Les dessous de la high-tech
A quelques semaines de Noël, 9,5 millions de produits high-tech s’apprêtent à être vendus en France[[Selon une étude de l’institut GfK, 9,5 millions de produits high-tech devraient être vendus à Noël dont 2,2 millions de smartphones.]] : appareils photos, consoles de jeux et bien évidemment, smartphones. Ces objets sont devenus indissociables de notre quotidien mais que savons-nous d’eux? Leurs impacts, de la chaîne de production à la mise en décharge sont souvent passés sous silence, et pour cause, ils sont catastrophiques, comme l’explique le site www.dessousdelahightech.org des Amis de la Terre. Les performances environnementales des produits high-tech s’affichent désormais dans les boutiques ou sur les sites Internet. Signe d’une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ? Pas vraiment si l’on observe les derniers smartphones commercialisés par deux géants du secteur, Apple et Samsung[[- Comparatif des émissions de gaz à effet de serre réalisé à partir des données de l’affichage environnemental d’Orange ]]. La production de l’iPhone 5 émet ainsi 36 % de gaz à effet de serre de plus que celle de l’iPhone 4S[[- Comparatif des émissions de gaz à effet de serre réalisé à partir des données disponibles sur le site d’Apple :- Pour l’iPhone 5
- Pour l’iPhone 4S ]], commercialisé un an plus tôt.
Et « L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage – le cas des produits high tech »
– www.amisdelaterre.org/obsolescence]]. En effet, les constructeurs n’informent pas sur le meilleur moyen de réduire l’impact de ces consommations comme allonger la durée de vie des produits[[- ADEME, Analyse de cycle de vie d’un téléphone portable, synthèse 2008.
– WWF, Guide pour un système d’information éco-responsable, 2011, 24 p. ]]. Pire, constructeurs et opérateurs usent de tous les stratagèmes pour réduire la durée de vie de leurs produits. Pour Camille Lecomte, chargé de campagne Modes de production et de consommation responsables aux Amis de la Terre France : « Certaines pratiques ont été encadrées mais pour doper leurs ventes, des opérateurs et constructeurs de produits high-tech continuent de les détourner malgré les accords volontaires[[En 2009, la Commission européenne a annoncé un chargeur universel pour « réduire les pollutions liées à ces équipements et de simplifier la vie des utilisateurs. » Cette annonce faisait suite à la signature d’un accord volontaire de 17 constructeurs qui s’engageaient à commercialiser des téléphones mobiles compatibles avec ce chargeur universel. Mise en œuvre dès 2010, cette mesure]] et les directives européennes : les chargeurs universels peinent à voir le jour alors que les batteries intégrées, théoriquement interdites[[- Directive 2006/66/CE du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE.
« Article 11 : Extraction des déchets de piles et accumulateurs
Les États membres veillent à ce que les fabricants conçoivent les appareils de manière à ce que les piles et accumulateurs usagés puissent être aisément enlevés. Tous les appareils auxquels des piles ou accumulateurs sont incorporés sont accompagnés d’instructions indiquant comment enlever ceux-ci sans risque et, le cas échéant, informant l’utilisateur du contenu des piles ou accumulateurs incorporés. Les présentes dispositions ne s’appliquent pas lorsque, pour des raisons de sécurité ou de fonctionnement, des raisons médicales ou d’intégrité des données, le fonctionnement continu est indispensable et requiert une connexion permanente entre l’appareil et la pile ou accumulateur. ».]], foisonnent. Alors qu’il est urgent de réduire l’impact de nos consommations, le renouvellement de nos biens de consommation, notamment dans le secteur des télécom, est de plus en plus fréquent. Un ordinateur portable est actuellement renouvelé tous les 3 à 4 ans et un téléphone tous les 18 mois. » Les Amis de la Terre demandent aux pouvoirs publics de lutter contre l’obsolescence programmée des biens en promulguant une loi qui créé un délit d’obsolescence programmée, allonge la durée de garantie légale de 2 à 10 ans et donne des informations substantielles au consommateur quant aux possibilités de réparation (durée de disponibilité des pièces détachées, informations sur le caractère réparable des produits, etc.). Les citoyens sont aussi appelés à interpeller leurs élus (députés, sénateurs) pour que cette loi ait le plus de chance d’aboutir.
