820 participants ont assisté au 2e congrès All Hemp de la filière chanvre organisé par InterChanvre les 30 et 31 mai derniers. La plénière du 30 mai a été accueillie au Sénat par Guillaume Gontard, architecte et sénateur, président du groupe Ecologie-Solidarité et Territoires. « Nous avons besoin de visibilité pour le chanvre », estime Guillaume Gontard. « L’objectif d’InterChanvre est d’apporter plus de valeur ajoutée aux producteurs, poursuit Franck Barbier, président d’InterChanvre. Nous mettons tout en œuvre pour que la valeur ajoutée du carbone revienne aux agriculteurs. » Lors de cette première journée, six tables rondes thématiques ont passé en revue les atouts du chanvre, notamment d’un point de vue environnemental, pour chacun de ses débouchés.
Chanvre industriel et des semences de chanvre : comment augmenter la production ?
« Pour améliorer la marge des producteurs afin de garantir aux marchés les volumes nécessaires, il est indispensable d’augmenter les prix payés aux producteurs, de réduire les charges en optimisant la récolte, de faire reconnaître la captation carbone du chanvre et de développer des variétés adaptées aux marchés à plus forte valeur ajoutée », estime Stéphane Borderieux, président de la FNPC (Fédération nationale des producteurs de chanvre). Pour activer ce dernier levier, Hemp-it ADN (Coopérative des producteurs de semences de chanvre) investit 15 % de son chiffre d’affaires dans l’innovation variétale. « Le chanvre en France, c’est 1700 ha aujourd’hui. Revenir à 100 000 ha comme en 1830 n’est pas utopique à condition de lever un certain nombre de verrous techniques, économiques et réglementaires. » « L’agriculture française représente 3 % du PIB mais 20 % des émissions de gaz à effet de serre, fait remarquer Christian Huyghe, directeur scientifique de L’Inrae. Le chanvre à un rôle important à jouer pour réduire ces émissions et doit avoir sa place dans la planification écologique. »Construction en chanvre : comment répondre à la réglementation environnementale RE2020 ?
Pour le secteur du bâtiment, le chanvre permet de proposer un produit de circuit court (maximum 100 km entre le producteur et le transformateur) qui apporte un grand confort de vie (excellente isolation par rapport à la chaleur ou au froid extérieurs, 70 % d’économie de chauffage) et qui peut être recyclé en fin de vie. « Nos objectifs sont de trouver des alternatives aux ressources non renouvelables (comme le sable) qui s’épuisent, d’offrir une qualité de vie aux habitants, de maîtriser les coûts de construction et de soutenir les filières, précise Fabien Guisseau de Grand Paris Aménagement, premier aménageur d’Ile-de-France. Le chanvre comme matériau de construction répond à peu près à tous ces objectifs.» « La rénovation énergétique est un enjeu majeur, rappelle Yolaine Paufichet, conseillère nationale de l’Ordre des architectes. La construction en chanvre a de sérieux atouts pour y répondre. Développer ce mode constructif passe par la sensibilisation et la formation des acteurs de ce secteur, un défi important.» La préfabrication en atelier de panneaux de béton de chanvre avec une ossature en bois, comme le propose Wall’up, est un des moyens de développer la construction en chanvre en réduisant les délais de séchage sur site.Chanvre utilisé en plasturgie : quels gains environnementaux possibles ?
« Depuis cinq ans, des véhicules circulent avec un biocomposite plastique (fibres naturelles du chanvre combinées à un thermoplastique) à l’intérieur, plus léger que les matériaux habituellement utilisés, précise Pierre Demortain, directeur d’APM. 14 millions de véhicules (17 modèles) déjà en circulation en bénéficient, ce qui a évité l’utilisation de 6 500 t de ressources non renouvelables et l’émission de 100 000 t de CO2 grâce à l’allègement des véhicules (gain de poids pour les pièces avec chanvre allant jusqu’à 25 %). »Textile : quelles solutions possibles pour le chanvre ?
« Le chanvre, comme le lin, peut constituer une réponse aux aspirations sociétales et à l’engagement croissant des marques de mode premium et luxe en matière de développement durable, estime Marie-Emmanuelle Belzung, déléguée générale de la Confédération Européenne Lin et Chanvre (CELC). On prédit au chanvre une trajectoire de développement identique à celle du lin. Les gains sont réels mais il faut le prouver aux grandes marques. » Une première ACV a été déterminée récemment : la fibre de chanvre a un impact sur le changement climatique 3 à 10 fois inférieur aux autres fibres textiles. Elle commence à intéresser certaines marques comme Le Slip Français (qui a déjà lancé un boxer et un polo avec 30 % de chanvre) à la recherche de matières premières locales et durables. « L’habillement est la 2e cause de pollution mondiale, explique Pascal Mortoire, directeur de La Chanvrière, coopérative impliquée dans le chanvre textile. Pour répondre à la croissance importante de la population mondiale et aux défis environnementaux, le chanvre, le lin et d’autres fibres ont un grand avenir. »Alimentation : quels sont les intérêts du chènevis français ?
