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Le développement durable s’invite dans les hôpitaux

Voici une réalité paradoxale trop souvent ignorée : les centres hospitaliers, par leur taille imposante et par la quantité de produits toxiques qu’ils doivent utiliser, contribuent de façon substantielle à la pollution des grandes villes et, de ce fait, deviennent des vecteurs de maladies environnementales qu’ils ont pour mission de soigner. Les hôpitaux devraient donc avoir comme priorité de réduire leurs émissions polluantes, ce qui est tout à fait dans l’ordre du réalisable. C’est du moins la conviction du Dr Éric Notebaert, professeur de clinique au Département de médecine familiale et médecine d’urgence de l’Université de Montréal et membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, si l’on voulait se donner la peine de faire les choses autrement. En France, une convention a été signée le 27 octobre 2009 pour engager les établissements de santé dans une démarche de développement durable. L’objectif de cette convention est d’intégrer les enjeux du développement durable dans les pratiques professionnelles des acteurs de santé et de prendre en compte systématiquement ces enjeux dans l’évaluation des projets et dans les processus de décisions.

Désinfecter plutôt qu’incinérer De façon générale, il se fait très peu de recyclage dans les établissements de santé, si ce n’est celui du papier, du verre et du plastique. Malgré ces mesures, la majorité des déchets solides sont incinérés. Selon des données américaines, de 75 à 100 % des déchets solides prendraient le chemin de l’incinérateur (700 000 tonnes/an en France). Mais selon le Dr Notebaert, seulement de 1 à 2 % de ces déchets nécessitent une incinération, soit les déchets biomédicaux pathogènes. L’incinération non essentielle entraine des émissions supplémentaires de dioxine, de furane, de mercure, d’éléments acides et de particules fines attaquant les voies respiratoires et le système cardiaque. Au Canada, l’incinération de produits médicaux tels les thermomètres, les tensiomètres et les amalgames dentaires est responsable de 2 % des émissions atmosphériques de mercure. Le médecin déplore qu’on soit passé au « tout jetable » alors que de nombreux produits pourraient très bien être désinfectés et réutilisés. Un hôpital pourrait même réaliser des économies de l’ordre de 50 000 $ (38 000€) par année en recourant à la désinfection plutôt qu’aux produits à usage unique. L’incinération médicale est également responsable de 16 % des dioxines atmosphériques, soit la deuxième source en importance pour ce type d’émissions. « Les dioxines causent divers problèmes thyroïdiens, hépatiques, immunitaires et cardiaques en plus d’occasionner de la mortalité néonatale, des avortements et des naissances de faible poids », a souligné l’urgentologue. Il faut de plus considérer les rejets de produits pharmaceutiques comme les antibiotiques, les antidépresseurs et les composés hormonaux. Les travaux du professeur Sébastien Sauvé, du Département de chimie de l’UdeM, montrent que ces produits ne sont pas filtrés par les usines d’épuration et qu’on les retrouve même dans l’organisme des poissons. Construire vert Les centres hospitaliers sont aussi des facteurs de pollution par leur consommation d’énergie. Toujours selon les chiffres cités par Éric Notebaert, 50 % de l’empreinte écologique des centres de santé canadiens vient de la consommation d’énergie et 62 % (80% en France et et 20 % seraient attribuables aux effets des TIC). de cette consommation est attribuable au chauffage et à la climatisation. « Nos hôpitaux consomment plus d’énergie que tous les autres bâtiments institutionnels comparables », affirme-t-il. À ce chapitre, les établissements de santé canadiens seraient parmi les moins performants du monde: ils consomment plus de 225 kilowattheures d’électricité par mètre cube, comparativement à 175 pour les États-Unis et à 100 pour la Suède. Combinée avec l’incinération des déchets, cette consommation d’énergie contribue pour environ cinq pour cent des gaz à effet de serre au pays. Pour le Dr Notebaert, il serait possible de faire autrement en suivant les recommandations formulées par l’OMS en 2008 et qui visent à rendre les centres hospitaliers plus écologiques. À cette fin, l’OMS suggère de rechercher l’efficacité énergétique, de recourir à des sources d’énergie nouvelles, de recycler et composter les déchets, de diminuer les déplacements et d’adopter des normes environnementales dans la construction des hôpitaux. En France, le Grenelle de l’environnement souhaite une consommation d’environ 100 kWh/m² en 2050. Le cas du London Health and Sciences Center est un exemple à suivre. La mise en place, dans cet hôpital, d’une politique de recyclage et d’économie d’énergie a permis de réduire la consommation d’électricité de deux mégawatts par année, abaissant le cout annuel de chauffage et de climatisation de 2,3 M$. Et en France ? L’ex-Ministre de la santé Xavier Bertrand lors de la présentation du plan Hôpital 2012 le 13 février 2007 avait souligné qu’il ne souhaitait « qu’aucun nouveau projet dans les hôpitaux ne soit financé s’il omet la dimension environnementale ». Aujourd’hui, seuls les projets immobiliers répondant aux critères de haute qualité environnementale sont éligibles aux financements du plan Hôpital 2012. En 2010, le premier hôpital HQE a ouvert ses portes à Alès, mais d’autres sont en construction comme le futur centre hospitalier Sud Francilien, actuellement en cours de réalisation à Evry initiant ainsi un mouvement qui commence à porter ces fruits. Au centre hospitalier de Jury-lès-Metz (57) qui gère 50 bâtiments des années 70, pionnier du bilan carbone en 2007, la baisse énergétique est la première de leur préoccupation. Le résultat de leurs initiatives est probant : une baisse progressive des consommations d’électricité et de gaz et d’eau.

 

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Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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