L’incinération des déchets connaît les plus grandes difficultés pour sortir de son image de « feu de poubelles ». Pourtant depuis l’imposition de normes strictes de filtrage et de dépoussiérage et grâce au progrès technique, l’incinération est passée du rang des pollutions atmosphériques à celui des énergies renouvelables, notamment lorsqu’il s’agit de traiter des flux de déchets en augmentation.
Aux premiers âges de l’incinération industrielle, dans les années 1960, elle était seulement un moyen rapide et pratique de se débarrasser de monceaux de déchets résultant du développement de la consommation de masse. Dans les années 1980 et 1990, les débuts de prise en compte des enjeux environnementaux ont amené les pouvoirs publics à légiférer sur l’incinération : valorisation de la combustion et des déchets d’incinération, et réglementations sur les normes maximales admissibles de polluants dans les fumées rejetées dans l’atmosphère, par exemple. Santé et gestion des résidus d’incinération Dès 1992, Gérard Bertoli, directeur de recherche au CNRS, écrivait que « les déchets résultant de la production et de la consommation entraînent un coût social et des effets externes de moins en moins tolérés ». Les préoccupations des populations se sont tout d’abord portées sur les effets à long terme sur la santé des personnes vivant à proximité ou installées sous les vents dominants des centrales d’incinération. Autant un lien est avéré entre certaines pathologies et l’exposition aux fumées d’incinération dans les années 1970 et 1980, autant les nouvelles réglementations en la matière ont fait disparaître ce risque. Selon une étude de 2008 intitulée « Données épidémiologiques récentes sur les effets sanitaires des installations de traitement des déchets ménagers et assimilés », « les niveaux de risques apparaissent fortement liés à l’ancienneté des installations et ne semblent pas concerner les unités de traitement répondant aux nouvelles normes de rejets, notamment pour les dioxines […] Suite au renforcement des obligations réglementaires, les risques encourus autour de ces centres ne semblent pas préoccupants ». La différence majeure entre l’incinération et les autres sources d’énergie par combustion réside dans les fumées et les résidus d’incinération, car contrairement aux énergies fossiles, la combustion n’est pas complète. A la sortie de l’incinérateur, il y a tout d’abord les fumées d’incinération, bien connues du public, même si elles sont de moins en moins visibles : l’incinérateur Isseane à Issy-les-Moulineaux insère ainsi les cheminées dans l’architecture générale du bâtiment, et le traitement des fumées les rend transparentes : « Ce chantier s’inscrit dans une logique de développement durable. Dès la conception du projet, la démarche HQE s’est imposée face aux enjeux de limitation des impacts des travaux sur l’environnement et le cadre de vie ». Plus de panaches blancs suspects de vapeur d’eau : la vapeur est réutilisée dans les réseaux de chauffage urbain ou pour la production d’électricité. Les rejets dans l’atmosphère sont limités par la directive n° 94/67/CE1 du 16 décembre 1994, renforcée en 2005. Une fois filtrées, les fumées génèrent encore deux types de déchets : les poussières de combustion et les produits chimiques souillés qui ont permis la filtration, le tout constituant les REFIOM (résidus de fumées d’incinération des ordures ménagères). Ces déchets sont ensuite retraités au sein d’une filière séparée. Depuis 2005, la France a fait de gros efforts pour mettre aux normes environnementales et techniques l’ensemble de ses centrales. Celle d’Ivry-sur-Seine, plus importante de France en termes de volume traités, a notamment fait l’objet d’investissements de plus de 50 millions d’euros entre 2005 et 2011 pour permettre une filtration à plus de 99% des fumées. A ces investissements se sont ajoutés depuis des travaux de prolongation de la durée de vie pour plus de 60 millions d’euros. Mais l’ensemble pourrait avoir été réalisé en pure perte, compte tenu du fait que le Syctom, le syndicat intercommunal qui gère la