Alors que nous sommes à quelques semaines avant la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), prévue à Copenhague du 7 au 18 décembre 2009, je vous conseille la lecture du dernier hors-série de Politis qui vient de paraître. En 52 pages, ce numéro propose un tour d’horizon des enjeux autour de la conférence de Copenhague, présenté par plusieurs ONG dont Greenpeace, les Amis de la Terre, le Réseau Action Climat France, Focus on the Global South et des spécialistes du climat. Ce numéro dresse un état des lieux de la crise climatique. Une partie importante s’intéresse aux solutions pour lutter contre la crise climatique en donnant quelques exemples d’initiatives liées à l’économie sociale et solidaire. Ce numéro s’interroge également sur le contenu d’un New Deal vert destiné à revitaliser l’économie mondiale tout en luttant contre le changement climatique. Bref, une lecture indispensable pour comprendre pourquoi la conférence de Copenhague doit absolument aboutir à un nouvel accord mondial visant à faire face au défi du dérèglement climatique.
Editorial : Ultimatum par Thierry Brun
Un front commun d’ONG de tous horizons a lancé un «ultimatum climatique» quelques mois avant le sommet de Copenhague, qui réunira du 7 au 18 décembre la communauté internationale autour d’un défi écologique majeur. L’objectif est de parvenir à une stratégie pour enrayer la hausse globale des températures aussi rapidement que possible. Pour les ONG, il s’agit demarquer les esprits et d’inciter les citoyens à se faire entendre, tant ce défi est important. Le fait qu’il reste bien peu de temps pour réduire les effets désastreux du changement climatique ne fait plus de doute. Éviter le pire signifie contenir le réchauffement global en deçà de 2°C d’ici à la fin du siècle, estiment des études scientifiques qui préconisent des réductions de 25% à 40% des émissions des pays industrialisés pour 2020. Pourtant, même cette fourchette n’offre qu’une chance limitée d’échapper à un réchauffement supérieur à 2°C, affirment les ONG dans un appel adressé aux chefs d’État. On sait désormais qu’une augmentation même limitée à 1,5°C pourrait produire des effets irréversibles, et qu’une augmentation de 2°C risquerait de déclencher un dérèglement du climat incontrôlable et catastrophique. Comme on pourra le constater dans ce hors-série, la crise climatique est donc bien là, le danger est certain, et l’activité humaine en est la principale cause. Des écosystèmes sont ravagés. On constate une variabilité climatique extrême et une hausse du niveau des océans. Les premières victimes de ces catastrophes à répétition sont les populations les plus vulnérables en Afrique subsaharienne, en Asie centrale, du Sud-Est, et dans de nombreux pays insulaires. Les chefs d’État savent aussi que l’accès à l’eau ou à la terre est gravement menacé et que des centaines de millions de personnes risquent d’être poussées à l’exode, grossissant les rangs des «réfugiés climatiques». Cette course de vitesse engagée contre le réchauffement mobilise les scientifiques et l’attention de plus en plus soutenue des citoyens. Mais la conscience qu’une transformation profonde est en cours ne s’est pourtant pas imposée dans les négociations avant le sommet décisif de Copenhague. Celles qui ont eu lieu à Bonn en juin se sont achevées sur un nouvel échec. Les trois plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne, sont au centre d’une partie qui les pousse à gagner du temps. «Les États-Unis et l’Union européenne sont tentés de bluffer, ce qui revient, dans le contexte écologique mondial, à jouer, au sens propre, avec le feu», notent les économistes de l’OFCE Éloi Laurent et Jacques Le Cacheux [[«Le grand bluff: l’Union européenne et les États-Unis à six mois de Copenhague», la Lettre de l’OFCE n°310, 15juin2009.]]. Un grand pas pour l’humanité doit être franchi. Il passe par une remise en question du modèle de développement dominant, fondé sur le consumérisme et la croissance sans fin. Le dialogue de sourds entre les pays en développement et les pays occidentaux confirme que la question écologique ne peut être séparée des interrogations sur notre mode de développement économique et social. Or, la realpolitik des puissances industrielles fait craindre qu’elles ne fassent payer le coût de la lutte contre le changement climatique aux pays les plus pauvres. Une révolution mondiale est donc nécessaire, qui requiert l’abandon des concessions électoralistes et le passage d’un modèle de croissance fortement carboné à un modèle de développement durable nul en carbone.Au sommaire du Hors-Série
