Des hotspots aux hopespots
Des « hotspots » aux « hopespots », l’Atlas de l’Eau en Afrique
cartographie les défis et l’accès à l’eau dans 54 pays.
Les défis principaux de l’Afrique en matière de ressources hydriques sont exposés de manière très claire dans un nouvel Atlas publié par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). L’Atlas de l’Eau en Afrique utilise des centaines d’images comparant la situation «avant» et «après», de nouvelles cartes détaillées et d’autres données satellites provenant des 54 pays du continent pour mettre en lumière les problèmes d’approvisionnement en eau en Afrique, comme l’assèchement du lac Tchad ou l’érosion du delta du Nil, ainsi que de nouvelles méthodes efficaces destinées à la conservation des ressources en eau.
Le PNUE lance aujourd’hui la version française de l’Atlas de l’Eau en Afrique durant la semaine mondiale de l’eau, à Stockholm, en Suède. La version en anglais a été publiée durant la Semaine africaine de l’eau à Addis-Abeba, en novembre 2010.
L’Atlas présente des images fascinantes parmi lesquelles des photos de la prolifération des algues dans le lac Victoria, des nuages verdâtres formés par l’érosion du sol et ruissellement des terres agricoles en Ouganda, de la pollution par les déversements de pétrole au Nigeria ainsi que d’un segment de trois kilomètres du delta du Nil perdu en raison de l’érosion.
Les recherches effectuées pour l’Atlas montrent que la quantité d’eau disponible par personne en Afrique diminue. A l’heure actuelle, seuls 26 des 54 pays du continent sont sur la bonne voie pour atteindre l’un des huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), visant à réduire de moitié la proportion de la population mondiale n’ayant pas durablement un accès à l’eau potable.
Par ailleurs, seuls neuf pays en Afrique devraient atteindre l’objectif des OMD visant à réduire de moitié la proportion de la population qui ne dispose pas durablement d’assainissement de base.
S’il met avant tout en avant les défis liés aux ressources en eau, l’Atlas propose aussi de nouvelles solutions et des exemples de réussites sur le continent africain. Il contient la première cartographie détaillée montrant comment la conservation des eaux de pluie améliore la sécurité alimentaire dans les régions sujettes à la sécheresse. Les images révèlent également comment les projets d’irrigation au Kenya, au Sénégal et au Soudan contribuent à l’amélioration de la sécurité alimentaire.
L’Atlas, établi par le PNUE à la demande du Conseil des Ministres africains sur l’Eau (AMCOW), montre comment les défis de la rareté de l’eau en Afrique sont aggravés par la forte croissance démographique, les impacts de la situation socio-économique et du changement climatique et, dans certains cas, par les choix politiques.
Préparé en collaboration avec l’Union africaine, l’Union européenne, le
Département d’État des États-Unis d’Amérique et l’US Geological Survey, l’Atlas de 312 pages rassemble, au sein d’un ouvrage complet et accessible, des informations sur le rôle de l’eau dans les économies africaines et dans le développement, la santé, la sécurité alimentaire, la coopération transfrontalière, le renforcement des compétences et les changements environnementaux.
Au total, l’Atlas de l’Eau en Afrique rassemble plus de 224 cartes et 104 images satellites ainsi que quelques 500 graphiques et des centaines de photos fascinantes. Les photographies « avant » et « après », dont certaines couvrent une période de 35 ans, donnent une image frappante de la transformation des écosystèmes locaux dans plusieurs bassins hydrographiques convertis à l’agriculture à travers le continent.
