Le récent sommet de San Francisco a été l’occasion de montrer à la fois la mobilisation croissante des collectivités locales en matière climatique, mais aussi l’importance des efforts qui restent à accomplir. Ce sujet devrait être fortement d’actualité dans les prochains mois, d’une part car il devient désormais partie intégrante de la négociation internationale sur le climat, d’autre part car, compte tenu de son importance et de la mobilisation des citoyens, il devrait être un des sujets majeurs des prochaines élections municipales. Le champ d’investigation de ce groupe de travail porte sur la seule transition énergétique, sur deux domaines précisément ciblés : l’efficacité énergétique, avec un focus fait sur l’énergie dans les bâtiments publics et les logements ; l’action en matière d’énergie renouvelables. S’agissant du développement local, le champ d’investigation se limite à examiner l’action des communes et des établissements intercommunaux. L’objectif est de tirer les leçons des bonnes pratiques et des innovations répertoriées au cours des travaux, afin de réfléchir à la manière dont les communes et leur groupement pourraient s’emparer encore mieux du sujet. La démarche est donc pour l’essentiel de proposer aux collectivités quelques décisions structurantes pour pouvoir avancer plus vite.
Les communes, les intercommunalités et l’action climatique : comment accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serreSynthèse
Chacun le sait, les collectivités locales jouent un rôle majeur en matière d’émissions de gaz à effet de serre et prennent de nombreuses initiatives. Les acteurs territoriaux se mobilisent de plus en plus, en France comme dans le monde. La question est alors de savoir si ces actions sont suffisantes pour être dans la ligne des objectifs fixés par l’accord de Paris. Le champ de cette note est volontairement précis. Elle porte sur les communes et les intercommunalités. Elle ne traite que les outils et méthodes globaux pour avancer plus vite sur le climat, sans aborder par exemple l’adaptation au changement climatique, les politiques sectorielles ou la fiscalité locale. Un diagnostic est d’abord établi sur la façon dont les efforts de ces collectivités sont mesurés et rapportés. Il montre d’importantes insuffisances. Les obligations règlementaires en la matière sont loin d’être toujours respectées et la plus grande confusion règne sur le champ des émissions mesurées. Les trajectoires nécessaires pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord de Paris sont très rarement définies et encore moins suivies. Les émissions des services municipaux, qui concernent pourtant directement les communes et les intercommunalités, ne sont pratiquement jamais mesurées année après année. Dès lors, lorsque la priorité est donnée à une politique dédiée au climat, ce qui est aujourd’hui encore loin d’être systématique, celle-ci s’incarne dans un catalogue de projets souvent intéressants mais influe peu dans les choix de gestion, que ce soit pour le fonctionnement ou dans les choix d’investissement, faute d’outils pour mesurer notamment les progrès réalisés par rapport aux objectifs. La note analyse ensuite quelques éléments d’actions menées, notamment sur la base des initiatives novatrices prises pas certaines communes ou intercommunalités. Cet examen montre que, lorsqu’ils sont connus, les résultats globaux sont parfois décevants, en tous cas insuffisants, mais que plusieurs bonnes pratiques émergent, en particulier grâce à des démarches collectives et transversales et à la co-contruction citoyenne. S’agissant des propositions et des recommandations, l’objectif de la note n’est pas, en tous cas à court terme, que l’Etat fixe de nouvelles règlementations. Il est de proposer à ceux des candidats et des élus municipaux qui veulent faire de l’action climatique une vraie priorité de mettre en place de nouveaux outils de mesure, de gouvernance et de transversalité, de manière bien-sûr adaptée selon la taille et les moyens des communes et des intercommunalités. La note fait donc trois propositions, qui ne demandent pas a priori d’accord de l’Etat :- Pour mieux mesurer, fixer une trajectoire des évolutions prévues des émissions de GES ou de consommation d’énergie et évaluer annuellement les progrès réalisés ;
- Pour mieux gouverner, mettre en place un débat annuel d’orientation climatique, permettant notamment de présenter l’impact des investissements envisagées sur les émissions de GES ;
- Pour garantir une approche plus globale, veiller notamment à associer le plus systématiquement possible la rénovation énergétique des bâtiments et le développement des énergies renouvelables, en particulier le solaire.
