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MONTARNAUD (Hérault) - Mas Dieu

Occitanie : Macondo, le tiers-lieu dédié à la résilience, menacé d’expulsion

L’Occitanie est la région française la plus impactée par le changement climatique selon le GIEC. A Montarnaud, au nord de Montpellier, un laboratoire dédié à la transition écologique est menacé d’expulsion par la mairie. Le maire invoque une application stricte du droit face aux risques d’incendie. Sur place, c’est l’incompréhension parmi les coopérateurs de Macondo et leurs soutiens. Reportage au cœur d’un tiers-lieu emblématique de l’écologie aujourd’hui en sursis.

Macondo expulsée 

Mise à jour du 12 février 2024 – Le Maire de Montarnaud vient de prendre un arrêté et menace les occupants d’une astreinte de 500 euros par jour. Dans une dernière lettre adressée à ses soutiens, la coopérative Macondo déplore les conséquences de cette expulsion qui tue un projet dont beaucoup d’acteurs locaux (de la Région Occitanie à la Métropole de Montpellier) faisaient des louanges : « Les premières victimes sont les jeunes sans diplôme, en décrochage, qui perdent avec le déménagement de l’école ETRE une école alternative, qui leur offrait un sas salvateur pour reprendre confiance en eux et s’engager dans la vie ».

« Il a fait 22,1 °C en janvier à Montpellier, un record absolu. Que font les gens en responsabilité  … ils ferment Macondo ?!? »

Benjamin Clouet, le Président de Macondo et patron de l’entreprise Ecosec était le 8 février dernier l’invité de nos confrères de France Bleu Hérault. « On a un dossier béton : vous imaginez bien qu’on ne lève pas un million d’euros d’argent public, qu’on ne fait pas des prêts de 250 000 euros à la banque, sans avoir un bail, un permis et tout en conformité ! »

Suite à cet entretien le maire de Montarnaud, Jean-Claude Pugens a réagit par écrit auprès de France Bleu : « L’installation de MACONDO sur des terrains appartenant à la commune de MONTARNAUD est irrégulière et a fait l’objet d’un constat réalisé par les services préfectoraux. Cette situation n’est pas régularisable en droit. MACONDO ne peut donc rester sur place, en accueillant de surcroît du public alors qu’aucune condition de sécurité ne peut être mise en œuvre. En ma qualité de Maire, je suis garant du respect des lois en matière d’urbanisme et de sécurité sur la commune. »

Avec pour conséquence de menacer 27 emplois souligne France 3 Occitanie. Mathilde Barbier qui achève à la hâte son dernier chantier de tiny house témoigne : « partir, c’est très compliqué pour moi, un atelier comme celui-là, je ne peux pas en retrouver un, donc je suis fatiguée et déçue ». 

Le REPORTAGE (publié sur Cdurable.info le 12 juillet 2023)

Occitanie : Macondo, le tiers-lieu dédié à la résilience, menacé d’expulsion
Occitanie : Macondo, le tiers-lieu dédié à la résilience, menacé d’expulsion 

Cet après-midi, au Mas-Dieu, ils sont une dizaine d’étudiants en provenance de Norvège, du Canada, de l’Espagne, du Portugal, de Singapour et d’Australie. Dans le cadre de Campus France, l’établissement public chargé de l’enseignement supérieur à l’étranger, ils sont venus en France pour découvrir les solutions technologiques de lutte contre le changement climatique. Pour assurer la visite de ce groupe, Nathalie Boudé, la coordinatrice de la Coopérative Macondo se fait aujourd’hui seconder par Laura, 24 ans, service civique à Etre, l’Ecole de la transition écologique. Ce centre de formation est l’une des premières structures accueillies sur le site du Mas-Dieu.

Au Mas-Dieu, les groupes se succèdent pour découvrir le tiers-lieu Macondo et ses innovations.
Au Mas-Dieu, les groupes se succèdent pour découvrir le tiers-lieu Macondo et ses innovations.

Laura est particulièrement fière de pouvoir expliquer les projets développés par les élèves. Elle vient de terminer les deux cycles au sein de l’Ecole. L’occasion pour elle de montrer les réalisations sur le site. « Quant on arrive à l’école Etre, on ne sait pas forcément se servir d’une visseuse ou d’un marteau » débute Laura.

