
Impacts sur l’environnement et sur la santé
Dans les pays en développement et dans les économies émergentes, les produits utilisés par l’industrie chimique (tels que les colorants, les détergents et les adhésifs) sont en train de remplacer les plantes traditionnelles, les produits à base de céramique et les produits naturels issus d’animaux. Selon le rapport du PNUE, les ventes internationales de produits chimiques sont appelées à augmenter d’environ 3% par an jusqu’en 2050. L’Afrique et le Moyen-Orient devraient enregistrer une augmentation moyenne de 40% de la production chimique entre 2012 et 2020. L’Amérique latine, quant à elle, devrait connaître une hausse de 33%. L’intensification de l’utilisation des produits chimiques, telle que soulignée dans le rapport du PNUE, signifie que les produits chimiques synthétiques sont en train de devenir les composants majeurs des flux de déchets et de pollution dans le monde. Les individus et les habitats risquent donc d’être de plus en plus exposés aux effets négatifs des produits chimiques. – Au Soudan, des études ont démontré que les femmes enceintes qui exercent une activité agricole (dans laquelle des pesticides sont utilisés), sont exposées à un risque de mortalité trois fois plus élevé que la moyenne. – En Équateur, des villageois utilisaient de l’eau venant d’un point d’eau situé à proximité d’un site d’extraction d’huile pour se baigner et pour boire. Cette eau contenait des niveaux d’hydrocarbures pétroliers jusqu’à 288 fois plus élevées que les normes de la Communauté Européenne. – Aux Etats-Unis, une étude datant de 2009 s’est penchée sur 212 produits chimiques. Cette dernière a révélé que toutes les substances examinées ont été détectées dans une certaine portion de la population nationale. – Dans les classifications harmonisées de l’UE, plus de 3000 produits chimiques sont classés comme toxiques pour la vie aquatique. Les niveaux de toxicité vont de « très toxique » à « toxique avec des effets nocifs à long terme ». Les principales préoccupations écologiques incluent la contamination des rivières et des lacs par les pesticides et par les engrais, la pollution aux métaux lourds imputable à la production de ciment et de textile, et enfin la contamination à la dioxine venant des exploitations minières. Par ailleurs, le ruissellement des engrais et des pesticides contribue à accentuer le problème des « zones mortes« , pauvres en oxygène, présentes dans les eaux côtières. Selon le rapport du PNUE « L’avenir de l’environnement mondial 5 (GEO-5)« , sorti en juin 2012, seulement 13 des 169 zones mortes côtières de la planète seraient en train de se rétablir. Les polluants organiques persistants (POP) peuvent être transportés dans l’air sur de longues distances et s’accumuler sur la terre et dans l’eau. Ils peuvent aussi s’amasser dans les organismes et remonter la chaîne alimentaire. Le mercure, par exemple, est transformé par les organismes aquatiques en des composés qui peuvent atteindre des dizaines de milliers de fois la concentration initialement présente dans l’eau. En plus de nuire à la biodiversité, cela peut avoir de graves répercussions sur la pêche, qui est une source importante de protéines et de revenus pour des millions de personnes dans le monde.Implications économiques
Le rapport explique qu’une transition vers une production, une utilisation et une élimination durable des produits chimiques peut apporter d’importants avantages économiques en matière de développement, de réduction de la pauvreté, et de réduction des risques pour la santé humaine et pour l’environnement. La mauvaise gestion des produits chimiques, quant à elle, pourrait entraîner des coûts de plusieurs milliards de dollars (USD) au niveau mondial. Ces coûts, la plupart du temps, ne sont pas pris en charge par les fabricants, ni par les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Ils sont souvent pris en compte par des systèmes de protection sociale ou des assurances individuelles. – La mauvaise gestion des composés organiques volatils est responsable de pertes économiques globales estimées à 236,3 milliards de dollars (USD). – L’exposition au mercure a entraîné des dommages sur la santé et sur l’environnement qui sont estimés à 22 milliards de dollars (USD). – En Chine, les dommages sur le secteur de la pêche commerciale causés par la pollution aiguë de l’eau ont été estimés à 634 milliards de dollars (USD), sur une période d’un an. – Aux États-Unis, la mauvaise gestion des pesticides a abouti à une perte de récolte estimée à 1,4 milliard de dollars (USD). – Au Royaume-Uni, l’accident