Le Grenelle de l’environnement s’achève et chacun prépare les négociations finales qui se dérouleront au ministère de l’Ecologie, de l’aménagement et du développement durable (Medad) les 24 et 25 octobre. A quelques jours de ce grand rendez-vous, la presse a largement suivi les derniers préparatifs, scruter les moindres réactions. Alors, la France doit-elle se préparer à une révolution écologique ? Certains s’interrogent, d’autres veulent encore y croire. Quelque soit notre opinion, reconnaissons que Jean-Louis Borloo n’est pas dans une posture facile. Coincé entre une majorité parfois hostile aux mesures les plus anecdotiques et des promesses qu’il ne peut décevoir au risque de se couper définitivement des ONG, sil elles jugent le résultat décevant.
Libération (édition du 18 octobre) relaie l’inquiétude des ONG, depuis qu’elles disposent du document de travail issu des négociations remis par le ministère de l’écologie, mardi soir. «Ce texte ne contient rien de concret qui permettrait d’avoir une idée des moyens financiers qui seront mis en œuvre pour réussir le Grenelle», prévient Yannick Jadot, porte-parole de l’Alliance pour la planète. Selon Libération, ce que craignent les ONG, c’est que les outils et les calendriers pour financer et mettre en œuvre ces mesures manquent cruellement. Beaucoup sont renvoyées à des négociations ultérieures courant 2008. D’ailleurs combien coûte la mutation écologique de la France ? Libération reprend les chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. On chiffre à 600, voire 800 milliards d’euros, le coût de la rénovation thermique des bâtiments sur les quarante années à venir. Les ONG ne sont pas les seules à exprimer leurs inquiétudes. Depuis plusieurs semaines, les élus de la majorité ne cessaient d’exprimer leurs réserves, voire leur hostilité, sur la démarche mise en oeuvre à l’occasion du « Grenelle de l’environnement » et les propositions en émanant. Le Monde (édition du 19 octobre) nous apprend qu’une réunion a été organisée à l’Assemblée Nationale le 17 octobre dernier, à l’initiative du gouvernement, pour rassurer les élus de la majorité. A quelques mois des élections municipales, pas question de se fâcher avec les électeurs. lls ne veulent pas entendre parler de la limitation de 10 km/h de la vitesse sur les routes ! « Pas de gadgets, pas de taxes supplémentaires, pas de mesures de circonstances. Si c’est pour nous vendre une taxe sur les grosses bagnoles et la limitation de vitesse sur les autoroutes, on va louper notre objectif », résume le vice-président du groupe, Jean Leonetti dans Le Monde. Le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, insiste pour « une sortie constructive du Grenelle », estimant qu’« un catalogue ne fait pas une politique ». Aussi les élus UMP et le gouvernement se sont-ils accordés sur une démarche et un calendrier susceptibles de rassurer tout le monde avant la présentation d’une loi-cadre d’orientation au premier semestre 2008. Avec des ONG et des élus qui s’interrogent, le Grenelle de l’environnement est bien le résulat de consensus. Mais, ne risque-t-il pas de se résumer à une série de mesurettes ? En tout cas, André Fourçans, professeur d’économie à l’Essec, s’interroge dans Le Figaro (édition du 19 octobre) : une grand-messe de l’environnement, oui mais pour quoi faire ? Les grands-messes ont leur utilité. Elles unissent les fidèles en une communion intense propre à ouvrir les portes du paradis. Accessoirement, elles donnent aussi à chacune des ouailles l’occasion de montrer son plus beau ramage, et de révéler au paroissien ébaubi les sommets insoupçonnés de sa foi et de sa vertu. Nul doute, la grande cérémonie sur l’environnement remplira cette fonction à merveille et les surenchères en matière d’orthodoxie religieuse, pardon, environnementale, fuseront de toutes parts. Mais y verra-t-on plus clair après ? Débouchera-t-elle sur une vision de l’écologie davantage fondée sur la raison que sur l’émotion ? Le doute est permis. Le changement climatique est bel et bien un problème mondial, celui d’un bien public mondial, et qui doit être traité comme tel. Nos débats, positions et propositions bien franco-français ne seraient-ils pas alors quelque peu dérisoires… ? Nicholas Stern et Nicolas Hulot, dans les Echos (édition du 17 octobre), veulent encore y croire. Le Grenelle de l’environnement est une occasion historique de s’accorder sur un dispositif cohérent, réellement efficace et à la hauteur des enjeux, qui permette à la France de tenir ses engagements et d’envoyer un signal fort, positif, opératoire, à l’Europe et au reste du monde. Le Grenelle doit, selon eux, adopter une mesure essentielle : attribuer au carbone un prix en croissance régulière, jusqu’à la réduction par quatre de nos émissions de gaz à effet de serre. Si elle embrasse le double principe de l’adoption de ce « signal-prix » et d’une visibilité à long terme, la France, qui va prochainement présider le Conseil de l’Union européenne, à un moment crucial des négociations internationales sur le climat, aura acquis la crédibilité qui lui permettra de plaider son adoption au niveau européen puis international. Nicholas Stern et Nicolas Hulot concluent : « Nous le réaffirmons fortement : donner un prix au carbone, c’est le message central que doit envoyer le Grenelle de l’environnement ; c’est ce prix qui fera évoluer fondamentalement les comportements de consommation et les procédés de production, c’est lui qui orientera les développements scientifiques, techniques et industriels vers une économie qui ne concoure pas au chaos que le réchauffement climatique promet. »