« Et regardez ici, dans cet espace de convivialité ce sont les jeunes qui ont construit intégralement cette terrasse. On a récupéré l’ancien plancher des Galeries Lafayette qu’ils s’apprêtaient à jeter. On apprend à recycler ! »

Former des jeunes aux métiers d’avenir, tel est l’objectif de l’Ecole de la transition écologique (ETRE).

Plus loin, c’est un four solaire réalisé dans le cadre d’un autre atelier. « Avec ce four on peut monter jusqu’à 180°. Chacun en a confectionné un plus petit pour le ramener chez lui. » Laura présente les différentes low-techs utilisées pour les locaux de l’école et construits par les jeunes. « Ce que vous voyez ici c’est un chauffe-air solaire » explique Laura, postée devant un panneau solaire plaqué sur le mur. « C’est un radiateur passif qui utilise l’énergie du soleil pour chauffer l’air des locaux en hiver » précise Nathalie. Plus loin, un autre panneau solaire sert de chauffe-eau. « Un échangeur thermique récupéré sur un frigo à la déchetterie permet de chauffer directement l’eau située dans le ballon » ajoute la coordinatrice de Macondo.

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Etre : l’école qui forme les jeunes sans diplômes aux métiers de la transition écologique

« On accueille chaque année une centaine de jeunes âgés de 16 à 25 ans » précise Emma, 25 ans, conseillère en insertion socioprofessionnelle à l’école Etre. « Ils nous sont adressés par la mission locale. » Le défi de l’école Etre est né d’un constat. Chaque année, en France, plus de 100 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. En parallèle, dans les 30 prochaines années, presque 1 million d’emplois vont être créés dans la transition écologique. La solution de l’école Etre est de proposer des formations gratuites, pratiques et manuelles autour des métiers verts et verdissants.  Depuis 3 ans à Montarnaud, les jeunes s’initient à la menuiserie, à la permaculture, au recyclage des eaux usées, aux énergies renouvelables… « On préqualifie ces jeunes qui vont pouvoir s’inscrire aux formations diplômantes » poursuit Emma. « Grâce à la Région Occitanie, ces jeunes perçoivent le temps de leur parcours à l’école Etre le Revenu Ecologique Jeunes (REJ). C’est un vrai plus pour ces jeunes sans emploi. » ajoute la conseillère. Selon les chiffres de l’association, plus de 45% des jeunes passés par l’école Etre se sont orientés vers des formations diplômantes et des métiers verts.

A Macondo, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se valorise »

Nathalie et Laura entraînent le groupe d’étudiants en direction d’une autre ombrière. Sur ce site alimenté par la seule récupération des eaux de pluie, on est conscient qu’il faut préserver cette ressource. A Macondo, toutes les eaux grises sont recyclées avec un système de phytoépuration. Ici, il n’est pas question de faire ses besoins dans l’eau. « Nous consommons en moyenne 27 litres d’eau potable par jour et par personne en tirant la chasse de nos toilettes » explique Nathalie. « Nous utilisons les toilettes créées par Ecosec ». Ecosec, c’est la Scop fondé par l’ingénieur en assainissement Benjamin Clouet, lui même à l’origine du projet Macondo. « C’est ici au Mas-Dieu que sont conçus, assemblés, entretenus ces toilettes » précise la coordinatrice de Macondo. Sous l’ombrière, un groupe de jeunes s’affairent. Plusieurs festivals attendent la livraison de ces toilettes, certifiées 100% circulaire, fonctionnant sans eau ni sciure et autonomes grâce à des panneaux solaires. Dans les toilettes proposées par Ecosec rien ne change. On entre, on officie, on tire la « chasse ». Ou plutôt, on appuie sur une pédale qui anime un tapis roulant. Incliné, celui-ci sépare l’urine du reste. L’enjeu étant de récupérer la matière produite par le public, pour la recycler en compost ! Ainsi l’objectif premier est atteint : pas de pollution de l’eau, on rend à la terre ce qui est à la terre.  « L’urine contient du phosphate et de l’azote. Deux nutriments qui servent à la croissance des plantes » explique Benjamin. « On va pourtant les extraire du sol à l’autre bout de la planète pour en faire de l’engrais ! » s’acclame l’ingénieur. « Alors qu’on en produit tous les jours nous-même ! »

Macondo opte pour le décloisonnement des savoirs et le brassage des populations apprenantes et professionnelles.

