en frais de fonctionnement et réduit ses émissions directes de gaz à effet de serre de 600 tonnes par an. Elle a créé une centaine d’emplois. Et elle n’a pas augmenté ses impôts locaux. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?Ungersheim
Tourné sur quatre saisons, pendant une année cruciale – 2015 – qui a vu l’aboutissement de la quasi totalité du programme de transition, le film a d’abord pris la forme d’un reportage de 52 minutes, diffusé par France 3 Alsace le 7 mai dernier sous le titre « Sacré Village ! » Ce format ne suffisait cependant pas à rendre raison de la richesse du matériel filmé ni de la richesse humaine qu’il représentait : la démarche de transition globale, encouragée par la municipalité et désirée par des citoyens éclairés, génère une puissante dynamique, qui va s’amplifiant tout au long du film. Pour évoquer cette aventure citoyenne, il semblait plus adapté de substituer au commentaire journalistique la parole des personnages, racontant eux-mêmes leurs motivations, leurs hésitations, leurs enthousiasmes. Ainsi a germé l’idée de porter sur grand écran l’histoire exemplaire d’Ungersheim. Une histoire portée par ses personnages, élus ou simples habitants… Jean-Sébastien, jeune intendant de la régie agricole municipale, qui a quitté son métier de vétérinaire pour plus d’éthique. Muriel, co-propriétaire du nouvel éco-hameau construit selon les principes de Bedzed. Christophe et Lili, qui ont converti l’exploitation familiale pour devenir paysans-boulangers. Sébastien, Hayat, Céline, salariés en insertion aux Jardins du Trèfle Rouge. Et bien sûr, Jean-Claude Mench et ses adjoints à la Mairie d’Ungersheim, grands artisans du programme municipal qui articule l’ensemble de ces actions. Ils méritaient un film, pour que les initiatives collectives et le bonheur d’agir se répercutent en échos, et que des communes aux quartiers, les spectateurs rassemblés se posent la question titre : « Qu’est-ce qu’on attend ? »Bande Annonce
La Transition
« Notre avenir a besoin de citoyens autonomes et actifs, mais aussi de leaders inspirés et courageux ». Fondé par Rob Hopkins en 2006 à Totnes en Angleterre, le mouvement des villes en transition compte aujourd’hui plus de 1100 initiatives officielles dans 43 pays différents. L’objectif est d’assurer la résilience des villes face au double défi que représentent le pic pétrolier et le dérèglement climatique : pour résister et rebondir face aux crises économique et écologique, il faut viser à long terme l’autonomie en nourriture et en énergie. Les gestes individuels n’y suffiront pas : les solutions passent par le collectif, mais contrairement aux mouvements écologiques ou sociaux traditionnels, le mouvement de la transition n’entend pas se transformer en force politique… En effet, pour ses animateurs, le vrai pouvoir est dans l’action, clef d’une philosophie résolument optimiste, qui considère les crises comme des opportunités, et pour laquelle « changer nourrit l’âme »Parmi les 21 actions
On ignore en général qu’une famille moyenne émet plus de gaz à effet de serre pour se nourrir, qu’en utilisant sa voiture. En cause : la mondialisation du commerce agro-alimentaire, l’utilisation d’intrants chimiques dans l’agriculture, ou la multiplication des emballages. C’est pourquoi le programme d’Ungersheim fait une place de choix à la relocalisation de la production alimentaire, à travers la filière « De la graine à l’assiette » : création d’une ferme maraîchère (une entreprise d’insertion), d’une régie agricole municipale, d’une conserverie, et d’une cantine municipale privilégiant les circuits courts, etc. Nos immeubles sont une autre source essentielle d’émission de CO2. Pourtant, les techniques de construction et de chauffage permettent aujourd’hui de concevoir des « maisons passives », qui produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment. C’est ce que montre l’éco-hameau d’Ungersheim, une initiative parmi d’autres en faveur des économies d’énergies et de la promotion des renouvelables. En matière de transports propres, Richelieu et sa calèche de transport scolaire font beaucoup parler : il ne représente pas seulement une économie de 4600 kilomètres annuellement parcourus en voitures familiales, mais aussi le symbole de la transition, et un magnifique outil pédagogique pour les enfants qui l’adorent !Le film
