Aujourd’hui, la mainmise des grandes entreprises sur la gouvernance du système alimentaire mondial est la norme. Le Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food) publie un rapport » L’influence croissante des grandes entreprises dans la gouvernance des systèmes alimentaires et comment la contrer<:i> » pour expliquer comment fonctionne la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire et comment rebasculer le pouvoir des entreprises aux citoyens.
FvSXnC3WwAA31hN?format=jpg&name=4096×4096Aujourd'hui, la mainmise des grandes entreprises sur la gouvernance du système alimentaire mondial est la norme.@IPESfood_fr publie un 📕 pour expliquer comment :
— Collectif Nourrir (@CollNourrir) May 19, 2023
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MESSAGES CLÉS
Dans le contexte actuel d’inflation des prix de l’alimentation, de détérioration de la sécurité alimentaire et de changement climatique, il est essentiel d’adresser les déséquilibres de pouvoir dans les institutions, les programmes politiques et les cadres réglementaires et normatifs qui influencent les prises de décision et façonnent l’évolution des systèmes alimentaires. Cette note d’information fournit un aperçu historique de l’influence des grandes entreprises sur la gouvernance de ces systèmes, documente les nouvelles stratégies en œuvre visant à étendre l’emprise du privé sur la prise de décision, et identifie une voie d’avenir vers la gouvernance démocratique et la responsabilité des entreprises. Il en ressort que :- • L’influence des grandes entreprises sur la gouvernance des systèmes alimentaires est devenue la nouvelle norme: le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires de 2021 a mis en lumière la capacité des multinationales agroalimentaires à influencer la prise de décision dans les systèmes alimentaires et à faire valoir leurs intérêts dans des processus «multipartites», en apparence inclusifs.
- • Le pouvoir des géants de l’agroalimentaire était déjà une source de préoccupation il y a plus d’un siècle. Des efforts ont été déployés pour contenir leur influence au moyen de politiques antitrust, de registres des lobbies (registre de transparence) et même à travers l’élaboration par les Nations unies d’un code de conduite des sociétés transnationales. Cependant, ces efforts se sont avérés insuffisants et l’aptitude de ces firmes multinationales à imposer leurs priorités n’a fait que croître.
- • Ces dernières décennies, les entreprises sont parvenues à convaincre les gouvernements qu’elles devaient occuper une place centrale dans toute discussion sur l’avenir des systèmes alimentaires. Les partenariats public-privé et les tables rondes «multipartites» (p. ex. sur le «soja responsable» ou l’ «huile de palme durable») ont normalisé la place prépondérante des grandes entreprises et leur ont donné un accès privilégié au processus décisionnel. Les programmes de gouvernance publique sont également devenus dépendants du financement privé.
- • En coulisse, les grandes entreprises ont consolidé leur emprise en garantissant un environnement réglementaire favorable à l’industrie (par le biais du lobbying et des «portes tambour»). Cette situation leur a ouvert la voie pour modeler à leur convenance les accords commerciaux et d’investissement, mettre en place des pratiques anti- concurrentielles, parrainer et orienter la recherche et effectuer des dons aux organes politiques.
- • Sans mesures concrètes pour remédier à cette emprise des entreprises sur les processus de gouvernance, les systèmes alimentaires continueront d’être façonnés par des intérêts privés, alors que la sécurité alimentaire et le droit à l’alimentation sont plus que jamais menacés.
- • De nouvelles initiatives visant à limiter l’influence des grandes entreprises sont en cours, telles que la récente adoption par les Nations unies des «Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme», et le développement d’un traité de l’ONU juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et les droits de l’homme. Ces actions restent néanmoins lacunaires et insuffisantes en plus d’être souvent sabordées par les gouvernements et les grandes entreprises qui détiennent le pouvoir de bloquer tout changement significatif.