Contexte et objectifs
A grand renfort de publicité et de rapports, le secteur des nouvelles technologies est présenté comme un moyen de réduire l’impact environnemental global de nos modes de production et de consommation, à travers notamment la dématérialisation. En plus de contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre globales jusqu’à 20%, les nouvelles technologies pourraient aussi être bénéfiques pour le commerce et l’emploi[[GeSi and The Boston Consulting Group, SMART 2020 : enabling the low carbon economy in the information age, 2008 – réalisé par les constructeurs.]]. Pour traduire cette dynamique, on parle désormais de « TIC vertes » ou de « Green IT »[[Fabrice Flipo, Marion Deltour, Michelle Dobré, Marion Michot, Peut-on croire aux TIC vertes ?, Presses des Mines, Paris, 2012, p. 10.]]. Pourtant dès le début des années 2000, un rapport réalisé par l’Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) alertait sur les impacts négatifs de ces nouvelles technologies et principalement sur la hausse de la consommation énergétique, l’épuisement des ressources, la gestion des déchets et la diffusion de toxiques[[Frans Berkhout and Julia Hertin, Impacts of Information and Communication Technologies on Environmental Sustainability : speculation and evidence, Report to the OECD, 2001.]]. Néanmoins, les produits high-tech s’imposent de plus en plus dans notre quotidien et les ventes explosent[[Après une légère inflexion des ventes en 2009 en pleine crise économique, le nombre d’équipements électriques et électroniques mis sur le marché a augmenté en 2010. Après les lampes, ce sont les ventes d’équipements informatiques et de télécommunications qui ont connu la plus forte croissance. Les smartphones, tablettes ou écrans plats portent cette croissance des ventes. ADEME, Rapport annuel 2010, Equipements électriques et électroniques, septembre 2011.]]. Les Français consacrent une part croissante de leur budget aux téléphones, tablettes et ordinateurs portables[[« Le poste des TIC est l’un de ceux qui ont le plus fortement progressé ce dernières années. (…) Les services de télécommunications représentent aujourd’hui environ 60 % du budget des ménages en TIC » Arthaut R., La consommation des ménages en TIC depuis 45 ans, Insee Première, n°1101, septembre 2006, cité par Fabrice Flipo, Marion Deltour, Michelle Dobré, Marion Michot, Peut-on croire aux TIC vertes ?, Presses des Mines, Paris, 2012.]] mais peu d’entre eux ont connaissance de leurs impacts environnementaux. Ainsi, une enquête réalisée sur Apple, un des géants du secteur, a montré que « 56 % des personnes interrogées disaient ne rien penser de négatif à propos d’Apple, 14 % estimaient que le principal problème de cette entreprise était ses prix trop élevés. 2 % seulement mentionnaient les conditions de travail des ouvriers à l’étranger »[[Sondage réalisé par le New-York Times en novembre 2011, cité par Morgane Bertrand, « iPhone et iPad : ces Chinois qui se tuent à la tâche », Le Nouvel Observateur, 27 janvier 2012.]]. Quid des conditions de production et d’élimination de ces appareils ? Pourtant, la croissance des ventes et un usage plus intensif de ces technologies tendent à accroître les impacts environnementaux et sociaux de cette industrie, des impacts qui sont encore trop souvent passés sous silence. Depuis 2010, date de sortie du premier rapport des Amis de la Terre et du Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID) sur le sujet[[- Les Amis de la Terre et le CNIID, L’obsolescence programmée, symbole de la société du gaspillage, le cas des produits électriques et électroniques, 2010.– Site du Parti socialiste
– Site Europe Ecologie-Les verts ]], la question de l’obsolescence programmée fait débat en France. La plupart des constructeurs et distributeurs de biens manufacturés se défendent d’avoir recours à cette stratégie, alors que de nombreux consommateurs, relayés par les médias et plusieurs partis politiques8, constatent que des produits sont mis sur le marché avec des systèmes de mise à jour, des consommables ou des pièces détachées pendant une période limitée à quelques années seulement. Si les produits ne sont pas toujours conçus pour se détériorer de façon physique rapidement, ne sont-ils pas néanmoins conçus pour être, dans les faits, remplacés rapidement ? Le design, les offres commerciales, l’impossibilité de faire évoluer ces produits dont la technologie évolue pourtant continuellement et de plus en plus vite, ne contribuent-ils pas indéniablement à réduire leur durée d’utilisation ? L’étude sur la durée de vie des équipements électriques et électronique menée par l’ADEME en 2012[[ADEME, Étude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques, août 2012.]] a mis en évidence le manque d’informations disponibles à ce sujet et a conclu sur la nécessité de travailler à « une méthode commune [pour] définir précisément la durée de vie, des indicateurs de mesure, des méthodes d’analyse transparentes, des normes et des contrôles. »[[Le Journal de l’Environnement, Stéphanie Senet, « Comment accroître la durée de vie des produits ? », 27 septembre 2012.]]