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Une note de La Fabrique Ecologique ouverte au débat collaboratif

L’épargne au service de la transition énergétique

La finance verte, un levier puissant et citoyen

L’insuffisance des financements est souvent considérée comme une des raisons majeures du rythme trop lent de mise en œuvre de la transition énergétique. Or, l’épargne et les liquidités n’ont jamais été aussi abondantes. Ce paradoxe montre que le problème n’est pas tant l’insuffisance des moyens financiers que le manque d’outils favorisants une allocation de ces moyens en faveur de la transition énergétique. Les besoins en investissements sont considérables, de l’ordre de 60 à 70 milliards d’euros par an en France. A l’échelle européenne, les dépenses devant être consacrées à la transition énergétique sont estimées à 350-400 milliards d’euros par an sur 10 ans. La puissance publique n’est pas en mesure d’assumer seule et directement la charge de ces investissements. Au-delà du nécessaire développement des mécanismes de financement locaux et citoyens en faveur des projets de développement durable, que le groupe de travail n’a pas traité, cette note se concentre sur les outils nécessaires pour créer un mécanisme efficace favorisant une allocation massive de l’épargne vers la transition énergétique.

SYNTHESE

L’insuffisance des financements est souvent considérée, notamment par les décideurs publics, comme une des raisons majeures du rythme trop lent de mise en œuvre de la transition énergétique. Or, l’épargne et les liquidités n’ont jamais été aussi abondantes. Avec une création monétaire inédite, facilitée par des politiques monétaires très accommodantes des banques centrales, les marchés financiers regorgent de liquidités. Ce paradoxe montre que le problème n’est pas tant l’insuffisance des moyens financiers que le manque d’outils favorisants une allocation de ces moyens en faveur de la transition énergétique. Les besoins en investissements sont considérables, de l’ordre de 60 à 70 milliards d’euros par an, soit environ 3% du PIB national. A l’échelle européenne, les dépenses devant être consacrées à la transition énergétique sont estimées à 350-400 milliards d’euros par an sur 10 ans, soit, là-encore, environ 3% du PIB européen. Il s’agit cependant principalement d’orienter différemment les investissements plus que d’augmenter leur volume global. La puissance publique n’est pas en mesure d’assumer seule et directement la charge de ces investissements. Or, si les acteurs privés du secteur financier ont pris des initiatives et des engagements, ceux-ci ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Il est vrai que les pouvoirs publics ont trop souvent évité d’agir directement sur les acteurs financiers. Pourtant la finance n’est pas un outil neutre et les acteurs financiers, faisant partie de l’économie, ont un rôle spécifique à jouer. Au-delà du nécessaire développement des mécanismes de financement locaux et citoyens en faveur des projets de développement durable, que le groupe de travail n’a pas traité, cette note se concentre sur les outils nécessaires pour créer un mécanisme efficace favorisant une allocation massive de l’épargne vers la transition énergétique. Elle formule ainsi une proposition globale, innovante, et aux fortes conséquences possibles, consistant en la mise en place et la généralisation d’un label « transition énergétique » pour les produits financiers, afin de permettre le fléchage de l’épargne vers le financement de la transition énergétique. Pour prendre tout son effet, cette mesure serait complétée par une série de dispositions règlementaires, fiscales et incitatrices favorisant la détention de produits « verts » : l’instauration d’une fiscalité favorable à l’épargne verte des particuliers, la mobilisation des investisseurs institutionnels, et la reconnaissance du climat comme un risque systémique dans les réglementations. Cette note est issue des travaux d’un groupe de réflexion réuni dans le cadre de La Fabrique Ecologique entre février 2014 et mars 2015.

Signataires

– Philippe Zaouati, Directeur Général, Mirova, Président du groupe de travail – Patrice Auclair, Directeur, Institut de la Monétarisation – Rodolphe Bocquet, Directeur Général, Beyond Ratings – Thomas Braschi, Managing Partner, GreenFlex – Pierre-Samuel Guedj, Président, Affectio Mutandis – Hervé Guez, Directeur de la Recherche, Mirova Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, seuls les signataires de la note sont engagés par son contenu. Leurs déclarations d’intérêts sont disponibles sur demande écrite adressée à l’association. Autres membres du groupe de travail : – Emmanuel Mermet, Economiste, CFDT – Alain Patricot, Président, Kappa Finance – Florence Rollin, Fondatrice, D’DLine 2020 – Jean-Pierre Sicard, Directeur Général Délégué, CDC Climat

Personnes rencontrées

– Orith Azoulay, Responsable Recherche ESG, Natixis – Pascal Canfin, World Research Institute, ancien Ministre – Tanguy Claquin, Responsable Finance Durable, Crédit Agricole CIB – Mounir Corm, Directeur-adjoint Infrastructures, Mirova – Pierre Ducret, Directeur Général, CDC Climat – Marc-Antoine Franc, Directeur et associé, Greenflex – Eric Loiselet, Réseau des Administrateurs pour l’Investissement Responsable (RAIR) – Thierry Philiponnat, Directeur Exécutif Europe, 2° Investing – Maximilien Rouer, Directeur Général Délégué, GreenFlex – Lucile Schmid, Vice-Présidente de La Fabrique Ecologique