Des composteurs collectifs aux Tiny houses autonomes

Nathalie et Laura entraînent le groupe en direction d’une nouvelle ombrière. Sous celle-ci, il y a du matériel de menuiserie. C’est dans cet atelier, qu’Ecosec prépare des composteurs créés à base de palettes recyclées et assemblées par du personnel en insertion. « Plusieurs collectivités se sont équipées de ces composteurs collectifs, comme la Métropole de Montpellier » explique Nathalie. Après avoir longé des piles de planches, une Tiny house apparaît ; sur laquelle une jeune femme pose de l’isolation. « Voilà Mathilde de la SCOP Les Zuts. Comme vous le voyez, elle conçoit sur place des Tiny Houses complètement autonomes». Tout en préparant son matériel, Mathilde amène quelques précisions. « Tous les matériaux que j’utilise sont biosourcés. Dans la mesure du possible, je réemploie aussi des matériaux de construction comme du bois de palettes pour le bardage de la Tiny ». Avec la volonté de rendre accessible cet habitat mobile. « Je propose plusieurs solutions adaptées à chacun : de l’autoconstruction à la version clé en main équipée en low-tech et autonome pour 55000 euros ».

Un concentré de low tech sont réunies dans les tiny houses de Mathilde de la Scop Les Zuts. Utilisation de matériaux de récupération, techniques de récupération des eaux de pluie, chauffage basse tech,…
Un concentré de low tech sont réunies dans les tiny houses de Mathilde de la Scop Les Zuts. Utilisation de matériaux de récupération, techniques de récupération des eaux de pluie, chauffage basse tech,…

Au cœur du Mas-Dieu, les coopérateurs de Macondo ont créé un tiers-lieu de résilience. Il s’inscrit dans un mouvement plus global pour repenser nos manières de vivre, de se loger, de se former. Dans ce lieu, Benjamin, Manu, Bernard, Mathilde, Laura, Emma et tous les autres démontrent que les équipements basses technologies peuvent rendre possible et confortable un mode de vie plus résilient et durable. Un état d’esprit porté par le nom de la coopérative. « Macondo est le nom d’un village imaginaire dans Cent ans de solitude. Un roman de Gabriel Garcia Márquez, prix Nobel de littérature » explique Nathalie la coordinatrice de la SCIC. Cette ville fictive est devenue célèbre dans le monde de la littérature. A tel point, que l’écrivain américain Ilan Stavans note qu’il est « difficile d’imaginer que cette ville ait été fabriquée à partir de rien ». Sur les terres arides du Mas Dieu, la coopérative Macondo est bien partie de rien ou presque.

Le Mas Dieu, un lieu emblématique de résistance citoyenne et poumon vert de Montpellier

Au Mas-Dieu à Montarnaud (Hérault). Photo David Naulin
Au Mas-Dieu à Montarnaud (Hérault). Photo David Naulin

Le Mas Dieu, c’est 540 hectares de garrigues au sud de la commune de Montarnaud (Hérault). Un territoire naturel sauvegardé, au prix d’une lutte victorieuse pour la défense de l’environnement. En 1989, Georges Frêche entend faire de ce site une immense décharge d’ordures ménagères pour toute l’agglomération montpelliéraine. La résistance s’organise dans les quatre communes concernées par le Mas Dieu : Montarnaud, Murviel les Montpellier, Saint-Jean-d’Orques et Saint Paul et Valmalle. Après plus de dix années de lutte, les quatre municipalités s’assurent de la maîtrise foncière du Mas Dieu et créent un Syndicat mixte, le SIADE. Pour protéger le site des promoteurs immobiliers, le Mas Dieu devient une zone Natura 2000 où de nombreuses espèces végétales et animales sont préservées. Le SIADE met également en place un projet d’Ecoparc « dédié aux énergies renouvelables, à l’environnement, au pastoralisme, à la vie associative ».

