Une série d’enquêtes menées dans quatre usines sous-traitantes de l’entreprise Disney en Chine révèle les conditions de travail indécentes auxquelles sont soumis les milliers d’ouvriers, très majoritairement des femmes, qui fabriquent ses jouets. Salaire indécent, absence de contrat de travail, heures supplémentaires payées en dessous des minimums légaux, pas d’équipement de sécurité adéquat, absence de sécurité sociale et de cotisation pour la retraite… La liste des manquements à la législation chinoise et aux normes internationales du travail est longue. Disney a beau se prévaloir d’un code de conduite qu’elle prétend imposer à l’ensemble de ses fournisseurs et de milliers d’audits menés chaque année pour en vérifier le respect, force est donc de constater que le bilan est encore très largement insuffisant. C’est donc aux citoyens et consommateurs d’agir pour inciter la multinationale à jouer le jeu des droits de l’Homme. En 2011, SHERPA et PEUPLES SOLIDAIRES déposent un recours devant l’ARPP contre DISNEY pour violation de son code de conduite en Chine.
Un code de conduite mensonger = Une publicité trompeuse
Le 6 janvier 2011, les associations Peuples Solidaires et SHERPA ont déposé un recours auprès de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)[[ – L’ARPP, ex BVP, est un organisme de régulation visant à promouvoir une publicité saine, véridique et loyale ainsi qu’une communication responsable. Plus d’informations ]], afin de faire reconnaître que le code de conduite de la multinationale américaine Disney constitue une publicité de nature à induire les consommateurs en erreur. Le 8 novembre dernier, les associations avaient déposé une plainte auprès de cette même autorité contre le « Code de conduite pour les fabricants » de Disney pour manquement aux règles professionnelles relatives aux messages publicitaires, en faisant valoir le caractère mensonger des informations diffusées dans ce texte « éthique ». Dans son « Code de conduite pour les fabricants », la Walt Disney Company garantit en effet « une conduite éthique et responsable en ce qui concerne toutes [ses] opérations », « dans chaque partie du monde », et « le respect des droits de l’individu dans tous les cas ».[[ – Télécharger le code de conduite de Disney ]] Elle assure que « tous les fabricants des produits Disney » sont tenus de les concevoir dans le respect de normes sociales exigées par l’entreprise.[[ – Ces normes portent sur le travail infantile, le travail involontaire, la contrainte et le harcèlement, la nondiscrimination, la négociation collective, la salubrité et la sécurité, les conditions de la rémunération ainsi que le respect de la législation internationale et locale. ]] Or, diverses enquêtes menées en Chine depuis 2005 par les associations SACOM et CHINA LABOR WATCH et relayées en France par l’ONG Peuples Solidaires attestent d’une réalité bien éloignée de celle présentée par Disney dans son Code de conduite : « heures supplémentaires excessives et forcées, salaires de misère, conditions de sécurité déplorables, absence de sécurité sociale … les conditions de travail des ouvrières qui fabriquent les jouets Disney en Chine sont en totale contradiction avec le code de conduite de la multinationale » déplore Fanny GALLOIS, en charge de la campagne « C’est pas du jeu ! » chez Peuples Solidaires.[[ – Plus d’infos sur le site Peuples Solidaires ]] Dans un courrier daté du 3 décembre 2010, l’ARRP a rejeté leur requête au motif que le « Code de conduite pour les fabricants » élaboré par Disney afin d’expliciter ses exigences vis à vis de ses fabricants (…) » ne constitue[rait] pas une publicité et n’entre[rait donc] pas dans les compétences du Jury« . SHERPA et PEUPLES SOLIDAIRES rejetent catégoriquement cette analyse. « Il est évident que de plus de plus de consommateurs accordent une importance accrue aux conditions sociales de fabrication des produits qu’ils achètent ou encore au bilan carbone ; et que les communications éthiques des entreprises visent précisément à orienter le choix des consommateurs en répondant à ces nouvelles attentes », explique Céline ETRE, juriste au sein de l’association SHERPA. Il s’agit d’un recours tout à fait inédit puisqu’à ce jour, cette autorité administrative indépendante n’a jamais expressément été saisie sur la question de savoir si les codes de conduite sont soumis aux règles déontologiques de la publicité. Cependant, en interjetant appel, les associations SHERPA et Peuples Solidaires espèrent faire évoluer la position de l’ARPP sur cette question. Il est temps que les engagements éthiques des multinationales cessent d’être fallacieusement invoqués à des fins marketings. – CONTACTS :- SHERPA : Céline ETRE 01 42 21 33 25 | Joseph BREHAM 01 42 60 32 60
- Peuples Solidaires : Fanny GALLOIS | 01 48 58 21 85