Le chènevis (la graine de chanvre) représente 11 % du poids total de la plante. « Ses atouts : sa teneur en protéines (24 % de la graine entière, 30 % de la graine décortiquée et 50 % de la graine deshuilée), la présence des 8 acides aminés essentiels, son ratio oméga 6/oméga 3 (environ 4), un profil très complet en micronutriments et l’absence d’allergènes, souligne Camille Berrocal de NutriMarketing. « Le chanvre est non seulement un super-aliment mais en même temps, un aliment plaisir, ce qui est rare », complète Christophe Latouche fondateur de L’Chanvre qui développe des produits alimentaires à base de chanvre depuis 20 ans. « Le chanvre peut répondre à bon nombre de textes réglementaires de Farm to Fork européen, souligne Irène Tolleret, députée européenne et fervente défenseure du chanvre.Molécules du chanvre (CBD et autres) : un nouveau marché pour le chanvre ?
L’extraction des molécules de la fleur de chanvre permet d’obtenir de nombreuses molécules, principalement des cannabinoïdes (dont le CBD) et des terpènes. Depuis 2 ans, InterChanvre conduit des actions pour accompagner l’évolution du cadre réglementaire qui interdisait (jusqu’à l’arrêté du 31 décembre 2021) d’utiliser les fleurs et les feuilles du chanvre. « Tout reste à créer ou presque sur le marché du CBD et des cannabinoïdes, estime Grégory Dubourg, directeur de Nutrikéo et membre fondateur de l’UIVEC. 50 % de ce futur marché serait occupé par des compléments alimentaires pour ses propriétés relaxantes, anti-inflammatoires et anti-douleur, sevrage tabagique et récupération musculaire. » « Nous sommes attentifs à ce marché qui constitue une nouvelle opportunité de production, souligne Olivier Joreau, président de l’Union des Transformateurs de Chanvre (UTC). Mais nous restons prudents. D’après des premiers essais, il semble que la quantité de molécules ne soit pas assez importante en conduite de plein champ avec le chanvre industriel classique pour rentabiliser l’extraction. La conduite culturale semble a priori différente selon le débouché visé. Cela passera vraisemblablement aussi par de nouvelles variétés. Il faudra également s’assurer que c’est un plus pour le producteur de chanvre. Un comité scientifique (Inrae, Terres Inovia, Iteipmai, Hemp-it ADN, FRD, Plantik Biosciences et Leaf) a été créé pour accompagner ce développement.»Et le cannabis thérapeutique ?
« L’usage médical des molécules du chanvre devrait être légalisé en mars 2023, précise Frantz Deschamps, président de Santé France Cannabis, structure créée en juin 2021 avec le soutien d’InterChanvre. Actuellement, 2 000 patients sont en expérimentation. Ça sera un médicament prescrit par un médecin et délivré en pharmacie. Il faut démarrer de façon urgente des travaux de recherche pour produire à terme ces médicaments. Il reste cependant encore un certain nombre de freins à lever, notamment réglementaires, pour que ce marché puisse voir le jour en France. » Après cette première journée très riche et ouverte à tous, les professionnels de l’alimentation, de la construction, et des molécules ont pu approfondir l’usage du chanvre dans ces débouchés traités en simultané lors de la seconde journée.À propos d’InterChanvre
Depuis 2003, InterChanvre structure la filière française du chanvre avec le soutien des ministères de l’Agriculture et des Finances. L’interprofession est constituée de 2 collèges représentant les 1500 producteurs (FNPC) et les industriels (UTC) français du chanvre. Elle vise à promouvoir les qualités écologiques et économiques du chanvre, et à favoriser les activités de recherche scientifique et technique. La filière structurée du chanvre, premier producteur européen avec 20 000 hectares, dispose d’une interprofession dynamique qui souhaite apporter son expertise de la culture du chanvre industriel pour la production et la sécurisation de fleurs de chanvre. Le chanvre Une culture « verte » incroyable – Télécharger Le chanvre Une culture « verte » incroyable