Les multinationales sont entrées dans la jungle des labels du commerce équitable. Les bananes de Chiquita sont maintenant certifiées par la grenouille verte de Rainforest Alliance. Quelles garanties pour le consommateur ?
En Suisse, les grands distributeurs vendent depuis une quinzaine d’années des produits du commerce équitable. Max Havelaar (MH) est le label le plus connu. Dans le cas des bananes, le produit phare, « le consommateur permet aux petits producteurs d’Amérique centrale de recevoir un prix minimum rémunérateur – non dépendant des fluctuations du marché international -, de bénéficier d’une couverture sociale et de profiter des projets communautaires. » Préservation de l’environnement et agriculture bio font aussi partie des préoccupations. C’est en tous cas l’idéal recherché, même si la réalité du terrain ne correspond pas toujours exactement aux formules du dépliant. Un mastondonte comme Chiquita se devait de réagir Si en Suisse, les bananes MH représentent aujourd’hui 56% des ventes, cette proportion est beaucoup plus faible pour d’autres produits. Le commerce équitable se monte à 1,6 milliard de francs au niveau mondial. Encore une goutte d’eau, mais qui grossit rapidement. Face à ce succès, même un mastodonte comme Chiquita se devait de réagir. Souvent accusée de violer les droits des travailleurs, la multinationale fait des efforts. Aujourd’hui, elle fait certifier sa production par l’organisation environnementale américaine Rainforest Alliance. Que recouvre ce label? Un symposium organisé récemment à Berne par une dizaine d’ONG – dont Claro Fair Trade, la Fondation pour la protection des consommateurs et les principales œuvres d’entraide suisses – a tenté de comparer les labels. Selon Sara Meyer, de Claro, « une des différences fondamentales, c’est le prix payé aux producteurs : Rainforest Alliance ne garantit pas de salaire minimum. C’est un label surtout écologique, et moins social. » « Faux!, rétorque Georg Jaksch, de Chiquita. Nous appliquons la norme SA 8000, les meilleurs standards sociaux et nous sommes la seule entreprise à avoir signé un accord avec des syndicats internationaux et locaux. » Mais alors pourquoi Chiquita ne se ferait-elle pas certifier par MH? Selon Didier Dériaz, qui représente Max Havelaar en Suisse romande, « Chiquita ne satisfait tout simplement pas à un critère de base du commerce équitable, le prix minimum garanti. Mais nous ne sommes pas en conflit avec Chiquita. » Pour le consommateur le dilemme se pose pourtant: soutenir une « valeur sûre » du commerce équitable, comme MH ou donner sa chance à une multinationale comme Chiquita – dont l’impact sur le marché mondial est sans comparaison – de devenir socialement plus responsable? D’après Bastienne Joerchel, d’Alliance Sud, « tout progrès est bon à prendre ». Et de citer le cas de Dole qui, contrairement à Chiquita « ne fait aucun effort ». Cependant, pour cette militante, « les ONG doivent maintenir la pression sur les gouvernements et demander aux multinationales de rendre compte de leurs efforts en matière de responsabilité sociale et environnementale ». La jungle des labels Parallèlement, pour aider le consommateur à s’y retrouver dans la jungle des labels, Didier Dériaz renvoie à FLO, le Réseau international des labels du commerce équitable, une initiative de standardisation des labels existants. A côté de Max Havelaar, on y trouve Transfair et Fair Trade. Mais pas Rainforest Alliance. De son côté Ursula Brunner, présidente d’honneur de Terra Fair, exhorte les consommateurs à devenir des acteurs à part entière. En 1973 déjà, cette pionnière de 80 ans importait des bananes de petits producteurs du Nicaragua. Elles étaient vendues dans les Magasins du Monde, sous le slogan du « juste prix », jusqu’en 1997. C’est à ce moment que MH s’est mis à commercialiser les bananes labélisées chez les grands distributeurs du pays. Aujourd’hui, Ursula Brunner aimerait voir les ONG et les « consommacteurs » réfléchir ensemble à l’évolution du commerce équitable. En effet, celui-ci est né pour répondre aux besoins des petits producteurs et, selon elle, « l’approche est difficilement applicable à des multinationales dont le système de production tout entier n’est pas équitable. Le défi est d’amener les entreprises géantes à une plus grande responsabilité, pour une vraie justice économique et sociale. »