L’été 2022 a été marqué par l’intensité et la succession de records de chaleur, sécheresse, méga-feux de forêts, inondations et épisodes de vent violents. Face à ces bouleversements, l’IGN, dans sa mission d’appui aux politiques publiques, s’est engagé en 2021 à développer une capacité d’observation en continu. L’enjeu : produire des cartes thématiques sur un nombre limité d’enjeux écologiques majeurs qui rendent compte des changements rapides du territoire et des conséquences sur l’environnement : l’artificialisation des sols, la forêt en mutation, la biodiversité et ses refuges à la loupe, l’érosion des côtes et les épisodes naturels extrêmes. L’IGN publie son premier atlas des cartes de l’anthropocène : une invitation à changer d’échelle pour pouvoir agir.
La carte, sous toutes ses formes, est un extraordinaire outil de médiation et de compréhension du monde. Les cartes de l’anthropocène permettront ainsi d’établir des diagnostics partagés et d’offrir des outils mobilisables par les acteurs pour parler un langage commun et relever les défis environnementaux. Par ce premier Atlas, qui a vocation à devenir un rendez-vous annuel, l’IGN présente ses cartes de l’anthropocène et décrit les enjeux technologiques pour les produire et cartographier les changements.Anthropocène
Anthropocène est un néologisme construit à partir du grec ancien ἄνθρωπος (anthropos, « être humain ») et καινός (kainos, « nouveau »), en référence à une nouvelle ère où les activités humaines ont un impact significatif et global sur les écosystèmes planétaires. Débutée à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, elle succéderait, selon le Néerlandais Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie, et le biologiste américain Eugène Stoermer, à la période dite holocène en tant que nouvelle époque géologique.
Atlas IGN des cartes de l’anthropocène
Atlas IGN des cartes de l’anthropocènePrésentation à l’Académie du Climat.
L’édito de Thomas Lesueur
L’atlas de l’anthropocène, un atout pour tous pour faire face aux défis des transitions À l’heure de l’anthropocène, où l’être humain est devenu la principale force de changement sur Terre, il est nécessaire d’offrir à tout un chacun (citoyen, entreprise, association, acteur public…) les moyens de comprendre les grands bouleversements écologiques qui affectent nos territoires et redéfinissent les conditions d’exercice des activités humaines. Les données géolocalisées constituent une ressource essentielle pour analyser et comprendre l’anthropocène mais aussi pour construire les réponses à apporter aux menaces environnementales auxquelles l’humanité est confrontée. Les données géolocalisées contribuent en effet directement à l’élaboration et au calibrage des politiques publiques de la transition écologique. La qua- lité, la disponibilité, la fraîcheur de ces données conditionnent notre capacité à décider en temps réel et à agir avec une vision large et systémique tout en étant précis pour ajuster au mieux les dispositifs aux réalités et aux caractéristiques des territoires. Les cartes établies à partir des données géolocalisées sont des outils très puissants qui peuvent véhiculer des informations et des repères d’une immense richesse. Les codes qu’elles adoptent, les couleurs et ombres qu’elles proposent peuvent apporter une information précise, profonde et néanmoins très synthétique. Les cartes dessinent ainsi le monde en même temps qu’elles proposent de porter sur lui un certain regard. Avec la démocratisation des outils et données géographiques, c’est un large panel d’acteurs qui se saisit aujourd’hui de la carte comme outil de pédagogie, de médiation et de débat. La carte devient « engagée » et participe du socle pour la compréhension des phénomènes évolutifs de l’anthropocène. Elle s’appuie à la fois sur des relevés de terrain, des campagnes aéroportées, des observations spatiales avec toujours plus de données et de nouvelles technologies de télédétection mais aussi de représentation. En tant que commissaire général au développement durable et administrateur ministériel des données de la transition écologique et énergétique, je suis fier qu’avec l’Institut national de l’information géographique et forestière la France puisse compter sur un acteur d’excellence en termes de cartographie, de production et de partage de la donnée