Un an après la COP 21, les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas cessé d’augmenter partout dans le monde… partout ? À l’initiative de la municipalité, Ungersheim a lancé en 2009 un programme de démocratie participative, baptisé « 21 actions pour le 21e siècle » qui englobe tous les aspects de la vie quotidienne : l’alimentation, l’énergie, les transports, l’habitat, l’argent, le travail et l’éducation. « L’autonomie » est le maître mot du programme, qui vise à relocaliser la production alimentaire pour réduire la dépendance au pétrole, à promouvoir la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables, et à soutenir l’économie locale grâce à une monnaie complémentaire. Le film a été tourné sur quatre saisons, pendant une année cruciale – 2015 – qui a vu l’aboutissement des actions. Plus qu’une « boîte à outils », dont chaque territoire peut s’inspirer, il s’agit de montrer le bonheur et la fierté d’agir ensemble pour cette grande cause universelle qu’est la protection de la planète. Qu’est-ce qu’on attend ? est aussi un hommage à ces élus locaux, habités d’une vision, qui savent mobiliser l’enthousiasme de leurs concitoyens dans le sens du bien commun.Intentions de la réalisatrice
« Lanceurs d’alerte » : c’est ainsi que l’on appelle ceux qui révèlent les comportements attentatoires aux droits humains, cachés par les puissances de ce monde. Parce que le plus alarmant aujourd’hui est la poursuite de notre modèle économique malgré les preuves du bouleversement climatique, à côté des lanceurs d’alerte je veux mettre à l’honneur les « lanceurs d’avenir ». Il y a deux ans j’ai fait le tour du monde pour collecter les plus belles expériences au nord et au sud de la planète traçant la voie vers une société post-carbone, plus durable, plus juste et plus solidaire. C’est finalement à mon retour que j’entends pour la première fois parler d’Ungersheim. L’envie de faire ce film a grandi en moi tout au long de l’année 2015. J’ai commencé par écrire un synopsis qui raconte la mise en œuvre des 21 actions du programme de la commune. Puis j’ai identifié des personnages clés, sur lesquels je voulais construire mon documentaire. Au fur et à mesure de mes séjours à Ungersheim, j’ai compris que cette histoire avait une valeur universelle, et qu’en ces temps de doute et d’inquiétude – écologique, économique, politique – elle pourrait montrer aux citoyens que des alternatives sont possibles. Venez découvrir au cinéma ces hommes et ces femmes qui nous aident à imaginer un monde plus propre et plus juste pour nos enfants. Pour que nous soyons tous des « lanceurs d’avenir ».L’affiche
Les personnages
Ex-vétérinaire qui a décidé de changer de métier car il ne supportait plus de « gaver les vaches d’antibiotiques », Jean-Sébastien Cuisnier s’est reconverti dans le maraîchage bio et la permaculture, et dirige à présent la Régie Agricole Municipale de Ungersheim.« L’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul ».Jean-Claude Mensch, maire de Ungersheim depuis 1989, est considéré comme le « père » du programme de transition. Ce visionnaire qui sait rassembler et motiver aime citer Gandhi. « Pour moi le bonus c’est de réussir à associer l’écologie et en même temps le partage, le vivre autrement ». Avec son mari Frank, Muriel Thomas figure parmi les neuf copropriétaires de l’Éco-hameau. Bertrand Helmli-Fontez ne connaissait pas le village avant de s’y installer avec sa famille. Ce technicien a découvert à Ungersheim le bonheur d’agir ensemble pour le bien commun. Il fait partie de la commission « énergies renouvelables » du Conseil Participatif.