- • Pour endiguer la faim et la malnutrition, il faudra s’attaquer à l’influence des grandes entreprises sur tous les plans. Cela inclut l’adoption au niveau international d’un cadre de responsabilisation des entreprises et le développement de réformes politiques ambitieuses en matière de conflits d’intérêts. Ces efforts pourront s’inspirer des initiatives de l’Organisation mondiale de la Santé telles que la Convention-cadre pour la lutte antitabac et le Cadre de collaboration avec les acteurs non-étatiques
- • Il convient également d’aller plus loin que le «contrôle les dégâts». Nous devons démocratiser les processus existants et créer de nouveaux espaces de gouvernance autonome, en s’appuyant sur des exemples inspirants qui émergent dans le monde entier, tels que Nyéléni, le Forum mondial des peuples pêcheurs, les conseils locaux de politique alimentaire et les jurys citoyens. Ce n’est que par la mise en œuvre de changements structurels audacieux que nous pourrons faire entendre la voix des personnes et des communautés les plus touchées par la faim et les catastrophes écologiques, tenir pour responsable les sociétés transnationales et bâtir des systèmes alimentaires durables pour l’avenir.
Sommaire
Introduction- 1. La mainmise des grandes entreprises sur la gouvernance du système alimentaire mondial
- 1.1 Implication visible de l’agro-industrie dans la gouvernance alimentaire mondiale
- 1.2 L’Influence « à large spectre » des grandes entreprises sur la gouvernance alimentaire mondiale
- 2. Problèmes liés à l’engagement des entreprises dans la gouvernance alimentaire mondiale
- 2.1 Processus de gouvernance
- 2.2 Résultats en matière de gouvernance
- 2.3 Questions de responsabilisation
- 3. Initiatives actuelles de réglementation des entreprises
- 4. Réinventer la gouvernance du système alimentaire dans l’intérêt public
Conclusion
La gouvernance mondiale des systèmes alimentaires doit être transformée de toute urgence, l’avenir de la sécurité alimentaire mondiale en dépend. Plus l’influence des entreprises sur la gouvernance des systèmes alimentaires sera forte, plus il sera difficile de faire marche arrière. L’enjeu est donc considérable. Cette note a mis en lumière les conséquences de l’intrusion des entreprises dans les espaces de gouvernance du système alimentaire, et la façon plus ou moins visible dont cela se produit. Les approches procédurales ont leur importance. Elles agissent au sein même des structures de pouvoir actuelles pour limiter les impacts les plus néfastes. Néanmoins, elles ne sont manifestement pas suffisantes. L’élaboration de processus de gouvernance qui privilégient réellement l’intérêt public et les droits de l’homme et qui permettent de lutter collectivement contre le problème endémique de la faim et la malnutrition nécessitera des approches beaucoup plus audacieuses. Cette note a mis en évidence certaines approches émergentes et principes directeurs. Bien que perfectible ou en cours d’élaboration, ces approches montrent que les principaux concernés par les décisions de gouvernance alimentaires sont capables de reprendre le pouvoir aux mains des grandes entreprises et de proposer de nouvelles voies d’avenir. Pour qu’un changement ait lieu, il est nécessaire de s’attaquer à l’influence que les grandes entreprises exercent autant sur la scène que dans les coulisses de la gouvernance alimentaire. Il est également crucial de mettre en place des processus de gouvernance autonomes, et des espaces où les voix, les revendications et les propositions de la société civile et des mouvements sociaux sont entendues. En outre, les forums de gouvernance devront être démocratisés pour servir l’intérêt public. Toutes ces approches doivent être menées en parallèle pour à la fois démanteler les systèmes de gouvernance qui renforcent le pouvoir des entreprises, transférer le rapport de force des entreprises vers les communautés, et développer de nouvelles manières de gouverner dans le respect de l’intérêt général. Il est temps que les propositions de gouvernance transformatrice occupent le devant de la scène.« Il est temps que les propositions de gouvernance transformatrice»