– Procédure d’urgence pour la planète en danger : Six personnalités, membres d’associations ou de syndicats, analysent en cinq pages les enjeux de la conférence de l’ONU sur le climat. Avec Geneviève AZAM (Attac) – Annick COUPÉ (Solidaires) – Laurent HUTINET (Amis de la Terre) – Gus MASSIAH (CRID) – Pierre TARTAKOWSKY (LDH) et SOPHIE ZAFARI (FSU). Les signes d’une crise – Le Sud : point cardinal du combat climatique. Dans les pays pauvres, les impacts du dérèglement climatique seront démultipliés à mesure que les populations seront fragilisées. – Extrait : Pays émergents : faible responsabilité. Une présentation tendancieuse, poussée par l’administration Bush, a popularisé la «menace» représentée par les émissions des grands pays émergents –Chine, Inde, Brésil, Indonésie, etc. Ainsi, le rattrapage des États-Unis par la Chine à la pointe des pays émetteurs a-t-il été salué comme une sorte de parité dans la turpitude. Pourtant, l’accroissement de l’effet de serre (et des températures) est un phénomène dû à l’accumulation de CO2 (principalement) dans l’atmosphère depuis les années 1850. L’ardoise montre que les pays industrialisés en sont responsables à plus de 75%. L’examen des émissions par habitant révèle un fossé encore plus important : un Étasunien émet environ 5 fois plus de CO2 qu’un Chinois, et 20 fois plus qu’un Indien. Quant au milliard d’habitants vivant dans les 100 pays les moins industrialisés de la planète, ils ne contribuent que pour moins de 3% au problème. Ce sont pourtant souvent les plus exposés aux conséquences du dérèglement: les vingt pays qui y sont le plus vulnérables contribuent même pour moins de 1% aux émissions totales mondiales. – Au nom de la Solidarité climatique : À Copenhague, plusieurs mouvements réclameront aux pays du Nord un engagement envers les pays du Sud touchés par la crise environnementale. – La rançon du productivisme : L’agriculture contribue au réchauffement climatique, mais elle en subira aussi les conséquences. Une réflexion sur les modèles de production est engagée, même si les mesures concrètes restent limitées. – Les fausses bonnes solutions : Nous avons examiné les pistes prônées par certains instituts agricoles pour lutter contre l’effet de serre. – «Que sèmerons-nous demain?» : Des groupements d’agriculteurs et certaines collectivités territoriales ont décidé d’agir contre la crise climatique. Ils témoignent de leur expérience. – Les vagues de chaleur représentent un risque majeur : Des études montrent les effets alarmants du changement climatique sur la santé des Français. Nos modes de vie devraient être profondément modifiés. Entretien avec MATHILDE PASCAL, Chargée d’étude au département santé et environnement de l’Institut de veille sanitaire (InVS). Les faux remèdes du marché – De la monnaie de singe pour les forêts : Combattre la déforestation, c’est réduire les émissions de CO2. Et une telle mission, ça se rémunère. Mais comment ? – Extrait : Qu’entend-on par « forêt » ? La perspective de tirer de substantiels profits de la déforestation évitée oblige à s’entendre sur ce qu’est une forêt. Les négociations sur le climat ont adopté une définition en 2001: il s’agit (pour l’essentiel) d’une aire d’au moins 0,05 à 1 hectare, dont les arbres (de plus de 2 à 5 mètres de hauteur à maturité) couvrent plus de 10 et 30% de la superficie de leur houppier. Ambiguïté largement exploitée par les parties intéressées : la définition retenue ne distingue pas couverts naturels et plantations. Conséquence pour le calcul de la déforestation –définie comme la disparition de plus de 90% de la «forêt» : certains pays considèrent