survenu dans l’entrepôt de stockage d’huile de Buncefield a donné lieu à l’un des plus grands incendies jamais connu en temps de paix en Europe. Cet accident a causé des pertes financières de plus d’un milliard de dollars (USD), rien que pour régler les litiges et les frais médicaux. Dans les pays développés et en développement, les chaînes d’approvisionnement deviennent de plus en plus complexes et de plus en plus longues. En outre, l’introduction de nouveaux composés chimiques signifie que les produits sont maintenant plus susceptibles de ne pas respecter les normes de sécurité, selon le rapport du PNUE. Ce phénomène entraîne également une augmentation du risque d’accident de travail, avec les lourdes charges financières en matière de soin de santé qui en découle. Par exemple, les frais occasionnés par l’amiante, et les cloisons sèches contaminées, s’élèvent à plus de 125 milliards de dollars (USD) à travers le monde entier. Par ailleurs, ce chiffre ne cesse d’augmenter. Dans les pays émergents et les pays en voie de développement, des bénéfices économiques importants peuvent être réalisés grâce à des pratiques agricoles durables telles que la gestion intégrée des ravageurs (GIR). La GIR consiste à utiliser moins de produits chimiques, et à introduire des méthodes alternatives telles que la rotation des cultures, en vue de favoriser la survie des ennemis naturels des ravageurs. Cela permet également une meilleure surveillance phytosanitaire. Dans les exploitations de pommes de terre d’Équateur, la GIR a été introduite pour lutter contre les taux élevés d’empoisonnement par pesticide. Les plantations de pommes de terre qui ont été gérées grâce à cette méthode ont été bien plus productives et ont connu une baisse des coûts de production de 20% par rapport aux parcelles traitées avec des pesticides chimiques. Le nombre de personnes souffrant de problèmes neurologiques liés aux pesticides a également diminué. Dès les années 1990, l’Indonésie a introduit un programme intégré de lutte antiparasitaire. Ce programme a aidé les agriculteurs à réduire l’utilisation des pesticides de moitié et à augmenter les rendements d’environ 10%. Les gains économiques provenant de la mise en œuvre du programme national de GIR 2001-2020 sont équivalents à 3,65% du PIB de l’Indonésie (en 2000). Grâce à ce programme, on prévoit que dans les 19 prochaines années plus de 20.000 cas d’intoxications aiguës aux pesticides seront évités chez les cultivateurs de riz. Des bénéfices équivalents à un total cumulé de 22% du PIB de l’Indonésie en 2000 devraient être dégagés. Enfin on prévoit également une augmentation du revenu des ménages de près de 5 pour cent. Les bénéfices globaux liés au retrait de l’essence au plomb s’élèvent à 2,45 milliards de dollars (USD), soit 4% du PIB mondial annuel. Améliorer la gestion des produits chimiques en fin de cycle de vie peut aussi servir à soutenir les activités de récupération des matières précieuses. Cet argument est particulièrement pertinent en ce qui concerne les déchets électroniques (e-déchets). En effet, dans les pays en développement, ces derniers sont de plus en plus souvent soit recyclés soit démantelés, et ce afin d’en retirer les métaux précieux comme l’or ou le cuivre. Dans les pays en développement, le recyclage des déchets électroniques est un secteur en grande partie non réglementé. Les travailleurs y sont régulièrement exposés à de nombreux produits chimiques nocifs, comme les dioxines émises lors des opérations de récupération à chaud des métaux contenus dans les câbles. Au Ghana, l’introduction de technologies de recyclage plus sûres et plus efficaces, comme alternative à la récupération à chaud des métaux contenus dans les câbles, a entraîné une augmentation de 45% des recettes par ordinateur de bureau recyclé. En outre, en utilisant des techniques de recyclage améliorées, il est prouvé que l’on peut récupérer jusqu’à 90% des substances appauvrissant l’ozone contenues dans les déchets électroniques.Recommandations