centrale, a pour projet la destruction puis la reconstruction totale du site : entre un milliard et un milliard et demi d’euros au bas mot seront nécessaires pour mener à bien ce nouveau projet. Pourtant, 300 millions suffiraient probablement pour rénover la centrale, et poursuivre l’activité actuelle, en évitant de surcroît les délais et les difficultés qu’imposera un tel chantier dans le retraitement des déchets franciliens. Au grand dam des entreprises de BTP, les travaux prévus à Ivry-sur-Seine pourraient également interrompre pour plusieurs années la production de mâchefers, ces résidus solides de combustion, présents à hauteur de 250 kilos environ par tonne de d’ordures ménagères brûlés. Retraités à l’issue de la combustion, ces résidus sont utilisés en grande quantité dans les enrobages routiers ou les sous-couches de construction. Le chantier d’Eurodisney a ainsi permis par exemple de recycler 117 000 tonnes de mâchefers dans le domaine de la voirie et des fondations. Le potentiel énergétique Selon Henri Prévot, Ingénieur général des mines et auteur d’un rapport sur « La récupération de l’énergie issue du traitement des déchets », « l’utilisation directe de la chaleur [des fumées d’incinération ou de la combustion] présente un grand intérêt économique et environnemental ; rendre possible l’utilisation de cette chaleur relève de la politique de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire ». La loi interdit de toute façon de brûler des ordures sans valoriser le potentiel énergétique de ce qui constitue un combustible parmi d’autres. De plus le potentiel calorifique des ordures ménagères est élevé : une tonne d’ordures ménagères est ainsi équivalent à environ 150 litres de fuel. Jusqu’à la fin des années 1990, la France était très mal classée (en réalité à la dernière place) dans le palmarès européens des centrales d’incinérations équipées de systèmes de production de vapeur et/ou d’électricité : en 1997, à peine 80 centrales, soit 25%, sont équipées de systèmes de récupération d’énergies. Depuis, quasiment la totalité des centrales traitant plus de 5 tonnes de déchets par jour sont équipées de systèmes de production d’énergies. Comme toute combustion d’une ressource, l’incinération des déchets permet de produire de la chaleur, qui, injectée dans un circuit d’eau, crée de la vapeur. Suivant le principe de la cogénération, cette vapeur d’eau permet d’une part de faire fonctionner un ensemble turbine-alternateur produisant de l’électricité, mais aussi d’alimenter les réseaux de chauffage urbain : la vapeur chauffe directement les logements, usines ou bâtiments publics à proximité de la centrale. Certes, la combustion des ordures ménagères produira toujours des déchets qu’il faudra retraiter. Mais compte tenu des problèmes que pose le volume des déchets produits et du potentiel énergétique de cette ressource malheureusement abondante, il n’est désormais plus abusif de classer l’incinération des ordures ménagères dans la catégorie des énergies renouvelables. Si son bilan carbone ne la distingue pas forcément des énergies fossiles, elle présente néanmoins l’avantage d’avoir des émissions atmosphériques nettement plus contrôlées et de se baser sur une ressource dont on souhaiterait plutôt, pour autant, la raréfaction !Voir aussi :
L’incinération des déchets : un peu plus que de la fumée
Cet article est un lamentable communiqué de presse de l’industrie de l’incinération qui essaye encore une fois de laver plus vert.
C’est décidé : je me désinscris de CDurable
L’incinération des déchets : un peu plus que de la fumée
Bonjour
merci de ces informations. L’incinération est-elle efficace comparativement à d’autres usages que nous pourrions faire des déchets (notion de matières premières secondaires) ? Par ailleurs quid des cendres ou « machefers » d’incinération » dont l’usage semble très difficile ?
merci
Eric Lafond
L’incinération des déchets : un peu plus que de la fumée
C’est vrai que cette activité ne bénéficie pas d’une bonne image auprès du public alors que c’est très courant et très encadré aujourd’hui.