Relecture et validation

Cette note a été discutée par le comité de lecture de La Fabrique Ecologique, composé de Camille Duday, Guillaume Duval, Géraud Guibert, Marc-Olivier Padis, Guillaume Sainteny et Lucile Schmid. Elle va être relue et fera l’objet de suggestions et de conseils de la part des personnalités suivantes : – Dominique Dron, membre du Conseil Général de l’Economie – Pierre Ducret, président directeur général de CDC Climat – Philippe Germa, directeur général de WWF France Elle a été validée par le Conseil d’administration de La Fabrique Ecologique le 30 avril. Le groupe de travail, par la voix de son président, Philippe Zaouati, tient à remercier : Géraud Guibert, Jenny Joussemet, Marianne Greenwood et Agathe Brenguier pour leur aide et leurs conseils. Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, cette publication sera mise en ligne jusqu’à la fin du mois de août 2015 sur le site de l’association (www.lafabriqueecologique.fr) afin de recueillir l’avis et les propositions des internautes. Sa version définitive sera publiée en septembre 2015.

SOMMAIRE

Introduction I. Mobiliser le financement privé en faveur de la transition énergétique : quel rôle pour la puissance publique ?
  • A. Le financement privé, élément clé pour la réussite de la transition énergétique – 1. Les besoins importants de financement pour la transition énergétique – 2. Une question d’allocation plus que de niveau d’investissement – 3. L’indispensable mobilisation des investissements du secteur privé
  • B. La nécessité d’une intervention publique pour lever les freins – 1. Le « business as usual » guide encore les initiatives des acteurs privés – 2. Le rôle de la puissance publique dans la réallocation du capital – 3. La timidité des initiatives publiques vis-à-vis de l’utilisation de l’outil «finance»
II. Mobiliser l’épargne : un moyen efficace, puissant et populaire
  • A. Une labellisation des produits financiers favorisant la transition énergétique – 1. L’épargne, un levier puissant et citoyen – 2. Du label ISR au label « transition énergétique » – 3. Un label permettant de favoriser la transition énergétique
  • B. Des mesures d’incitation sur l’ensemble de la chaine de valeur de l’épargne – 1. Garantir la qualité des produits labellisés – 2. Mobiliser les investisseurs institutionnels – 3. Instaurer une fiscalité favorable à l’épargne verte – 4. Prendre en compte le risque carbone dans la réglementation financière
Conclusion Références bibliographiques