En plus de changements déjà bien connus, tels que l’assèchement du lac Tchad, l’un des réservoirs d’eau douce les plus larges du Sahel, ou le déclin du lac Faguibine dans le bassin du fleuve Niger ou encore la diminution du niveau de l’eau dans le lac Victoria, l’Atlas de l’Eau en Afrique présente des images satellites des défis environnementaux les moins connus parmi lesquels:
• L’érosion et l’enfoncement du Delta du Nil : le promontoire de Rosette a perdu plus de 3 km en raison de l’érosion entre 1968 et 2009 et le promontoire de Damiette a été érodé de 1,5 km entre 1965 et 2008. Par ailleurs, le delta s’enfonce actuellement sous son propre poids, puisque de nouveaux dépôts de terre ne compensent plus l’effet naturel de la compaction du sol.
• L’écoulement de surface en provenance de la région d’Entebbe , située au Sud de Kampala, en Ouganda, prend la forme de deux nuages verdâtres qui s’étendent dans l’eau, de même que de la terre érodée, des écoulements agricoles et des déchets domestiques se répandent dans le Lac Victoria, ce qui détériore la qualité de l’eau et engendre la prolifération d’algues.
• Dans le bassin du fleuve Niger, des milliers de déversements d’hydrocarbures , totalisant plus de trois millions de barils de pétrole et d’eaux usées provenant de la production pétrolière, sont parmi les principales causes d’un important déclin de la qualité de l’eau.
• Le débordement du canal de déversement du lac Nasser a créé les lacs de Toshka, qui ont depuis en grande partie disparu à cause de l’évaporation et, dans une moindre mesure, de l’infiltration.
L’Atlas de l’Eau en Afrique attire également l’attention sur les « châteaux d’eau » de l’Afrique, qui constituent les sources de nombreux fleuves transfrontaliers et contribuent énormément à l’écoulement fluvial global des grands fleuves d’Afrique. Ils fournissent des ressources vitales et des services dans les zones en aval tels que de l’eau pour l’hydroélectricité, de la faune et de la flore, du tourisme, de l’agriculture à petite et grande échelle, ainsi que des services éco systémiques et municipaux. L’Atlas de l’eau montre que la plupart de ces châteaux d’eau, du Moyen Atlas au Maroc aux hautes terres du Lesotho en Afrique australe, font face à une grande pression en raison de la déforestation et de l’empiètement de l’homme.
• De nombreuses zones du complexe de la forêt de Mau, le plus grand des châteaux d’eau du Kenya, avaient déjà été converties en terres agricoles dans les années 1970. Plus de 100 000 ha de forêt , ce qui représente environ un quart de la superficie du complexe de Mau, ont été détruits depuis 2000 . En 2009, plusieurs autres vastes zones forestières ont été converties à l’agriculture.
L’Afrique est connue pour être un «hotspot» mondial pour son agriculture pluviale et limitée en eau et pour son insécurité alimentaire liée au climat, avec environ 100 millions de personnes en Afrique vivant dans ces zones. Mais de nouvelles recherches, retranscrites dans l’Atlas, révèlent qu’il existe aussi des «hopespots» dans des environnements sujets à la sécheresse où il y a un énorme potentiel pour développer des techniques simples de récupération de l’eau.
Pour la première fois, l’ensemble des emplacements de ces «hopespots» a été représentée sur une carte. Les images de l’Atlas de l’eau montrent comment le succès de la récolte de l’eau de pluie dans la Corne de l’Afrique, particulièrement au Kenya, est déjà en train d’atténuer les risques pour les agriculteurs et de réduire l’insécurité alimentaire dans leurs communautés.
L’Atlas met aussi en évidence des exemples positifs de la gestion de l’eau qui protègent contre, et même inversent, les dégradations.
• La construction d’un barrage sur le fleuve Logone dans le bassin du lac Tchad dans les années 1970 a coïncidé avec une période de sécheresse qui a réduit les inondations et a perturbé les moyens de subsistance locaux dans la plaine inondable de Waza Logone. La gestion des libérations d’eau du barrage, depuis le début des années 1990 a restauré quelques inondations naturelles, améliorant les pâturages et restaurant d’autres précieuses fonctions de l’écosystème.