Le projet initial de l’Ecoparc du Mas-Dieu

C’est dans ce cadre, après enquête publique, qu’une entreprise d’énergies renouvelables a réalisé un premier investissement : l’installation de 21 toits photovoltaïques soutenus par des poteaux en bois. Ces immenses ombrières solaires pourront alors abriter les activités de porteurs de projets compatibles avec l’esprit du lieu. Un appel à projets est lancé par le syndicat. Benjamin Clouet, le fondateur de la SCOP Ecosec propose de créer sur place Macondo, une coopérative dédiée à l’économie circulaire et aux solutions low-techs pour s’adapter au changement climatique. En 2018, il élabore un cahier des charges pour expérimenter sur place le développement d’activités en limitant leurs impacts sur le site. En 2020, Gérard Cabello, l’ancien maire de Montarnaud et président du syndicat mixte, accorde son soutien et un bail à construction de 32 ans au projet Macondo. Depuis la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) Macondo a investi plusieurs centaines de milliers d’euros pour aménager et investir dans le développement de ses activités. Mais depuis quelques mois, l’existence de ce tiers-lieu au sein du Mas-Dieu est menacé avec un avis d’expulsion adressé par le maire de Montarnaud.

Les jeunes accueillis à l'école Etre s'initient à la permaculture.
Les jeunes accueillis à l’école Etre s’initient à la permaculture.

Jean-Pierre Pugens, maire de Montarnaud : « je veux faire appliquer la loi »

Les choses se sont compliquées pour Macondo depuis les dernières élections municipales. Le nouveau maire impose que les locataires se mettent « en conformité avec le PLU ». Celui-ci prévoit que tout permis de construire est conditionné par l’accès à l’eau potable et l’installation d’une borne incendie. Or, ces installations n’existent pas. En 2021, deux jeunes agriculteurs qui avaient aussi répondu à l’appel à projet du SIADE pour créer une ferme pédagogique reçoivent la même injonction de la mairie de Montarnaud :

Dans un courrier adressé à Macondo, Jean-Pierre Pugens, le maire de Montarnaud stipule : « Vous avez été informés par les services de l’État que le risque feu de forêt est exceptionnellement élevé sur le site du Mas Dieu et que, consécutivement à votre occupation considérée comme irrégulière à l’égard des règles d’urbanisme afférente à cette zone, les moyens de défense incendie et vos locaux, considérés comme ERP (établissement recevant du public), sont inadaptés à recevoir du public. ». « On n’est pas une ZAD, on est des locataires » se défend Nathalie Boudé, coordinatrice de Macondo. « Donnez-nous les moyens d’occuper décemment les lieux, au lieu d’être dans un combat. Macondo n’est pas responsable de cette situation », insiste Nathalie Boudé qui se réfère au bail.

Selon Jean-Pierre Pugens, la commune n’a pas les moyens et les ressources disponibles pour prendre en charge cet investissement. Au téléphone, le maire se défend : « Je n’ai rien contre les activités de Macondo. Mais vous connaissez la situation à Montarnaud ? »

Montarnaud, une urbanisation stoppée par le manque d’eau

Cette commune située à une quinzaine de kilomètres au nord de Montpellier connaît une forte croissance démographique. Avec plus de 4 200 habitants, plus de 45% en 10 ans, la commune a changé de visage. Vestige d’un passé agricole, la cave coopérative surplombe les zones pavillonnaires qui l’entourent. Des anciennes vignes, il ne reste plus rien. A la place, des alignements de bâtisses imposantes, où chacune ou presque dispose de sa piscine individuelle. Avec sa proximité avec Montpellier, les prix se sont envolés, rendant ses habitations accessibles aux seuls foyers les plus aisés. Mais depuis 2021, plus aucun permis de construire n’est accordé. La commune n’a plus les infrastructures nécessaires pour fournir de l’eau potable à de nouveaux habitants.