Marie-Monique Robin : Auteure et Réalisatrice
Journaliste réalisatrice pour la télévision, Marie-Monique Robin s’est d’abord fait connaître par ses enquêtes incisives en faveur des droits de l’homme. Depuis quelques années, la réalisatrice a contribué à faire reconnaître le respect de l’environnement par l’activité économique comme une cause essentielle aux droits humains. À partir de 2011, elle ne privilégie plus une démarche d’alerte, mais d’illustration d’initiatives positives ; faisant le tour du monde elle démontre ainsi l’existence d’alternatives à l’aveuglement productiviste et à la consommation effrénée. Alors que la SCAM vient de lui décerner le prix Christophe de Ponfilly « pour l’ensemble de son œuvre », Marie-Monique Robin réalise pour la première fois un film destiné aux salles de cinéma. – www.mariemoniquerobin.comEntretien avec Marie-Monique Robin
Comment l’idée de réaliser ce film vous est-elle venue ? En 2014 j’ai réalisé un documentaire pour ARTE intitulé Sacrée croissance ! qui questionnait le dogme de la croissance économique illimitée et montrait des expériences abouties au nord et au sud de la planète traçant la voie vers une société post-carbone, plus durable, plus juste et plus solidaire. Ces initiatives visaient à développer l’autonomie alimentaire et énergétique des territoires tout en stimulant l’économie locale à travers les monnaies complémentaires. Tourné dans sept pays, mon film ne comportait aucun exemple français. C’est lors d’une projection du film à Thann (Haut-Rhin) que j’ai découvert l’existence du programme de transition exceptionnel d’Ungersheim. L’envie de faire ce film a grandi en moi tout au long de l’année 2015 alors que je tournais un documentaire intitulé Sacré village ! pour France 3 Alsace et Ushuaïa Télévision : on y voit Rob Hopkins – le père du mouvement des villes en transition – déclarer que l’expérience d’Ungersheim est « unique au monde ». Vous passez donc de la télévision au cinéma, pourquoi ? Très vite, il m’est apparu que je ne pourrais jamais utiliser la totalité du matériel filmé, car sa richesse dépassait toutes mes espérances. Après mon repérage en février 2015, j’avais écrit un synopsis qui permettait de raconter la mise en œuvre des 21 actions du programme de transition à travers des personnages clés, sur lesquels je voulais construire mon documentaire, mais j’avais complètement sous-estimé la puissance de la dynamique que génère une démarche de transition globale, encouragée par des élus et désirée par des citoyens éclairés, qui d’un coup sont prêts à libérer le meilleur d’eux-mêmes. Avec le caméraman Guillaume Martin et l’ingénieur du son Marc Duployer, nous avons compris que l’histoire que nous filmions avait une valeur universelle et qu’en ces temps de doute et d’inquiétude – écologique, économique, politique – elle pourrait montrer aux citoyens que des alternatives existent et sont possibles. C’est ainsi que s’est imposée à moi l’idée de raconter cette histoire d’une autre manière : à travers un film, diffusé sur le grand écran. Comment avez-vous produit ce film ? Malheureusement, M2RFilms n’a pas pu obtenir l’aide du CNC, car celui-ci avait déjà soutenu la production du 52 minutes pour la télévision. Pourtant, pour réaliser Qu’est-ce qu’on attend ?, j’ai filmé des séquences supplémentaires, et notamment les entretiens conduits en studio, dans « la bulle », ainsi que l’a dit l’un des personnages du film. J’y recueille une parole qui s’adresse au spectateur en lui disant des mots qu’il aurait pu dire, car en ces