Selon le magazine l’Expansion, en matière d’épargne éthique, les « méchants » fonds de pension, caisses de retraite et autres banquiers sont en réalité beaucoup plus assidus que les « gentils » particuliers. Se basant sur une étude réalisée par le cabinet d’expertise Novethic, fin 2004, les investisseurs institutionnels totalisaient 4,1 milliards d’euros placés sur les fonds socialement responsables. Un bond de 128 % sur un an. Les particuliers, eux, ne pesaient que 2,8 milliards d’actifs vertueux (+ 33 % en 2004). Des sommes négligeables au regard des 42 milliards logés dans les sicav monétaires, des 377 milliards placés sur des livrets d’épargne ou des 903 milliards investis en assurance-vie. Le simple citoyen est toujours plus séduit par la carotte fiscale que par la prime « sociale ».
Il ne faut toutefois pas verser dans une autre caricature : le relatif manque d’intérêt pour les fonds socialement responsables ne traduit pas un irréductible égoïsme des Français. Car, tout disposés à vendre de l’éthique à leurs clients institutionnels, les banquiers montrent cependant un peu moins d’entrain avec leurs clients particuliers. « Au guichet, il est plus facile de vanter les sicav classiques que les fonds éthiques, au principe simple mais à l’élaboration très complexe », déplore Mickael Hellier, consultant de l’agence de notation Vigeo.
En fait, renchérit Jean-Pierre Sicard, le président de Novethic, « depuis le début, une sorte de malentendu existe entre les attentes assez militantes des particuliers et l’offre des fonds éthiques, composés de manière très technique ». Des études menées par ses soins auprès des épargnants éthiques font apparaître que les souscripteurs se recrutent plutôt dans les rangs du catholicisme social ou de l’altermondialisme. Des personnes critiques à l’égard de l’entreprise mais à qui on propose de miser sur des multinationales de tous secteurs. « Souvent, les concepteurs des produits ne vont pas exclure des secteurs en tant que tels mais acheter le titre le plus vertueux du secteur. Les souscripteurs de fonds ne comprennent pas ou n’acceptent pas cette démarche », explique Jean-Pierre Sicard.
Car, pour réduire les risques, les financiers obéissent à des règles de pondération très strictes et ils mettront ainsi des titres a priori peu « vertueux » dans leurs portefeuilles, comme le pétrolier Total. A l’inverse, France Télécom, entreprise non polluante sans ateliers délocalisés, ne figure que dans peu d’indices éthiques. Avec de bons arguments. Plutôt que de s’en tenir aux affaires médiatiques (une marée noire, par exemple), les agences de notation jaugent les entreprises à l’aune d’une batterie de critères (conditions faites aux salariés, environnement, mais aussi respect des actionnaires). Ce qui est moins lisible.
« Il n’y a pas de fonds idéal, constitué uniquement d’entreprises toujours généreuses avec leurs salariés et jamais polluantes. Il faut simplement montrer quel fonds est plus vertueux que les autres », avoue Jean-Philippe Liard, chargé à la CFDT de l’investissement responsable. Une approche « relativiste », totalement intégrée par les institutionnels, mais pas encore par les particuliers en quête d’une morale financière sans faille.
Source : L’Expansion – Franck Dedieu