Le risque d’incendies brandit par la mairie

Nathalie Boudé, coordinatrice de Macondo - Photo : David Naulin
Nathalie Boudé, coordinatrice de Macondo – Photo : David Naulin

Face aux risques d’incendies, le maire refuse les solutions alternatives proposées par la coopérative et qu’elle serait prête à prendre en charge. Nathalie, la coordinatrice de la coopérative explique : « Il existe de multiples forages : on pourrait en utiliser un. A côté de ce forage, on pourrait avec l’aide du SDIS configurer des bâches à eau, des réserves d’eau et mettre en place des procédures de lutte contre l’incendie. » Nathalie voit aussi la présence de Macondo comme un atout pour la prévention. « L’été dernier nous avons pu prévenir les secours sur un début d’incendie dans le secteur. Sans notre alerte, le feu aurait pu se propager ». Inconcevable pour le maire qui balaie les propositions de Macondo, qu’il juge inadaptées. « Que voulez-vous que je fasse d’autre que de leur demander de partir ? Il n’y a pas d’eau là-bas. » affirme l’élu. Une information démentie en 2021 par Gérard Cabello l’ancien maire de Montarnaud dans une interview à la chaîne ViàOccitanie. « Le Mas Dieu est desservi par des forages. Ce n’est par hasard que les activités du Mas pour les mariages ont été accordé par les services de l’Etat alors qu’il n’y avait pas un réseau d’eau potable ». Imperturbable, l’actuel maire demande à Macondo de partir.

Des emplois menacés, un savoir faire en péril

Une situation kafkaïenne pour Benjamin et les autres coopérateurs de Macondo. « Je suis atterré » confie Benjamin. « On se bat ici pour mettre en œuvre des solutions utiles à tous : des composteurs, des toilettes sèches, la revalorisation des eaux grises comme des urines. Demain on porte un projet de méthanisation des matières fécales. » « Il n’est jamais venu voir ce qu’on faisait ici » déplore encore Nathalie, la coordinatrice de Macondo. « Je ne peux pas me rendre sur place, cela voudrait dire que je cautionne l’idée même que l’on peut aménager un site sans permis » rétorque le maire. Une quinzaine d’emplois sont directement menacés, « sans oublier la centaine de jeunes accueillis chaque année à l’école Etre » précise Nathalie la coordinatrice de la coopératrice. Le maire reste ferme : « Si cet été il y a un incendie et que des gens meurent, on me demandera ce que j’ai fait pour empêcher le drame ».

« Ce genre de projets, ce n’est pas pour nous »

Selon le maire de Montarnaud, il n’a pas de place sur le territoire de la commune pour accueillir les activités de la coopérative. Plusieurs partenaires avaient suggérés que l’ancienne cave coopérative pourrait accueillir le projet. Pour le maire, c’est hors de question : « la commune a besoin de ce lieu pour développer des services à la population. La ville s’est vite agrandie et les infrastructures sont insuffisantes. Je pense notamment à une nouvelle mairie et un service de crèche ». « Je privilégie l’intérêt général de mes habitants plutôt qu’une activité privée ». « De toute façon, il n’y a pas de place non plus sur le territoire de la communauté de communes » précise l’élu qui en assure la vice-présidence. Quant on l’interroge sur le fait que cela soit dommageable pour le territoire de perdre des activités de la transition écologique alors qu’il subit les conséquences du changement climatique, il répond :  « Ce genre de projets ce n’est pas pour nous. On dispose pas des moyens de Montpellier. D’ailleurs, ils ont plus d’espaces que nous pour ce genre de projets ».

Un appel pour sauver Macondo

Depuis plus de 10 ans, Emmanuel Commeto réalise des composteurs collectifs. Il a rejoint Macondo pour l'entraide qui existe entre les coopérateurs. Photo : David Naulin
Depuis plus de 10 ans, Emmanuel Commeto réalise des composteurs collectifs. Il a rejoint Macondo pour l’entraide qui existe entre les coopérateurs. Photo : David Naulin

