Alors que les pays industrialisés font pression pour inclure les marchés carbone dans le prochain accord sur le climat négocié à Copenhague, un nouveau rapport des Amis de la Terre Royaume-Uni conteste l’efficacité de ce système et met en lumière ses risques pour le climat et l’économie. Le rapport démontre que les marchés ne permettent pas de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre, qu’ils sont profondément injustes, et qu’ils risquent d’être à l’origine de la prochaine crise financière. Les Amis de la Terre demandent aux gouvernements de prendre leurs responsabilités et de gérer la lutte contre les changements climatiques avec des politiques non risquées de régulation, de taxation et d’investissements publics, au lieu de parier sur le marché financier dont les échecs répétés soulignent la dangerosité.
Le système des marchés carbone est présenté par les pays les plus riches comme le meilleur moyen de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il consiste à allouer des quotas de carbone, ou permis d’émission, à des entreprises ou Etats polluants, crédits qu’ils sont ensuite libres d’échanger entre eux.
Sébastien Godinot des Amis de la Terre explique : « En réalité, la majorité des échanges de crédits carbone n’est pas gérée par les industries concernées légalement par les quotas, mais par des banques et investisseurs qui se mettent à spéculer sur les crédits carbone, et créent des produits financiers de plus en plus complexes, similaires aux produits dérivés « subprimes » qui ont conduit à la crise financière actuelle. »
Le marché carbone, principalement basé en Europe, s’est élevé à 126 milliards de dollars en 2008. Il pourrait dépasser 3 000 milliards de dollars d’ici 2020 si un marché mondial est créé, attirant en masse les spéculateurs.
Anne-Sophie Simpere continue : « Les marchés carbone pourraient être à l’origine de la prochaine crise financière, du fait de l’absence quasi totale de régulation de ces marchés . Un effondrement des marchés aurait des effets catastrophiques non seulement sur l’économie mondiale mais aussi sur le climat. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre ce risque. »
Au delà du risque financier, les Amis de la Terre remettent également en cause la capacité des marchés à réduire efficacement et sans risque les émissions de GES.
Pour Anne-Sophie Simpere : « Les marchés carbone n’ont pas permis les réductions d’émissions de GES promises. Pire, ils sont largement basés sur des mécanismes de compensations des émissions des pays riches dans les pays pauvres. Ces mécanismes sont les plus risqués et mettent sur le marché une partie de crédits carbone fictifs. L’amplification du phénomène pourrait conduire à l’effondrement du prix du carbone. »
Sébastien Godinot conclut : « Les marchés carbone sont aujourd’hui un moyen pour les Etats les plus riches, historiquement responsables des changements climatiques, de continuer à faire du « business as usual » incompatible avec les exigences climatiques scientifiques. Les Etats parient sur des mécanismes de marchés financiers au sortir d’une crise financière catastrophique dont les leçons n’ont pas été tirées : avec ce genre de poker, la prise de risque est maximale. Les Amis de la Terre demandent au contraire au gouvernement d’utiliser des outils éprouvés, simples et fiables tels que la régulation, la taxation des émissions de GES et des investissements publics massifs dans les technologies propres, pour réduire les émissions d’au moins 40% d’ici 2020, sans compensation. »