Composition du groupe de travail
Signataires- Géraud Guibert, Président du groupe de travail
- Antoine Deza, rapporteur
- Julien Fosse, département Développement Durable et Numérique, France Stratégie
- Anaïs Guerry, doctorante
- Jean-Patrick Masson, adjoint au maire de Dijon
- Benoit Rupied, ancien responsable investissement transition écologique à la CDC
- Jeremy Favriot, RTE
- Jérémie Landreau, Adjoint au maire de Pessac
- Pierre Guelman, Directeur des affaires publiques ENEDIS
- Yannick Régnier, responsable de projets au CLER
- Jean Facon, Directeur adjoint FNCCR
- Vanina Auverny-Bennetot, responsable d’investissement, Banque des territoires
- Olivier Landel, délégué général France Urbaine
- Jacques Rosemont, responsable transition écologique et énergétique du Comité d’orientation et du développement investissement, Caisse des dépôts
- Nicolas Soudon, Directeur exécutif des territoires, Ademe
- 1. Les champs de mesure de l’impact climatique
- 2. Les dispositifs de mesure dans le bloc communal
- 1. Les initiatives internationales de reporting territorial
- 2. Le reporting en France et ses limites
- 1. L’importance de l’espace utilisable sur le territoire
- 2. La gestion transversale des projets et des consommations d’énergie
- 1. La mesure : fixer une trajectoire des évolutions prévues des émissions de GES ou de consommation d’énergie et évaluer annuellement les progrès réalisés
- 2. La gouvernance : mettre en place un débat annuel d’orientation climatique, permettant notamment de présenter l’impact des investissements envisagées sur les émissions de GES
- 3. La transversalité : veiller notamment à associer le plus systématiquement possible la rénovation énergétique des bâtiments et le développement des énergies renouvelables, en particulier le solaire
INTRODUCTION
Les collectivités locales jouent un rôle majeur en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Elles sont responsables directement pour leur patrimoine et leurs compétences de 15% des émissions de GES, et indirectement de 50% d’entre elles. En leur sein, les communes et les intercommunalités ont de très loin l’impact le plus important. Les régions ont certes une compétence officielle sur ce sujet, mais principalement pour élaborer des schémas d’orientation et des incitations. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, les acteurs territoriaux occupent une place croissante dans le monde, par exemple à travers les sommets Climate Chance, San Francisco en septembre 2018, ou encore à travers les célèbres et puissants réseaux locaux ICLEI, Energy Cities, C40, etc. Une étude publiée en juin 2017 par l’association de 3 000 Etats et villes des Etats-Unis réunis dans l’alliance America’s Pledge, réseau créé le lendemain de l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, montre que les engagements de ces structures dans ce pays peuvent représenter deux tiers de l’objectif fixé dans l’accord de Paris. Ceci ne veut pas dire que les communes et les intercommunalités pourraient à elles seules gagner la bataille du climat. Il serait évidemment illusoire de penser, comme le font certains courants de pensée « localistes » ou encore de « l’écologie par le bas »[[Romain Felli, Les deux âmes de l’écologie, une critique du développement durable, L’Harmattan, 2008.]], que seul compterait ou devrait compter ce qui se passe dans les territoires. Leur action ne peut en effet s’inscrire que dans le cadre de la société, de ses principes, ses valeurs et de son organisation. Elle ne saurait être isolée, si on veut par exemple que les villes, grandes consommatrices d’énergie et avec un fort impact climatique, réussissent une transition où elles ont besoin des espaces qui les entourent pour leur alimentation ou leurs énergies renouvelables. Plusieurs auteurs critiquent en ce sens cette logique de localisme écologique[[David Harvey, Justice, Nature, and the Geography of Difference, Cambridge, Blackwell Publishers, 1996 et Greg Albo, « The Limits of Eco- Localism: Scale, Strategy, Socialism, » in Leo Panitch et Colin Leys (éds.) Coming to Terms With Nature, « Socialist Register », Londres, Merlin Press, 2007, pp. 337-363]].Le champ de la note Cette note se concentre volontairement sur les communes et les intercommunalités et non sur les autres collectivités territoriales, pour lesquelles les problématiques sont en partie différentes. Elle se concentre en outre sur les outils généraux à mettre en œuvre pour accélérer l’action climatique et la transition écologique, mais n’a pas bien sûr vocation à l’exhaustivité. Elle ne traite pas, enfin, de nombreux autres sujets concernant l’action climatique des communes et des intercommunalités, par exemple l’adaptation au changement climatique, sujet qui devient majeur, les outils de politique sectorielle, pourtant essentiels (par exemple sur le transport, l’urbanisme, l’artificialisation des sols, le rôle des bois et prairies communales), ceux portant sur le patrimoine et les compétences des communes (ex : verdissement flottes municipales), ou encore la fiscalité locale. Il reste que les territoires et en particulier les communes et les intercommunalités, c’est-à-dire le « bloc communal »[[Le bloc communal, selon la définition généralement retenue, est constitué d’un groupement à fiscalité propre et de ses communes membres.]], sont en première ligne pour développer des actions concrètes en matière de transition écologique et énergétique, dont environ 70 % des actions sont à réaliser à l’échelle locale[[Bonnes pratiques des territoires en faveur du climat, Enquête de l’association Bilan carbone en partenariat avec la CDC et l’ADEME, 2017.]], que ce soit par exemple en matière d’urbanisme, de logement, de transport ou d’aménagement du territoire. A la fois consommatrices et productrices d’énergies, elles jouent dans ce domaine un rôle indéniable en matière d’aménagement, de financement et d’incitationVoir la fiche « LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ». L’exigence climatique doit bien-sûr être pensée dans une perspective écologique plus large de transformation du modèle de développement[[Dans la ligne des objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU]], y compris à l’échelle communale et intercommunale. Cette priorité doit donc être au cœur du projet politique municipal pour que l’ensemble de la politique suivie soit, de manière transversale, guidée par cette préoccupation, y compris lorsqu’elle rentre en conflit avec d’autres priorités. Pour être crédible aux yeux de la population, l’action doit cependant ne pas se limiter à une énumération de projets, aussi intéressants et positifs soient-ils, mais s’incarner dans une réalité mesurable, mesurée, pilotée et débouchant sur des orientations propres. Dans les communes, les citoyens sont certes touchés en priorité par une écologie plus sensible (nature en ville, alimentation, lien santé environnement), mais la majorité d’entre eux comprend dorénavant l’importance d’une action climatique résolue et efficace. Elle est la première à souhaiter pouvoir évaluer ses résultats sur une base rigoureuse. L’objectif de la note n’est pas, en tous cas à court terme, que l’Etat fixe de nouvelles règlementations. Il est de proposer à ceux des candidats et des élus municipaux qui veulent faire de l’action climatique une vraie priorité de mettre en place de nouveaux outils de mesure, de gouvernance et de transversalité, de manière bien sûr adaptée selon la taille et les moyens des communes et des intercommunalités. Il s’agit de leur permettre d’accélérer le rythme et l’efficacité de l’action climatique en utilisant mieux les compétences dont elles disposent.
Note
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