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La crise alimentaire n’est pas une fatalité mais le résultat de choix politiques selon les Amis de la Terre

Pour la troisième fois en cinq ans, les prix de l’alimentation s’emballent. C’est dans ce contexte que s’ouvre cette semaine, à Rome, une nouvelle réunion des ministres de l’Agriculture du G20 sur les prix agricoles : pour les Amis de la Terre, ces crises à répétition ne sont pas des coïncidences mais répondent à des choix politiques.

L’Europe, en particulier, dispose de plusieurs leviers pour aggraver ou soulager les tensions internationales sur le prix des denrées alimentaires.

Entre septembre 2011 et septembre 2012, les prix du mais et du blé ont augmenté d’environ 25 %[[- Food Price Watch]]. Celui du soja, de 17 %. Cette volatilité expose en particulier les plus pauvres à d’insurmontables difficultés pour se nourrir : lors de la dernière flambée des prix alimentaires en 2010, environ 44 millions de personnes auraient ainsi basculé dans la pauvreté[[- The World Bank Development Research Group, Agriculture and Rural Development Team. Estimating the Short-Run Poverty Impacts of the 2010-11 Surge in Food Prices, Policy Research Working Paper. April 201.]]. En 2008, de nombreuses émeutes ont éclaté dans des pays où les populations ont assisté impuissantes à une hausse du prix des denrées de base : un scenario qui, d’après les Nations unies, pourrait se renouveler si les prix des céréales continuent d’augmenter.

Certes, les sécheresses estivales aux Etats-Unis et en Europe de l’Est ont conduit à de moins bonnes récoltes, et donc à des prix plus élevés, mais cette explication n’est que partielle. Depuis plusieurs années des choix politiques importants ont créé les conditions d’une tempête sur les prix dans un marché de plus en plus tendu et volatile.

Il s’agit d’abord de la politique de promotion des agrocarburants. Pointée du doigt depuis plusieurs années, la Commission européenne accepte enfin de revoir sa copie et propose de réduire le taux d’incorporation d’agrocarburants par deux. Mais il s’agit encore d’une moitié de trop : la quasi-totalité du mais cultivé au Etats-Unis et 60 % du colza récolté en Europe finit dans le réservoir d’une voiture. Une politique inacceptable et indigne d’un Prix Nobel de la Paix.

Autre levier, la régulation – c’est à dire l’interdiction – de la spéculation sur les denrées alimentaires. Une proposition de texte pour réviser la directive sur les instruments financiers circule au Parlement européen mais comporte de nombreuses faiblesses. L’agriculture doit rester en dehors des marchés financiers. Il est inacceptable que des banques ou des fonds spéculatifs cherchent du profit en misant, et surtout en amplifiant, les variations des cours. Sous la pression des citoyens, plusieurs banques comme la Deutsche Bank ou Raiffesen ont renoncé à ces pratiques, d’autres comme BNP Paribas continuent : l’Union européenne doit généraliser cette interdiction.

Enfin, l’Europe doit se doter d’une nouvelle Politique agricole commune plus verte mais aussi plus solidaire, les deux étant étroitement liés. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Europe a fait le choix politique d’abandonner la culture de protéines végétales pour importer du soja des Etats-Unis. Notre dépendance n’a fait que de se creuser depuis, et c’est désormais des millions d’hectares de terres en Amérique du Sud qui sont cultivées pour nourrir les animaux en Europe. D’après le Programme des Nations unies pour l’environnement, la perte de calories qui résulte de l’alimentation des animaux par des céréales au lieu de les utiliser directement dans la nourriture humaine, représente les besoins caloriques de plus de 3,5 milliards de personnes [[Nellemann, C., The environmental food crisis: the environment’s role in averting future food crises: a UNEP rapid response assessment. 2009: United Nations Pubns.]] : réduire la consommation de viande, et de produit laitiers, est sans doute le moyen le plus efficace pour libérer des terres agricoles dans les pays du Sud et réduire la pression sur des écosystèmes fragiles. Pour accompagner cette transition, l’Europe doit accompagner les agriculteurs vers la qualité, plutôt que la quantité, en les encourageant par exemple à cultiver de la luzerne ou du pois plutôt que d’acheter des tourteaux de soja.

Là, où l’agro-industrie détruit la planète et affame des millions de personnes, l’agroécologie trace la voie pour réconcilier soutenabilité écologique et accès pour tous à une alimentation de qualité.

Contact : Caroline Prak – 01 48 51 18 96

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