INTRODUCTION

Selon le Livre blanc [[Direction générale du Trésor, Commissariat général au développement durable, Livre blanc sur le financement de la transition écologique, novembre 2013]] sur le financement de la transition écologique[[Les termes de « transition écologique », « transition énergétique », voire « transition climat » comportent des nuances importantes. La notion de transition énergétique recouvre des objectifs plus larges que les seuls objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, intégrant par exemple les questions d’indépendance énergétique ou de risques. Nous utiliserons dans cette note la terminologie de « transition énergétique » supposant une évolution radicale de la production et de la dépense en énergie, en investissant massivement dans les énergies renouvelables et dans les projets améliorant l’efficacité énergétique.]], cette dernière suppose des investissements importants pour les quarante années à venir. Ceux-ci seront d’autant plus coûteux qu’ils seront différés. Il y a donc urgence à agir. Les projets liés à la transition écologique sont par définition des projets de long terme. Ils comportent souvent des risques, logiquement plus élevés (incertitudes sur le délai du retour sur investissement, stratégies technologiques gagnantes …) et peuvent nécessiter une importante mise de fonds initiale. Il n’est bien sûr pas question de réduire la transition énergétique à une logique purement financière, alors qu’elle comporte une dimension politique et sociétale majeure. Mais pour l’isolation des logements comme pour les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique, l’investissement et son financement sont des points de passage obligés, et donc parmi les facteurs clé de succès. De nombreuses évolutions positives sont déjà entamées, comme le montre l’étude « Panorama des financements climatiques en France[[« Panorama des financements climatiques en France en 2011 », CDC Climat, octobre 2014.]] » qui a identifié 22,2 milliards d’euros d’investissement dans des projets tangibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre en France en 2011, dont la majorité financés par le secteur privé. Force est cependant de constater que le « logiciel » du marché de l’investissement et ses outils actuels ne permettent pas de relever pleinement le défi du financement de la transition. Il est assez difficile de dissocier, au sein des problématiques de la transition énergétique, ce qui relève spécifiquement du ressort de la finance. Rendre certains projets rentables ou « finançables » nécessite le plus souvent d’agir sur les filières industrielles, sur les processus d’innovation, sur les réglementations techniques… Il est donc important de bien identifier les solutions qui peuvent provenir spécifiquement du secteur de la finance. Le fait qu’il faille 6 ou 7 ans en moyenne pour réaliser un projet de ferme éolienne en France rend évidemment le financement plus difficile, mais la solution à ce problème n’est pas purement financière. Cette difficulté est parfois « utilisée » par les professionnels des métiers financiers pour se dédouaner de la problématique de la transition énergétique. Certains banquiers et investisseurs prétendront ainsi que les outils financiers sont disponibles et que le problème est uniquement de rendre les projets rentables. Ainsi, il n’y aurait pas, au sein même des métiers financiers, de réflexion à mener, de solutions à inventer, voire de réglementations à mettre en oeuvre, pour faciliter la transition énergétique. Nous nous opposons à cette vision. Nous pensons que la finance n’est pas un outil neutre et que les acteurs financiers, faisant partie de l’économie, ont un rôle spécifique à jouer. C’est notamment le cas nous semble-t-il des investisseurs. La question du « prix du carbone » est aussi d’une certaine façon un moyen de dédouaner les métiers financiers. Il y a un large consensus sur la nécessité de donner un prix au carbone[[CDC Climat estime que « le prix du carbone est le meilleur moyen pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Donner un prix au carbone – par la taxe carbone, par les systèmes d’échange d’émissions, ou par des incitations au secteur financier – permet d’impliquer le secteur privé et le monde des affaires en général. Cela permet de faire évoluer le système de production, d’orienter les capitaux vers des investissements à faible intensité carbone et de favoriser l’innovation bas carbone et la croissance ».]], que ce soit via des mécanismes de quotas, d’instauration de taxes sur le carbone, ou toute autre réglementation pénalisant l’émission de CO2. Ce prix du carbone peut permettre le cas échéant la création d’un marché d’échange de droits d’émission, comme c’est le cas du marché ETS[[Système communautaire d’échange de quotas d’émission ou European Union Emission Trading Scheme (EU-ETS).]] en Europe. Bien entendu, la fixation d’un prix du carbone a des impacts majeurs sur le financement, en modifiant la rentabilité des projets. L’objectif largement partagé de donner un prix au carbone ne doit pas cependant empêcher de réfléchir à des actions au niveau des produits financiers eux-mêmes, des circuits de collecte de l’épargne ou de son allocation. L’innovation bancaire et financière a un rôle important à jouer. La priorité actuelle doit porter sur la définition et la promotion de modèles d’investissement innovants, capables de mobiliser rapidement et durablement un volume important de capitaux vers des projets contribuant positivement aux enjeux de la transition énergétique. La question du financement de cette transition est un sujet extrêmement vaste, impliquant les politiques publiques, les équilibres macro-économiques, les politiques des banques centrales, la question de l’offre mais aussi de la demande de capitaux … Il est évidemment illusoire de vouloir traiter ce sujet de façon exhaustive. Sur plusieurs de ces sujets, des contributions importantes ont récemment été faites, comme les travaux sur les règles prudentielles des banques et des assurances[[« Stability and Sustainability in Banking Reform: Are environmental risks missing in Basel III? » de l’Institut pour le Développement Durable de l’Université de Cambridge, qui analyse la prise en compte de la question climatique dans la réforme bancaire post -crise (http://www.cisl.cam.ac.uk/publications/publication-pdfs/stability-and-sustainability-basel-iii-final-repor.pdf).]], ou le rôle de la Banque Centrale [[Cette question n’est pas traitée de façon détaillée dans la suite de cette note. C’est un sujet en soi qui mériterait un chapitre entier, voire une note spécifique. Plusieurs travaux ont été publiés depuis l’an dernier, notamment ceux de Jean-Charles Hourcade du CIRED (voir le rapport complet sur : http://www.centre-cired.fr/IMG/pdf/concept_note.pdf), de Gaël Giraud du CNRS et de Benoît Leguet de CDC Climat ou d’économistes autour notamment de Michel Aglietta (note de France Stratégie « Une proposition pour financer l’investissement bas carbone en Europe »).]]. Ces derniers travaux mettent l’accent à juste titre sur le fait que « le levier du crédit bancaire et de l’épargne, cible des politiques de rachats de titres de la BCE, est (…) peu mobilisé contre le changement climatique ». Pourraient également être mentionnés les appels à un « green quantitative easing », autrement dit une injection de liquidités de la Banque Centrale qui soit ciblée sur les obligations qui financent des projets « verts »[[Voir les travaux du Green New Deal Group (http://www.greennewdealgroup.org).]]. Le parti pris de cette note est de se concentrer sur l’action des investisseurs et des épargnants. Elle n’a pas pour objet de proposer un plan de financement exhaustif de l’ensemble des chantiers de la transition, ni de faire état d’un catalogue de mesures pouvant y concourir. Son objectif est d’examiner le rôle, les limites et les modalités de mise en oeuvre de labels de produits financiers destinés à réorienter massivement l’épargne vers les investissements nécessaires à la transition énergétique.

Note « L’épargne au service de la transition énergétique »

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Documents joints

A PROPOS DE LA FABRIQUE ÉCOLOGIQUE

La Fabrique Écologique, fondation pluraliste et transpartisane de l’écologie, réfléchit, propose et lance des débats sur les politiques publiques et des propositions concrètes en matière d’écologie et de développement durable. Son exigence de très grande rigueur, la précision de sa méthodologie et la qualité et la diversité de son réseau d’expertise lui permettent de publier des notes considérées comme des références sur les sujets traités.

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