L’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à sa propre succession a réorganisé l’organigramme politique autour du président-candidat et d’un seul objectif : sa réélection. Ainsi, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) quitte, ce jeudi à 11h, le Gouvernement pour se consacrer entièrement au porte-parolat du candidat de l’UMP aux côtés de François Fillon. Les ONG, parmi lesquelles Les Amis de la Terre ou Agir pour l’Environnement, sont indignées d’apprendre par la même occasion qu’elle ne sera pas remplacée au ministère de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement.
« Certes, l’Ecologie, le développement durable et le logement sont rattachés au Premier ministre quand les Transports ont leur propre ministère mais accepterait-on aussi facilement la vacance du ministère de l’Economie et des finances ? ou celle du ministère de l’Industrie ? C’est la preuve s’il en était encore besoin de l’importance accordée à l’environnement par le président sortant ! Qui peut croire que le Premier Ministre aura du temps à consacrer à ces problématiques ? » s’interroge l’organisation écologiste. Pour Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre : « Cette vacance est la cerise sur le gâteau du mépris de Nicolas Sarkozy à l’égard des problématiques environnementales. Or, avec le changement climatique, les pertes de biodiversité et la raréfaction des ressources naturelles, on ne peut pas sérieusement parler de perspectives économiques et sociales sans prendre en compte l’impact de ces facteurs. Sans cela aucune projection dans l’avenir n’a de sens. C’est justement la spécificité de l’écologie de lier environnement, économie et social. » La démission de Madame Kosciusko-Morizet du ministère de l’Ecologie et son non-remplacement laisse un ministère de l’Ecologie sans ministre, ce qui s’apparente, pour l’association Agir pour l’Environnement à « un abandon de poste ». Pour Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement, « il y a des symboles qui en disent parfois autant que les petites phrases du chef de l’Etat qui estimait que « l’environnement, ça commence à bien faire ». La réalité institutionnelle a été mise en adéquation avec l’orientation politique du président-candidat. » Cet abandon du Gouvernement intervient alors que des dossiers « délicats » devaient passer par un arbitrage interministériel car ils impactaient plusieurs ministères. C’est le cas des OGM, en particulier de la position française sur le pourcentage de contamination toléré des semences paysannes, pour laquelle il y avait désaccord avec le ministère de l’Agriculture. C’est aussi le cas de la réforme du code minier qui révèle un conflit avec le ministère de l’Industrie et de l’énergie. Face à la gravité de la situation actuelle, les Amis de la Terre demandent qu’aucune décision interministérielle, en rapport avec l’environnement, ne soit prise durant la campagne. « En revanche, nous demandons que les engagements pris par Nathalie Kosciusko-Morizet soient respectés, en particulier la clause de sauvegarde sur les OGM et l’interdiction de la fracturation hydraulique dans les recherches de gaz et huiles de schiste » souligne Les Amis de la Terre.Point de vue : L’écologie victime de la campagne
Par Hervé Nathan, rédacteur en chef économie et social à Marianne. Il a été auparavant journaliste à La Tribune et à Libération. Auteur, en commun avec Nicolas Prissette, d’un livre Les bobards économiques, paru en 2009 chez Hachette-Littérature. Extrait du blog Antibobards hébergé par Alternatives Economiques. […] « Le ministère de NKM, créé en 2007 par le regroupement des ministères de l’Equipement et de l’Environnement, symbolisait l’engagement écologique de Nicolas Sarkozy. Il avait été occupé par deux quasi vice-premier ministres : Alain Juppé et Jean-Louis Borloo. « NKM » sort elle-même assez piteusement de ce poste prestigieux. Le dernier acte du quinquennat sur l’énergie nucléaire, par exemple, s’est joué sans elle. C’est Eric Besson qui a tiré les marrons du feu le 11 février lors de la présentation du rapport de la Commission « Energie 2050 », en transformant cette dernière de façon scandaleuse en simple agence de promotion du parc nucléaire d’EDF. L’encore ministre de l’Ecologie n’a pas moufté… Le candidat Sarkozy, qui lança en 2007 le « Grenelle de l’environnement » semble prêt à prendre aujourd’hui le contre-pied du président. Sa seule pensée est pour la centrale de Fessenheim. Et lorsqu’il en parle, ce n’est pas pour tracer l’avenir énergétique du pays, mais pour se poser en défenseur de l’emploi des ouvriers alsaciens. Qui pourrait lui donner tort ? La candidate qui représente l’écologie politique n’est créditée que de 3% dans les sondages d’intentions de vote. Il est vrai qu’Eva Joly incarne mieux la Justice que les éoliennes… Au point que la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’une « planification écologique » le fasse apparaître comme le plus écolo des candidats ! Ailleurs, l’environnement semble s’estomper du paysage politique. François Hollande, invente un nouveau « ni-ni » : ni abandon du nucléaire, ni tout-nucléaire. Pas de quoi en faire un combat fondamental. Marine Le Pen n’en parle pas, ou presque, de même que François Bayrou…. Dans les états-majors à droite et à gauche, on entend une vieille rengaine : l’écologie, c’est pour les bobos, qui ne sont plus en vogue en ces temps de crise, et les candidats doivent se concentrer sur les questions qui intéresseraient les « classes populaires », qui bien sûr n’ont aucun intérêt pour leur cadre de vie et l’avenir de leurs enfants… Double erreur! Outre qu’elle revient à dessaisir le peuple du choix de son avenir collectif, une telle fuite devant le débat oublie la situation réelle des classes populaires, touchées plus que les autres par la crise énergétique. Lorsque les prix du fuel domestique et de l’essence battent des record, c’est dans les milieux les plus populaires que la ponction est la plus forte et ce sont donc les premiers intéressés à l’exploration d’alternatives au modèle actuel… «