Une digue édifiée au XIXe siècle … Une buse sous la digue, par où
s’écoule la Saâne mais infranchissable pour les poissons migrateurs. Derrière la digue, un camping municipal menacé de fermeture administrative. En cause l’élévation du niveau de la mer, les submersions marines et les crues de la Saâne, que la buse ne permet pas d’évacuer. Comme une baignoire dont la bonde serait trop étroite … On fait quoi ? Un projet qui transforme la vulnérabilité d’un territoire en opportunité. Pour la première fois en France, un camping menacé par le recul du trait de côte est déplacé et s’adapte aux attentes des vacanciers du XXIe siècle.
La Saâne n’est pas un long fleuve tranquille …
Entre les premières réflexions et l’arrivée des pelleteuses, plus de vingt ans se sont écoulés.
Dans les années qui viennent, plusieurs dizaines de campings devront être relocalisés sur tous les littoraux français. En réinventant son équipement touristique, la commune de Quiberville-sur-Mer montre la voie. Cette opération est l’une des actions-phares du projet de territoire Basse Saâne 2050, salué -et en partie financé- par l’Union européenne et par l’État, qui vise à adapter la basse vallée de la Saâne aux nouvelles conditions climatiques.
Les porteurs du projet nous racontent l’histoire du projet et nous décrivent le futur visage de la vallée.
L’idée d’un projet territorial dans la basse vallée s’est imposée d’elle-même au fil des ans et des réflexions. Le Syndicat des bassins versants, en juin 2000, a constaté le traumatisme lié aux récents épisodes de crues de la Saâne, qui a causé d’énormes dégâts. Au camping de Quiberville-sur-Mer, caravanes et mobilhomes ont flotté dans 1,80 m d’eau pendant plusieurs semaines !
En cause, la digue, qui protège de la mer mais retient l’eau dans les terres en cas de crues, et la buse d’écoulement de la rivière, dont le débit ne permet pas à l’eau de s’évacuer rapidement. A cette époque, on ne pense qu’à réguler les crues de la rivière. Le dérèglement climatique, la montée du
niveau marin, le recul du trait de côte, tout cela n’est pas dans les esprits. Et le syndicat fait ce qu’il sait
faire : gérer les crues ! Puisque le problème venait de la digue, après plusieurs années de calculs et d’études il a proposé d’ouvrir cette digue sur 30 à 40 m, ce qui permettait à l’eau de s’écouler rapidement.
Ce projet n’a pas fait l’unanimité … et en 2010, le projet est retoqué. Fin de l’histoire ?
Pas du tout ! D’abord parce que le problème des crues n’était pas résolu, et parce que d’autres thématiques sont apparues, comme la submersion marine, la qualité des eaux de baignade, etc.
I fallait aussi trouver une solution pour restaurer la continuité écologique à l’embouchure puisque
c’est une obligation réglementaire.
Le Conservatoire du littoral est désigné pour porter le nouveau projet, bénéficier d’études sociologiques et
économiques, poser les bonnes questions en termes d’aménagement de ce territoire. Sans perdre de vue les questions de vulnérabilité et de résilience, mais en intégrant, par exemple, la question de
l’avenir du camping de Quiberville-sur-Mer, qui est un poumon économique de la commune.
Mais déplacer le camping, construire une station d’épuration, reconnecter la rivière à la mer, tout cela coûte cher … Oui, mais quand les Anglais leur ont proposé de candidater ensemble pour le programme européen PACCo (Promouvoir l’Adaptation aux Changements Côtiers), le territoire a pu se mobiliser en urgence et bénéficier de ces financements importants pour passer en phase opérationnelle.
Les financements PACCo ont permis de « débloquer » la première brique : la relocalisation du camping. Sans elle, pas de restauration de la continuité écologique. Et grâce à la réflexion conduite sur le camping et sur l’économie touristique, ils ont pu intégrer le volet assainissement au dossier PACCo. Ce qui va leur permettre de régler aussi la question de la reconnexion de la Saâne à la mer.
» Quand je suis arrivée, je n’avais pas conscience de l’étendue des compétences et des connaissances que ce projet pouvait demander : biodiversité, zones humides, hydraulique, tourisme et camping, assainissement, suivis de chantier, archéologie, pyrotechnique, communication, gestion de projet, management, animation (auprès des petits comme des grands), financements, prêts, urbanisme, marchés publics, agriculture, chasse, pêche, randonnée, photographie, réglementation… «
Redonner à la Saâne un espace d’expansion en cas de crues … La connecter à la mer … Relocaliser le camping municipal de Quiberville-sur-Mer et les bungalows de Sainte-Marguerite-sur-Mer … Construire une station d’épuration à Longueil … Restaurer la biodiversité
Tous ces chantiers qui, mis bout à bout, constituent l’ossature du projet de territoire Basse Saâne 2050, nécessitent que les maîtres d’ouvrage s’assurent la propriété des terrains concernés. La « maîtrise foncière » est donc au cœur du projet territorial. Elle est assurée par plusieurs acteurs, qui ont chacun leurs règles, leurs méthodes, et leurs compétences : le Conservatoire du littoral, l’Établissement public foncier de Normandie (EPFN), la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Et, bien sûr, les communes concernées et la Communauté de communes Terroir de Caux