La mine fatiguée, Benjamin envisage toutes les pistes. « Je ne sais pas encore. On recherche des solutions. Pourquoi pas être accueilli sur un territoire proche d’ici ». Le maire semble ne pas fermer la porte. « Si les porteurs du projet Macondo acceptaient de partir, je pourrais leur laisser quelques semaines pour s’organiser un signant un arrêté. » Pour l’instant le bras de fer se poursuit au détriment de la conduite des projets. « Comment s’inscrire dans l’avenir si on ne sait pas si on va pouvoir honorer nos contrats ? » explique Benjamin. La décision du maire a aussi un impact financier important pour la survie de la coopérative. « Nous avons investi 600 000 euros pour aménager les différents espaces. Nous avons remporté une subvention de 250 000 euros suite à un appel à projet de l’agence nationale de cohésion des territoires. Celle-ci est bloquée tant que la situation ne sera pas réglée » s’inquiète Benjamin. « Nos activités émergentes sont fragiles. »
Camille Massol, responsable du Pôle Réalis de la Région Occitanie accompagne Macondo depuis le début du projet. Elle confirme : « Le déménagement et l’installation de la SCIC Macondo sur un autre site posera un problème économique majeur pour le projet. »  « Macondo est un lieu indispensable pour notre territoire » estime Anne Coudrain Directrice de recherche honoraire à l’IRD (Institut de Recherche et Développement). « Tout doit être fait pour assurer sa pérennité. »

« Macondo, c’est une brique solide de ce monde que nous voulons voir grandir » Alternatiba Montpellier

Nolwenn, 24 ans. Cette jeune chercheuse participe au projet Cycloasis mené avec Ecosec au sein de Macondo. C'est ici que sont conçus les murs végétaux. Nolwenn et sa collègue Sophie utilisent des déchets pour servir les besoins de cette végétalisation : le substrat (biodéchets de la cuisine et déchets inerte de chantier) ; l’eau (les eaux grises) et les éléments nutritifs (les urines).
Nolwenn, 24 ans. Cette jeune chercheuse participe au projet Cycloasis mené avec Ecosec au sein de Macondo. C’est ici que sont conçus les murs végétaux. Nolwenn et sa collègue Sophie utilisent des déchets pour servir les besoins de cette végétalisation : le substrat (biodéchets de la cuisine et déchets inerte de chantier) ; l’eau (les eaux grises) et les éléments nutritifs (les urines).

« Le caractère vertueux du projet Macondo n’est plus à démontrer » appuie Stéphane Jouault, élu écologiste à la Ville de Montpellier. « La fin brutale de cette expérimentation de solutions d’avenir constituerait un gâchis qui doit être évité. » François Vasquez ,Vice-Président de Montpellier Méditerranée Métropole apporte également son soutien : « Cette SCIC est un modèle que nous soutenons : elle raconte comment nous devons aller chercher ensemble, dans la coopération et l’intelligence collective, des solutions pour engager la résilience de nos territoires et le nécessaire soin du vivant. »

Au Mas-Dieu, deux visions du monde s’affrontent alors que l’Occitanie est la région la plus impactée par le changement climatique. D’un côté, celle du droit qui réglemente dans l’intérêt général. Et il est de la responsabilité du maire d’appliquer les textes de loi et la réglementation pour faire face notamment aux risques d’incendie. De l’autre côté, celle de ceux qui inventent de nouveaux paradigmes pour s’adapter. En réduisant, par exemple, notre consommation d’eau potable et en recyclant nos eaux grises. Les solutions expérimentées par Macondo répondent aux enjeux du Plan Eau, lancé par la Région Occitanie. En Occitanie comme en France, seulement 1% de nos eaux usées est réutilisée (contre 13% en Espagne et 80% en Israël). Carole Delga souhaite faire de l’Occitanie la première région française pour la réutilisation des eaux usées. Se priver du savoir faire de Macondo ne constituerait pas un bon signal. François Vasquez, le vice-Président de la Métropole en appelle au dialogue : « C’est à nous, collectivités, élus, associatifs, entreprises, de trouver des solutions pour qu’un modèle perdure. C’est ensemble que nous y arriverons ». En attendant, la procédure judiciaire lancée par la mairie de Montarnaud se poursuit…

Vue de Macondo au Mas-Dieu à Montarnaud Hérault
Vue de Macondo au Mas-Dieu à Montarnaud Hérault

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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