opportunément une «déforestation nette», bilan entre les déboisements et les replantations. Le Brésil prétend ainsi, entre le grignotage de l’Amazonie et l’invasion des monocultures d’eucalyptus, parvenir à une déforestation nette nulle en 2015… – Tribune : A qui profite le projet Yasuni ? Lors de la conférence de Copenhague, l’Équateur présentera son initiative pour le parc Yasuni – censée éviter l’émission de gaz à effet de serre –, qui suscite une polémique. Par FERNANDO LÓPEZ ROMERO, Militant écologiste. – La France ne veut pas préserver la planète. Depuis le dernier G8 des ministres de l’Énergie, le nucléaire est en bonne place dans un accord de coopération. Pour Frédéric Marillier, de Greenpeace, il concentre pourtant tous les inconvénients. – Entretien : «On peut se passer de nouveaux réacteurs». Le nouveau président de Greenpeace, Robert Lion, relate son long parcours antinucléaire et son combat pour la défense d’autres pistes énergétiques. – Tribune : L’ONU peut-elle vraiment régler la crise climatique ? Le climat est un enjeu trop important pour être laissé entre les mains des gouvernements ou de l’ONU : c’est un problème qui remet en question le capitalisme même. Par NICOLA BULLARD, Codirigeante de Focus on the Global South, journaliste et éditrice, spécialisée dans les domaines du commerce, de la finance et des relations internationales. Réagir – Tanzanie : y aura-t-il de la pluie à Noël ? En Tanzanie, le dérèglement climatique affecte directement 80 % de la population, dépendante de l’agriculture. – Les vertus du marché : Le mouvement Mviwata a mis en place un marché stabilisé des céréales pour les petits producteurs. – Reportage : Un art de vivre sobre et joyeux : Créée par Pierre Rabhi, l’association Terre et humanisme promeut l’agroécologie. Le mas Beaulieu, en Ardèche, est un centre d’expérimentation où l’on vient pour les échanges humains et pour les pratiques agricoles. – Fabricants d’oasis : Terre et Humanisme mène des projets au Sahel et au Cameroun avec des groupes locaux. – Entretien : « Un changement global ». Paysan, conférencier et écrivain, Pierre Rabhi est un infatigable défenseur de l’agroécologie. Il nous accueille chez lui pour évoquer son projet de société. – Entretien : Il faut une révolution culturale. Les modifications climatiques auront des conséquences sur l’agriculture africaine et sur les pratiques en Europe. Des solutions existent, reposant sur l’agroécologie. Par MARC DUFUMIER, Titulaire de la chaire d’agriculture comparée de l’Institut national agronomique Paris-Grignon. – Dans la chaleur du bocage : Depuis 2006, les créations de sociétés coopératives d’intérêt collectif se multiplient dans la filière du bois. Elles font des haies bocagères une source d’énergie renouvelable et locale. Exemple en Normandie. – Tribune : Comment agir dans les territoires ? L’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre est loin d’être atteint si les collectivités ne mettent pas de politiques en place. Certaines se prêtent déjà au jeu. Par MARION RICHARD, Chargée de mission au Réseau Action Climat. – Tribune : Tous ensemble, tous ensemble, tous ! Nos petits gestes écolos ne suffisent pas. Mais nous pouvons mener des actions citoyennes pour agir efficacement et rapidement. Par OLIVIER LOUCHARD, Directeur du Réseau Action Climat. – Logement : Et si on habitait ensemble ? Face à la crise écologique et sociale, l’habitat regroupé offre une nouvelle alternative. Certaines initiatives se revendiquent de l’esprit coopératif, afin de sortir de l’individualisme qui domine notre société. – Entretien : « L’homme n’est pas fait pour vivre seul». Christian Lagrange vit en Belgique et fait l’expérience d’habitats groupés depuis trente ans. – Urbanisme : Le vert est très tendance. Les collectivités manifestent un attrait pour les écoquartiers. Mais s’agit-il d’un véritable engagement écolo ou d’une tentative de récupération politique ? – Tribune : Les biens publics contre le capitalisme. Par JACQUES COSSART, économiste et membre du conseil scientifique d’Attac. Face au défi climatique, il promeut une croissance verte et non marchande.