. Une proposition de loi pour lutter contre l’obsolescence programmée de nos biens portée par Europe Ecologie Les Verts est en cours d’élaboration. Enfin, dans le cadre du projet de loi « Consommation », le sujet de l’obsolescence programmée doit être débattu en 2013. Les performances énergétiques, la réduction de l’utilisation de substances dangereuses ou le traitement des produits en fin de vie sont de plus en plus l’objet d’attention tant de la part des pouvoirs publics que de la société civile. La mise sur le marché de nouveaux équipements électriques et électroniques a été encadrée au sein de l’Union européenne par trois directives en particulier : la directive dite DEEE qui encadre la gestion des déchets électriques et électroniques, qui a été complété par la directive dite « ROHS » de 2003 qui encadre l’utilisation des substances dangereuses et la directive dite « Ecodesign » ou « EuP – Energy Using Products » de 2005 qui vise à améliorer la performance énergétique des équipements ménagers et industriels. Les constructeurs ont pris en compte ces évolutions législatives et ont également mis en place des démarches volontaires. Les associations de protection de l’environnement se sont aussi emparées de la question des impacts environnementaux des produits du secteur des nouvelles technologies. En 2011, le WWF a réalisé un guide pour aider les responsables d’organisations à « comprendre les impacts environnementaux des technologies de l’information et de la communication et agir pour les réduire. »[[- WWF, Guide pour un système d’information éco-responsable, 2011, p. 24.]]. Le WWF a aussi contribué à la réalisation du comparateur « Top TEN »[[- Le Guide Top TEN est une initiative du WWF-France et de l’association de consommateurs CLCV. Son objectif est de permettre aux consommateurs de trouver rapidement et facilement des informations sur les meilleurs produits et services pour la maison et le bureau.]] pour informer les consommateurs des performances énergétiques de leur appareil. Greenpeace International depuis 2005 travaille sur la question des nouvelles technologies et en particulier sur l’élimination des produits toxiques et la gestion de la fin de vie des produits. Greenpeace réalise régulièrement un classement des entreprises du secteur. En 2012, une nouvelle campagne sur les consommations d’énergie des data centers[[Avec l’informatisation croissante des données et l’augmentation individuelle des recherches, les centres de traitement de données sont davantage sollicités et donc consomment plus d’énergie et émettent plus de gaz à effet de serre.]] a été lancée. Mais sur la question de la durée de vie, les directives européennes et les engagements volontaires des entreprises constituent encore des réponses largement insuffisantes.
www.dessousdelahightech.org
Sommaire
Approche méthodologique I. Environnement et high-tech : de bonnes intentions qui peinent à se concrétiser – 1. La priorité est accordée à l’innovation et à la mise sur le marché de produits économes en énergie – Des économies d’énergies qui ne tiennent pas compte de l’ensemble du cycle de vie – 2. Risques liés à l’utilisation et à l’élimination : l’Union européenne tente d’encadrer les pratiques des producteurs – 3. Le recyclage, alternative à l’extraction minière non encore suffisamment explorée II. Des volumes de vente portés par la durée de vie très courte des produits high-tech – 1. Téléphonie mobile, une durée d’usage conditionnée par les offres commerciales (abonnements et renouvellements du matériel) – 2. Les limites du droit de la consommation : des consommateurs potentiellement bien protégés mais mal informés – 3. Des durées de vie sous contrôle : obsolescence technique et technologique en série Recommandations BibliographieContact
Pour plus d’informations, merci de contacter Camille Lecomte – Chargée de campagne Modes de production et de consommation responsables au 01 48 51 18 94Téléchargement
– Télécharger L’étude de Décembre 2012 des Amis de la Terre sur l’obsolescence des produits high tech – Télécharger L’étude de Septembre 2010 des Amis de la Terre sur l’obsolescence programmée, symbole de la société de gaspillage