• L’important projet d’irrigation soudanais Gezira , construit au début du 20ème siècle, et d’autres projets tels que Rahad, New Halfa et la plantation de sucre de Kenana, qui ont été construits dans les années 1960 et 1970, aident le Soudan à tenir son rang de deuxième pays d’Afrique après l’Egypte en termes de terres irriguées.
• Le long du fleuve Sénégal, des systèmes d’irrigation établis dès 1940 et d’autres investissements importants mis en place dans les années 1980, dont la construction du barrage de Manantali au Mali et du barrage de Diama au Sénégal, ont accru le potentiel d’irrigation dans le bassin du Sénégal.
• L’important projet de rivière artificielle en Libye , qui a commencé il y a environ 30 ans, est parmi les plus grands projets de génie civil dans le monde. Le projet vise à apporter de l’eau provenant de puits dans le Sahara à la population croissante de Libye. La majorité de l’eau du système provient des deux plus grandes ressources en eau souterraine de Libye – les bassins d’eau souterraine de Murzuq et Koufra. 80 pour cent des eaux souterraines de la Libye sont utilisées pour l’agriculture.
Conclusions et préoccupations
Les principales conclusions de l’Atlas de l’Eau en Afrique présentent les défis et les opportunités pour l’Afrique à un moment où le continent s’efforce d’améliorer la quantité, la qualité et l’utilisation de ses ressources en eau. Ces défis portent sur la double nature des enjeux liés à l’eau en Afrique : l’excédent et la pénurie, le sous développement et la surexploitation.
D’après les auteurs, plus de 40 pour cent de la population africaine vit dans les zones arides, semi-arides ou humides. La quantité d’eau disponible par personne en Afrique est bien inférieure à la moyenne mondiale et diminue. Les eaux souterraines sont moins importantes et les précipitations sont également en baisse dans certaines régions. Le développement de ressources en eau est insuffisant et les prix de l’accès à l’eau sont généralement biaisés, en raison d’un approvisionnement en eau très inefficace.
Après l’Australie, l’Afrique est le deuxième continent le plus sec du monde. Avec 15 pour cent de la population mondiale, l’Afrique compte seulement 9 pour cent des ressources renouvelables en eau. L’eau est inégalement répartie, l’Afrique centrale détenant 50,66 pour cent du total de l’eau du continent et l’Afrique du Nord seulement 2,99 pour cent.
Les ressources en eaux souterraines ne représentent que 15 pour cent du total des ressources renouvelables en eau, mais fournissent environ 75 pour cent de la population de l’Afrique pour la plupart de son eau potable. Dans toutes les régions, sauf en Afrique centrale, la disponibilité en eau par personne (4 008 m3 en 2008) est inférieure aux moyennes africaines et mondiales et est plus faible que celle de l’ensemble des autres régions du monde mis à part l’Asie, qui est le continent le plus peuplé.
La plupart de la croissance de la population urbaine a eu lieu dans les quartiers de taudis périurbains, dépassant de loin la capacité des réseaux d’approvisionnement en eau et résultant en une baisse globale de la couverture en eau courante. Entre 2005 et 2010, la population urbaine de l’Afrique a augmenté à un taux de 3,4 pour cent, soit 1,1 pour cent supérieur au taux de croissance de la population rurale.
Seuls 26 des 53 pays sont sur la bonne voie pour atteindre le niveau établi par les OMD de réduire de moitié la proportion de la population n’ayant pas durablement un accès à l’eau potable d’ici 2015.
Sur 53 pays africains, seuls neuf devraient atteindre l’objectif de réduire de moitié la proportion de la population qui ne dispose pas durablement d’assainissement de base d’ici 2015.
Il existe des moyens pour gérer l’accès terriblement inadapté à des sanitaires corrects tel que la possibilité d’encourager et de soutenir des solutions entrepreneuriales simples ainsi que d’initier un processus révolutionnaire afin que les toilettes deviennent aussi nécessaires que les téléphones mobiles. Le nombre d’abonnés au téléphone portables en Afrique a atteint 448,1 millions en 2009, ce qui représente une augmentation de 75 millions de nouveaux utilisateurs depuis l’année précédente et une croissance impressionnante de 20 pour cent de la clientèle depuis 2008.