temps de confusion, qui n’a pas envie d’une cause commune pour remettre de la cohérence dans le grand désordre global ? Bien évidemment, il a fallu reprendre le montage de zéro (quatre mois supplémentaires), le mixage, la musique, créer une affiche, préparer la distribution, etc. M2RFilms a quasiment tout autofinancé… Au delà d’Ungersheim, votre film pose des questions fondamentales sur le vivre autrement … Alors que je m’apprêtais à raconter le plus fidèlement possible une expérience de transition vers l’après-pétrole, j’ai effectivement été confrontée à des questions fondamentales qui taraudent chacun d’entre nous, et pas seulement les « écolos-bobos ». De quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre ? À quoi tenons-nous ? Qu’est-ce que nous voulons transmettre à nos enfants ? Quel est le lien entre le contenu de notre assiette et l’état de la planète ? À quoi sert l’argent ? Quel est le sens du travail ? Qu’est-ce que le « bien commun » ? Et le bonheur ? Toutes ces questions courent tout au long du film. Que souhaiteriez-vous dire au public ? J’ai envie de convier les citoyens et citoyennes à venir voir et entendre ce conte des temps modernes, qui montre que tout n’est pas perdu et qu’une autre voie est possible ici et maintenant. J’ai envie aussi de les inviter à s’enfoncer dans un fauteuil et l’obscurité pour plonger littéralement dans ce récit porté non plus par mon commentaire, mais par la voix même de ceux et celles qui écrivent ce que pourrait être le futur et que j’appelle les « lanceurs d’avenir ».Ses documentaires les plus marquants
– SACRÉ VILLAGE ! : 52’, France 3 Alsace, Ushuaïa TV, RSI, 2016. – BHOUTAN : À LA RECHERCHE DU BONHEUR : 56’, ARTE, Ushuaïa TV, RSI, 2015. – FEMMES POUR LA PLANÈTE : 52’, ARTE, Ushuaïa TV, 2015. – SACRÉE CROISSANCE ! : 96’, ARTE, RTBF, TSR, RTL Luxembourg, etc, 2014. Prix Greenpeace au Festival Film Vert (Genève 2015), 1er prix du long métrage international au Festival Internacional de Cine Ambiental (Buenos Aires, 2016). – LES MOISSONS DU FUTUR : 96’, ARTE, RTBF, TSR, TéléQuébec, RTL Luxembourg, 2012. Prix TV Ushuaïa au festival du film écologique de Bourges. – NOTRE POISON QUOTIDIEN : 112’, ARTE, RTBF, Discovery Channel, TSR, Télé Québec, etc, 2011. – TORTURE MADE IN USA : ARTE, RTBF, TSR, 2011, diffusé sur le site de Mediapart, octobre/décembre 2010 (120 000 visites) Prix Olivier Quemener du FIGRA 2010, Prix spécial du jury, Festival des Libertés de Bruxelles. – LE MONDE SELON MONSANTO : 108’, ARTE, WDR, ONF, RTBF, TSR, NHK et vingt chaînes internationales, diffusé début 2008. Prix du meilleur moyen ou long documentaire, au Festival international du film francophone en Acadie, Prix spécial du Jury au Festival international du scoop d’Angers, Prix Rachel Carson (Norvège), Trophée des sciences du danger ( Cannes), Etoile de la SCAM, Prix de l’Ekofilm Festival de Cesky Krumlov (République Tchèque), Prix du Meilleur Film à l’Environmental Media Prize de Berlin. – ESCADRONS DE LA MORT: L’ECOLE FRANCAISE : CANAL +/ ARTE, 2003. Prix du meilleur documentaire politique (Laurier du Sénat), Prix de la meilleure investigation du FIGRA. Award of Merit (Latin American Studies Association/ USA). Prix du meilleur documentaire de Egyptian Cinema Critica Association Jury. – VOLEURS D’ORGANES : 52’, Planète Cable/Canal+ Espagne/ARD, 1993. Prix Albert Londres, Prix du Grand documentaire au Festival d’Angers, Prix du meilleur documentaire étranger au Festival de la Havane, Prix du jury catholique au festival de Monte Carlo, Prix Médiaville, 1995