géolocalisée. J’espère que vous prendrez autant de plaisir et d’intérêt que moi à parcourir ces pages, à observer la globalité et les détails de ces cartes. Je suis convaincu que cet Atlas, en montrant l’empreinte des phénomènes qui marquent profondément la Terre, participera à la prise de conscience de la force de ce qui s’opère sous nos yeux et de la nécessité de conduire des changements structurels rapides pour s’engager résolument et intensément dans la lutte contre le changement climatique et la préservation des écosystèmes et de la biodiversité. La donnée géographique produite par l’IGN est un de nos atouts pour y parvenir.L’édito de Sébastien Soriano
Des cartes pour la planification écologique Les cartes ont un grand pouvoir, celui de montrer des phénomènes complexes, parfois peu visibles voire invisibles. Outils de savoir et de compréhension du monde, elles invitent à réagir sur ce qui se joue sous nos yeux. C’est ce pouvoir de la carte qui amène l’Institut national de l’information géographique et forestière à revoir ses priorités à l’heure du changement climatique. La donnée géographique est aujourd’hui partout : nos smartphones nous fournissent des atlas numériques de poche, les territoires investissent dans la connaissance et des communautés dynamiques, comme OpenStreetMap, ont ouvert la voie à des « géocommuns ». Au milieu de ce foisonnement, le devoir de l’IGN est de rendre compte des changements brutaux et extrême- ment rapides survenant dans les territoires, dus aux activités humaines. L’objectif est double : fournir les outils de pilotage pour prendre les mesures nécessaires (maîtriser l’artificialisation des sols, surveiller l’évolution des forêts, des côtes, construire des environnements urbains résilients, etc.) et mobiliser la capacité de médiation de la carte. En offrant une visualisation claire des phénomènes qui se jouent, tout un chacun peut adapter ses comportements et contribuer à la transition, à son échelle. Quand des bouleversements environnementaux vont heurter nos existences, le sens de la mission de l’IGN est de cartographier l’anthropocène. C’est ainsi que nous ferons de nos cartes des alliés précieux pour aider la Nation à se frayer un chemin à travers les défis de notre époque. Il s’agit pour nous d’une petite révolution qui implique de revisiter les modalités et temporalités de nos cartographies. Il faut passer d’une description statique et générique à une description dynamique et thématique du territoire français. Pour relever ce véritable défi technologique, l’IGN déploie des innovations de pointe issues de ses équipes de recherche pluridisciplinaires et s’appuie sur son école d’ingénieur, l’ENSG-Géomatique, ainsi que sur des industriels et des start-up. L’institut mise sur les méthodes de traitements automatiques offertes par l’intelligence artificielle et enrichit ses capacités d’observation en croisant des sources de données nouvelles. L’IGN développe aussi les techniques de data visualisation et d’UX design pour exploiter le pouvoir de médiation de la carte. « À l’échelle d’une carte, le monde devient un jeu d’enfant », comme le dit l’écrivain Laurent Graff. C’est donc sous forme d’atlas que l’IGN choisit de présenter un aperçu de ses premières cartes de l’anthropocène. Il faut y associer les nombreux partenaires publics de l’institut, qui en sont souvent à l’initiative afin de préserver ou d’adapter notre territoire face à l’accélération des agressions qu’il subit. Ce document est en outre une sélection qui ne rend pas compte de l’exhaustivité des activités de l’IGN. Cet Atlas est un premier jalon. Il a vocation à devenir un rendez-vous annuel s’enrichissant des projets d’appui aux politiques publiques de l’institut et des innovations.La carte comme révélateur du changement
Carte de l’évolution de l’artificialisation des sols, suivi de l’état des forêts, observation de l’érosion des reliefs et en particulier du trait de côte, cartographie prédictive des zones de biodiversité à protéger, l’IGN est à l’œuvre pour montrer les changements d’un territoire en permanente évolution. En devenant dynamique la carte devient un outil de la planification écologique.- 1 – L’artificialisation des sols
- 2 – Une forêt en mutation
- 3 – La biodiversité et ses refuges à la loupe
- 4 – L’érosion des côtes
- 5 – Les épisodes naturels extrêmes