Les données de l’Atlas de l’eau en Afrique montrent que, cependant, l’adoption de meilleures installations sanitaires, a augmenté à un rythme beaucoup plus lent. Les importantes améliorations réalisées pour l’accès aux technologies de la communication en Afrique constituent un exemple de la façon dont l’innovation et l’entrepreneuriat dans les technologies sanitaires pourrait également apporter des avantages économiques et améliorer la santé et le bien-être.
L’Afrique a 63 bassins d’eau partagés. Régler les conflits potentiels sur les ressources en eau transfrontalières représente un défi. D’autre part, il ya déjà plus de 94 accords internationaux sur l’eau en Afrique pour gérer, en coopération, ces eaux partagées.
La pénurie d’eau met à l’épreuve la capacité de l’Afrique à assurer la sécurité alimentaire de sa population. L’agriculture est le secteur le plus consommateur en eau en Afrique et le taux estimé d’accroissement de la production agricole nécessaire pour atteindre la sécurité alimentaire est de 3,3 pour cent par an.
L’hydroélectricité fournit 32 pour cent de l’énergie en Afrique et la consommation d’électricité du continent est la plus basse du monde. Le potentiel hydroélectrique de l’Afrique est sous-développé.
L’Afrique est dotée de grandes ressources aquifères souvent sous-utilisées qui contiennent de l’eau d’excellente qualité et qui pourraient assurer l’approvisionnement en eau en période de sécheresse. Mais le continent est confronté au défi de fournir suffisamment d’eau pour sa population dans un contexte de demande croissante et de rareté accrue.
L’Afrique est l’un des continents les plus vulnérables au changement climatique et à la variabilité du climat. Le continent est déjà soumis à une variabilité importante des précipitations, à la fois spatiale et temporelle. Certaines régions sont de plus en plus sèches et des inondations se produisent plus régulièrement avec de graves répercussions sur les moyens de subsistance des populations.
L’Afrique est confrontée à une situation de pénurie d’eau économique, et les capacités actuelles, institutionnelles, financières et humaines pour la gestion de l’eau sont inadaptées.
Profitant des dernières innovations des sciences de l’espace et de l’observation de la Terre, l’Atlas de l’Eau en Afrique vise à démontrer le potentiel des données d’imagerie satellite dans le suivi des changements dans les écosystèmes et les ressources naturelles. Cette technologie peut fournir des données fiables et probantes utiles pour appuyer des décisions politiques visant à améliorer la gestion des bassins de surface et les ressources aquifères de l’Afrique.
– Note : L’Atlas ayant été réalisé avant l’accession à l’indépendance de la République du Soudan du Sud, il ne présente pas le profil hydrique de ce pays mais celui de l’ex-République du Soudan, rassemblant l’actuelle République du Soudan et la République du Soudan du Sud.
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– Droits d’utilisation : L’Atlas de l’Eau en Afrique contient plus de 224 cartes et 104 images satellite ainsi que quelques 500 graphiques et des centaines de photos fascinantes. L’Atlas de l’Eau en Afrique apporte une contribution majeure à l’état des connaissances sur l’eau en Afrique, en réunissant des informations sur les enjeux liés à l’eau dans chaque pays et en résumant l’état de leurs progrès vers les objectifs relatifs à l’eau des Objectifs du Millénaire pour le Développement, en synthétisant les enjeux liés à l’eau, en les analysant du point de vue des défis et des possibilités ainsi qu’en fournissant des profils distincts des bassins d’eau transfrontiers et des pays. Tous les matériaux dans l’Atlas sont non protégés et disponibles pour une utilisation gratuite, tant que l’Atlas est reconnu comme en étant la source.
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