Les littoraux français sont des espaces fragiles qui subissent à la fois la pression anthropologique mais aussi les aléas du changement climatique. Toujours très attractifs, les littoraux sont convoités alors même que les catastrophes environnementales s’y multiplient depuis les dernières décennies. Ils sont l’objet notamment de deux phénomènes : l’érosion côtière et la submersion maritime. Alors que le GIEC revoit à la hausse ses estimations sur l’élévation du niveau des mers sur les prochaines décennies, la situation devient très préoccupante. La crise du Covid-19 rappelle à quel point l’anticipation des crises et des situations d’urgence est indispensable dans la gestion des risques. La notion de résilience reprend tout son sens et sera nécessaire pour faire face aux bouleversements que connaîtra le littoral dans les prochaines années. La Note rappelle les travaux récents, propose quatre grands principes qui devraient guider l’élaboration des politiques de gestions des risques littoraux et définit trois pistes permettant une meilleure adaptation des littoraux.
SYNTHÈSE DE LA NOTE
Le littoral est une interface à la fois fragile et essentielle entre la zone maritime et l’intérieur des terres. Il est victime de nombreuses pressions à la fois naturelles et anthropiques qui se concrétisent notamment par deux phénomènes : l’érosion côtière et la submersion maritime. L’élévation du niveau des mers dans un contexte d’urbanisation toujours plus forte des littoraux nous rappelle la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des mesures d’adaptation de ces territoires. La situation est déjà préoccupante, et les projections pour les années à venir estiment que plusieurs dizaines de milliers de français seront concernés par le recul du trait de côte ou les submersions marines. La crise du Covid-19 rappelle à quel point l’anticipation des crises et des situations d’urgence est indispensable dans la gestion des risques, et doit remettre au cœur des préoccupations des citoyen.ne.s et des élu.e.s la notion de résilience. Dans un premier temps, la note s’attache à rappeler les différents travaux et réflexions menés ces dernières années autour de l’adaptation du littoral. Ces travaux concernent des aspects juridiques, urbanistiques, économiques, ou encore de gouvernance. En analysant ces projets ou propositions de loi, elle met en exergue le manque d’ambition, les insuffisances du cadrage institutionnel et s’inscrit parfaitement dans le débat public. La note propose quatre grands principes qui devraient guider l’élaboration de politiques de gestion des risques littoraux. Premièrement, étant donné la complexité des processus naturels et des enjeux socio-économiques, la gestion du littoral doit être adaptative. Deuxièmement, une attention particulière doit être accordée à la question des inégalités, qui se manifestent sous différentes formes sur les littoraux français, métropolitains et ultramarins. Troisièmement, les littoraux ultramarins présentent de nombreuses spécificités de part leurs caractéristiques géomorphologiques, socio-économiques et politiques qu’il est indispensable de prendre en considération dans l’élaboration des politiques publiques. Enfin, la gestion des littoraux ne peut se faire qu’en accordant une place extrêmement importante à la préservation des écosystèmes, qui seront soumis dans les prochaines années à des pressions encore plus fortes qu’aujourd’hui. Concernant les propositions émises par la note, l’objectif n’est pas de faire table rase sur la gestion actuelle des littoraux mais de compléter sa méthodologie pour une meilleure appréhension des risques, de leur évolution et de la résilience en cas de nouvelles catastrophes. Ce travail a donc défini trois pistes qui permettraient une meilleure adaptation des littoraux : – 1) Pour un nouveau partenariat réaffirmant l’engagement de l’Etat sur la prévention des risques littoraux : élaborer des chartes coconstruites avec les collectivités locales – 2) Développer fortement les projets de relocalisation ou de recomposition littorale, notamment par l’expérimentation – 3) Faire évoluer le financement de l’adaptation au changement climatique sur le littoral, en modulant le montant des indemnités en fonction de critères socio-économiques, et en élargissant le périmètre de solidaritéComposition du groupe de travail