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreux pays ont créé des cadres juridiques, des autorités réglementaires et d’autres mesures visant à réduire les risques liés aux produits chimiques. Les fabricants de produits chimiques ont également développés de nouvelles méthodes et de nouvelles lignes directrices visant à renforcer ces efforts. Sur le plan international, l’Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques du PNUE et la Conventions sur les déchets et les produits chimiques dangereux de l’ONU constituent des cadres réglementaires et volontaires pour la promotion de la gestion rationnelle des produits chimiques. Mais en dépit de ces progrès, le rapport « Global Chemicals Outlook » souligne que des efforts supplémentaires sont nécessaires à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement des produits chimiques. L’objectif contenu dans le Plan d’application de Johannesburg (qui doit être atteint en 2020) et les avantages associés, ne sera réalisé que si des efforts supplémentaires sont entrepris. Le rapport liste les approches clés pour une transition mondiale vers une meilleure gestion des produits chimiques, plus particulièrement dans les pays en voie de développement et dans les économies émergentes: – Intégration – Une gestion saine des produits chimiques doit être complètement intégrée dans les plans nationaux économiques et sociaux. Les responsabilités en la matière sont souvent partagées entre plusieurs organismes, ce qui conduit à des réponses fragmentées et inefficaces. – Les nombreuses parties prenantes – Dans beaucoup de pays, se sont les sociétés commerciales qui disposent des capacités techniques et de l’information la plus complète sur les produits et les déchets chimiques. Par conséquent, les producteurs, les fabricants et les importateurs devraient être en première ligne en ce qui concerne la gestion sécurisée des produits chimiques, ils devraient aussi jouer un rôle actif dans l’élaboration des politiques gouvernementales. – Prévention – Les gouvernements nationaux des pays émergents et des pays en voie de développement devraient élaborer des politiques publiques qui mettent l’accent sur la prévention des risques et la promotion des alternatives plus sûres, plutôt que de se concentrer uniquement sur l’assainissement des sites pollués. – Renforcement des capacités – Les coûts qui résultent d’une gestion efficace des produits chimiques et des déchets demeurent un obstacle pour de nombreux pays. Il existe un besoin urgent d’aide financière venant des pays développés et des donateurs internationaux. Les gouvernements des pays émergents et des pays en développement devraient promouvoir l’innovation et l’utilisation de produits chimiques plus sûrs afin d’attirer les investissements. De nombreux pays ont pris les devant et ont mis en place de nouvelles approches de gestion des produits chimiques Le Brésil a créé une Commission nationale sur la sécurité chimique pour améliorer la coordination entre les organismes gouvernementaux. Le Costa Rica a également mis en place un organe similaire. En Ouganda, une initiative soutenue par l’ONU a supervisé l’intégration des priorités en matière de gestion des produits chimiques dans le Plan national quinquennal de développement. « L’agriculture durable, les bâtiments verts et la gestion des déchets et des produits chimiques sont tous des ingrédients essentiels pour tous les secteurs liés à la transition vers une économie verte« , a déclaré Achim Steiner, le Directeur exécutif du PNUE. « Mais pour tirer parti des avantages économiques de la gestion rationnelle des produits chimiques, il faudrait une coopération plus étroite et une meilleure planification entre les ministères, les secteurs public et privé, et les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement des produits chimiques. » « Des efforts globaux et ambitieux, soutenus par des financements stratégiques seront nécessaires. Une telle action pourrait permettre de mettre le thème de la gestion des produits chimiques au sommet de l’agenda politique international et contribuerait à assurer un développement durable« , a ajouté M. Steiner. Le rapport « Global Chemicals Outlook » propose d’autres recommandations spécifiques destinées aux pays, aux entreprises et à la société civile, et ce pour accélérer les progrès vers l’objectif de 2020. Il s’agit notamment de : – Construire des approches et des analyses cohérentes pour surveiller les taux d’expositions chimiques et leurs effets sur l’environnement et la santé. – Analyser systématiquement le coût économique des effets qu’ont les produits chimiques. – Adopter et mettre en œuvre des instruments juridiques qui définissent les responsabilités du secteur public et privé en matière de contrôle des produits chimiques. – Générer un ensemble de références harmonisées concernant les effets des produits chimiques sur la santé et sur l’environnement, et rendre cette table de références accessible au public. – La société civile devrait participer activement aux prises de décisions sur la sécurité chimique, et ce à tous les niveaux.Ressources
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