Enquêtes 2009
La SACOM [[Association d’étudiants et universitaires contre la mauvaise conduite des entreprises]] et le China Labor Watch (CLW), deux organisations partenaires de Peuples Solidaires basées respectivement à Hong Kong et à New York, ont enquêté entre mai et octobre 2009 auprès d’usines sous-traitantes de Disney en Chine : Haowei Toys [[SACOM, “Still Looking for Mickey Mouse’s Conscience”, mai 2009.]] (aujourd’hui Rong Gao) Tianyu Toys, Wai Shing et Merton Toys [[Rapport ”Unhappy Holidays at Merton Toy Factory”, octobre 2009, disponible sur www.chinalaborwatch.org.]]. Les résultats de ce travail de terrain sont sans appel : dans ces quatre usines, les violations des droits des ouvriers sont légion, et l’exploitation est la règle. Une exploitation honteuse Les salaires sont si bas que les ouvriers doivent faire de nombreuses heures supplémentaires pour gagner de quoi vivre. En haute saison – au moment où l’on fabrique les jouets pour Noël – ils enchaînent les journées et parfois les nuits de travail, sans jour de repos. En saison basse, les commandes chutent… et les salaires avec. De plus, des amendes arbitraires leur sont infligées. A Tianyu, 50 yuans (5 €) sont ainsi déduits du salaire de ceux qui refusent de travailler la nuit. Il faut également déduire le prix de l’hébergement, qui s’élève à 65 yuans (6,5 €) à Wai Shing et atteint 72 yuans (7,2 €) à Tianyu Toys où jusqu’à 25 ouvriers partagent un dortoir de 25 m2. Enfin, la nourriture – que des ouvriers qualifient d’infecte – coûte 250 yuans (25 €) par mois à Merton Toy. « Non seulement ils s’épuisent à la tâche, mais en plus, ils sont soumis à des conditions de travail dangereuses, sans protection adéquate et sans formation » explique Debby Chan, représentante de la SACOM. En effet, à Wai Shing, les ouvriers travaillent quotidiennement au contact de produits chimiques (peintures et diluants) dont ils ne connaissent ni les noms, ni les dangers et qu’ils manipulent sans aucune protection. Pour autant, aucun des examens médicaux prévus par la loi ne leur est proposé… Les enquêtes montrent aussi que les ouvriers sont victimes de traitements dégradants : violences verbales, insultes, humiliations… A Tianyu, ils doivent par exemple demander un laissez-passer pour aller aux toilettes. Face à ces traitements indignes, certains ouvriers dénoncent leurs conditions et demandent des améliorations. Ainsi, à Haowei, les ouvriers se sont plaints en 2003 auprès des autorités chinoises. A Merton et Tianyu, ils sont même allés jusqu’à se mettre en grève pour réclamer des salaires décents. Mais ils n’ont pas obtenu gain de cause. Par ailleurs, la nouvelle loi qui oblige, depuis janvier 2008, les employeurs chinois à remettre un exemplaire du contrat de travail à leurs employés n’est pas respectée. Or faute de contrat, les ouvriers ne peuvent faire valoir leurs droits ni devant leur employeur, ni en justice… Quant aux syndicats, même dans les usines qui en comptent comme Wai Shing, ils sont affiliés au syndicat du parti et leurs responsables sont le plus souvent choisis par la direction elle-même. Mais que fait Disney ? Face à cette situation, les partenaires chinois de Peuples Solidaires se tournent vers le donneur d’ordres que ces usines ont en commun, la multinationale Disney, pour qu’elle assume sa responsabilité sociale. Son code de conduite pour les sous-traitants et les milliers d’audits qu’elle mène auprès de ses fournisseurs montrent le souci de Disney de prouver aux consommateurs qu’elle prend les choses en main. Mais d’après les enquêtes de la SACOM et le China Labor Watch (CLW), ces mesures sont largement inefficaces. Alors que Disney avait été interpellée au sujet de l’usine Merton en 1998, le CLW constate que « même si les conditions se sont globalement améliorées, de nombreuses violations graves persistent ». L’usine de Tianyu avait elle aussi fait l’objet d’une première enquête de la SACOM il y a un an mais – mis à part quelques améliorations en matière notamment de temps de travail – les enquêteurs n’ont pas constaté de progrès suffisants. Et quand il y a des avancées, celles-ci restent fragiles : à Haowei, sous la pression de Peuples Solidaires et de la SACOM, Disney avait accepté de faciliter l’établissement d’un comité de travailleurs pour faire entendre la voix des ouvriers au sein de l’usine, mais ce dernier n’a pas été pérennisé. C’est la raison pour laquelle la SACOM et le CLW en appellent aujourd’hui à la solidarité de tous pour demander à Disney de prendre enfin la mesure des lacunes de sa politique de responsabilité sociale et de la corriger afin de garantir effectivement des conditions décentes aux ouvriers qui fabriquent ses jouets.COMPRENDRE : Une industrie mondialisée, dominée par les multinationales