Signataires Conformément aux règles de la Fabrique Ecologique, seuls les signataires de la note sont engagés par son contenu. Leurs déclarations d’intérêts sont disponibles sur demande écrite adressée à l’association. – Marie Christine Huau, directrice de Marché Littoral et Grand cycle de l’eau chez Veolia Eau France. – Jill Madelenat : Présidente du Groupe de travail, chargée d’étude à la Fabrique Ecologique – Hélène Rey-Valette : Chercheuse en sciences économiques au Centre d’Économie de l’Environnement – Montpellier (CEE – M) – Nicolas Rocle : Chercheur en sociologie à INRAE, responsable du pôle « Territoires littoraux et fluvio-estuariens » Rapporteure du groupe de travail – Lara Benattar, chargée d’études à La Fabrique Ecologique Personnes auditionnées dans le cadre des travaux – Marie-Laure Lambert, maître de conférences en droit public à l’Université d’Aix-Marseille Grands témoins – Stéphane Buchou, député LREM de Vendée, auteur du rapport « Quel littoral pour demain » – Elodie Martinie-Cousty, pilote du réseau Océan, mer et littoral chez France Nature Environnement, présidente du groupe Environnement et Nature au CESE Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, cette publication sera mise en ligne sur le site de l’association (www.lafabriqueecologique.fr) afin de recueillir l’avis et les propositions des internautes. Sa version définitive sera publiée par la suite.Table des matières
Introduction Partie 1 – De nombreux travaux et réflexions dans un contexte d’accélération des phénomènes – 1.1 Des effets de plus en plus visibles – 1.2 Une décennie de cadrage institutionnel de la gestion du trait de côte – 1.3 Une accélération récente des initiatives interministérielles, parlementaires et gouvernementales Partie 2 – Les grands principes de gestion des risques littoraux face au changement climatique – 2.1. La gestion adaptative – 2.2. La prise en compte des inégalités – 2.3. La prise en compte des spécificités des territoires ultramarins – 2.4. La préservation des écosystèmes littoraux Partie 3 – Trois Propositions pour accélérer la gestion des risques littoraux dans le contexte du changement climatique – A. POUR UN NOUVEAU PARTENARIAT REAFFIRMANT L’ENGAGEMENT DE L’ETAT SUR LA PREVENTION DES RISQUES LITTORAUX : ELABORER DES CHARTES CO- CONSTRUITES AVEC LES COLLECTIVITES LOCALES – B. DEVELOPPER FORTEMENT LES PROJETS DE RELOCALISATION OU DE RECOMPOSITION SPATIALE, NOTAMMENT PAR L’EXPERIMENTATION – C. FAIRE EVOLUER LE FINANCEMENT DE L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LE LITTORAL, EN MODULANT LE MONTANT DES INDEMNITES ET FONCTION DE CRITERES SOCIO-ECONOMIQUES, ET EN ELARGISSANT LE PERIMETRE DE SOLIDARITE Bibliographie – Annexe 1 – Opérationnalisation de la relocalisation GlossaireL’étude « L’adaptation au changement climatique sur les littoraux » de La Fabrique Ecologique
En 2019, La Fabrique Ecologique publiait une étude consacrée à l’adaptation des littoraux au changement climatique. Ce rapport, fondé sur une revue de littérature et sur des entretiens avec différents acteurs (chercheurs, services de l’Etat, collectivités territoriales, associations) visait à établir un diagnostic des impacts de ces risques littoraux sur le territoire métropolitain et un état des lieux des différentes mesures d’adaptation. Suite à ce rapport, La Fabrique Ecologique a mis en place un groupe de travail afin de passer du constat aux recommandations. L’objectif de cette Note est donc de fournir différentes propositions, dans un contexte où la question de l’adaptation des littoraux au changement climatique est plus que jamais au cœur de l’actualité parlementaire, gouvernementale et médiatique.Introduction
Les risques littoraux – ici l’érosion côtière et la submersion marine – menacent un nombre croissant de territoires, d’habitants et d’activités. Ces deux phénomènes sont souvent liés, mais font l’objet de cadrages institutionnels distincts. Cette différence de considération introduit des différences dans les traitements politiques de ces deux phénomènes. Ainsi, les dispositifs de prévention, de financement de l’adaptation ou d’indemnisation des victimes ne sont pas les mêmes pour l’érosion côtière et pour la submersion marine. Le déficit de mesures d’adaptation à l’érosion côtière est très souvent dénoncé. C’est pourquoi cette Note s’attarde plus longuement sur des recommandations concernant le recul du trait de côte, tout en soulignant le fait que ces deux risques sont à penser conjointement et en formulant des recommandations concernant l’ensemble des risques littoraux. Plus largement, les phénomènes littoraux ne doivent pas être pensés depuis la bande littorale uniquement. Le littoral est une interface terre-mer, ce qui signifie qu’il est nécessaire de prendre en compte ce qui se passe en mer, mais également plus en amont dans les zones rétro-littorales et les bassins versants des cours d’eau, qui par exemple charrient de moins en moins de sédiments. Ce principe de « gestion intégrée des zones côtières » (GIZC) remonte à 1992 (Sommet de Rio) et a été défini en France en 2002 comme un « processus dynamique, continu et itératif destiné à promouvoir le développement durable des zones côtières ». Si les réflexions autour de la gestion du littoral ne sont pas récentes, ces dernières années ont vu se développer et s’intensifier les travaux universitaires ou parlementaires et les mesures politiques.Note
L’adaptation au changement climatique sur le littoral