Un projet, fut-il excellent, ne rencontrera pas de succès s’il n’est pas vendeur. Prenant ce postulat au pied de la lettre, Clean Air Asia, organisme militant pour l’amélioration de la qualité de l’air en milieu urbain, s’est fendu d’une campagne digitale plutôt insolite.
Intitulée Hairynose (« nez poilu »), elle propose à l’internaute de choisir sur une carte la ville d’Asie dans laquelle il habite et, en fonction du niveau de pollution de l’air qui y règne, lui indique la longueur des poils de nez qu’il devra arborer. Partant d’une idée simple et rigolote – les poils des narines constitueraient un rempart contre la pollution – cette campagne, on l’aura compris, vise à sensibiliser un large public aux questions environnementales. A en juger par les nombreuses retombées médiatiques engendrées par la création de cette infographie poilante, il semblerait que l’opération ait rencontré un certain succès, preuve qu’on peut rire de sujets aussi graves que la sauvegarde de la planète. Le projet Hairynose n’est d’ailleurs pas un cas isolé en matière de mariage écologie/humour. En France par exemple, les parois des camions de ramassage des détruits sont régulièrement flanquées d’affiches invitant au tri sélectif sur fond de jeux de mots plus ou moins bien sentis. En fait, à bien y regarder, de Bosh et son aspirateur écoresponsable, impitoyable avec les moutons, à Bic organisant le recyclage d’Eric Cantona en passant par E.Leclerc et ses affiches baba cool oui, mais en guerre contre les sacs plastiques, les idées marketing prônant le développement durable par le prisme de l’humour sont légion. Réalisée par l’ADEME, l’agence Kantar Media et l’institut d’études marketing TNS Sofres, une étude de 2011 intitulée « L’humour au service du développement durable » s’intéresse, comme son nom l’indique, au traitement humoristique du thème écologique dans la publicité. Elle présente une typologie des différentes formes d’humour abordées (humour sympathique, caustique, satirique ou encore absurde), et insiste sur la dimension hautement pédagogique de la démarche. Indisposé par les campagnes de sensibilisation sérieuses, jugées trop didactiques et culpabilisantes, le consommateur a en revanche plus de facilité à intégrer un message véhiculé au second degré. Cette préférence s’explique facilement. Alors que les publicités purement informatives, parfois catastrophistes (souvent à juste titre d’ailleurs), renvoient le public à ses responsabilités et le placent sur le banc des accusés, l’humour permet au contraire d’entretenir une certaine connivence avec lui et, plutôt que l’auto-flagellation, encourage l’auto-dérision. Une stratégie de plus en plus répandue, payante à en croire une récente étude réalisée par le cabinet d’audit KPMG, qui estime par exemple que la protection de l’environnement représentait le second critère d’achat de voitures en 2011 – alors qu’elle n’était pas considérée comme une préoccupation réelle jusqu’alors. Pourtant, certains ne manqueront pas de trouver cette tendance inappropriée. A l’heure où Pékin se meurt sous un épais nuage de pollution, le temps n’est plus à la frivolité, prétendront les détracteurs de l’écocommunication fun. Il s’agirait d’effrayer plutôt que d’amuser. On peut comprendre ce point de vue. On se permet toutefois de le réfuter. A mesure que la menace écologique se fait plus prégnante, il importe de divertir. Face aux sujets graves, dont on préfère souvent se détourner plutôt que des les affronter, le rire possède une fonction éducative remarquable. Il attise la curiosité, invite à regarder en face les choses qu’on préfère fuir. Par-ailleurs, rien ne l’empêche de véhiculer un message sérieux. Message qui se logera bien plus profondément dans l’esprit du public qu’un discours au mieux froid, au pire agressif, pour la simple et bonne raison qu’on éprouvera une sensation agréable à évoquer son souvenir.