On estime qu’ils sont entre 3 et 5 millions à travailler dans les usines chinoises de jouets. La plupart sont des femmes âgées de 15 à 30 ans, migrantes, qui viennent des régions pauvres et rurales de l’intérieur des terres. Du fait des salaires extrêmement faibles, elles n’ont pas d’autre choix que d’accepter les dortoirs et la nourriture proposés par les usines, moyennant une bonne partie de leur maigre salaire. Longues heures de travail (jusqu’à 100 heures par semaine) ; salaires de misère, inférieurs au minimum légal, insuffisants pour vivre ; absence de contrats de travail ; absence de mesures de sécurité adéquates ; absence de congés maternité, assurance santé ou retraite ; conditions d’hébergement insalubres etc., la liste des violations des droits de ces ouvriers est longue. Jusque dans les années 60, les jouets étaient essentiellement fabriqués par des petits artisans. Les jouets allemands dominaient alors le marché européen. Aujourd’hui, les jouets sont devenus un gigantesque commerce mondialisé, dominé par quelques entreprises américaines comme Mattel, Hasbro ou encore Disney. Les sociétés et leurs actionnaires exigeant toujours plus de profits, les coûts de production doivent diminuer. La solution la plus simple est donc de sous-traiter dans des pays à faible coût de revient. En Chine, les salaires sont incroyablement faibles et ne sont assortis d’aucune assurance sociale. Aujourd’hui, l’industrie mondiale du jouet est une structure pyramidale. Au sommet de la pyramide, quelques uns font les plus gros profits alors que tout en bas, ils sont des milliers à sacrifier leur dignité, leur santé et parfois même leur vie ! Deux ONG, la SACOM et le CLW, ont enquêté dans quatre usines qui produisent des jouets pour Disney en Chine. Leur rapport d’enquête a été traduit et publié par Peuples Solidaires sous le titre Ouvriers du jouet : les derniers maillons de la chaîne. – Cliquez ici pour télécharger le rapport Ouvriers du jouet : les derniers maillons de la chaîneS’INFORMER : Les chiffres de l’industrie du jouet
– 80 % des jouets vendus dans le monde sont fabriqués en Chine. – 95 % de tous les jouets importés dans l’Union européenne sont produits en Asie (presque exclusivement en Chine). – En Chine, 4 millions de personnes travaillent dans l’industrie du jouet, contre 50 000 en Europe (qui travaillent majoritairement dans des secteurs comme la recherche, le design, le marketing, etc.). – Au début des années 80, Shenzhen était un petit village de pêcheurs dans le Delta de la rivière des Perles. Aujourd’hui, il compte 12 millions de personnes, dont 10,7 millions sont des travailleurs migrants qui fabriquent les deux tiers de la production mondiale de chaussures et la moitié de tous les téléphones portables et appareils photos. – Le salaire journalier moyen d’un ouvrier du jouet chinois est d’environ 3,50 euros alors qu’un ouvrier français gagne au moins 50 euros par jour. – Rien qu’en Chine du Sud, plus de 300 usines travaillent pour le géant du jouet Mattel. – Plus de 15 000 usines dans le monde travaillent pour Disney. – L’industrie du jouet est un monde de femmes puisque 80 % de tous les ouvriers du jouet sont des femmes migrantes âgées de 15 à 30 ans. – Au cours des 20 dernières années, plus de 140 millions de Chinois des zones rurales ont émigré vers la ceinture industrielle le long de la côte Sud du pays. – En chine plus de 100 000 personnes meurent chaque année de blessures liées au travail, du fait de l’insuffisance des mesures de sécurité sur leurs lieux de travail. – Un enfant européen dépense en moyenne 158 euros par an pour ses jouets. – Toutes les secondes, 3 poupées Barbie sont vendues dans le monde. Plus de 800 millions de poupées ont été vendues depuis 1959. Plus vite, moins cher, plus de profits, moins de sécurité… – En 1970 : 86 % des jouets vendus aux États-Unis sont fabriqués sur place (60 000 emplois). Les directeurs gagnent 58 fois le salaire d’un simple ouvrier d’usine. Les bénéfices des entreprises de jouets américaines s’élèvent à 58 millions de dollars. 12 produits ont été rappelés dans l’année. – En 2007 : 87 % des jouets vendus aux États-Unis sont fabriqués à l’étranger (dont 74 % en Chine). Les directeurs gagnent 21 000 fois le salaire d’un simple ouvrier d’usine. Les bénéfices des entreprises de jouets américaines s’élèvent à 930 millions de dollars. Au cours de la seule année 2007, 120 produits ont été rappelés. (Public Citizen 2007) – Pour en savoir plus, lire notre article : C’est pas du jeu ! L’industrie du jouet à l’heure de la mondialisation.AGIR
– Distribuez des cartes-magasins aux vendeurs quand vous faites vos courses de jouets. – Signez l’Appel Urgent en cours adressé à Disney – Aidez Peuples Solidaires à faire connaître la campagne C’est pas du jeu ! autour de vous.