IKEA est socialement responsable, IKEA est impliqué dans la préservation de l’environnement. IKEA est une grande famille. IKEA est au service du plus grand nombre. IKEA veut améliorer notre vie. IKEA nous aime. Redoutable communicatrice, la multinationale du prêt-à-habiter véhicule à dose homéopathique des messages de société éthique, à dimension humaine. Mais dans ce refrain bien rodé, il y a eu quelques sérieuses griffes ces dernières années. IKEA a exploité des enfants dans les pays du Sud. IKEA a développé des produits polluants, IKEA pousse à la surconsommation. IKEA uniformise notre vie. Pour contrer les critiques sociales et environnementales, IKEA a mis sur pied en 2000 un code de conduite pour ses fournisseurs. Depuis, tout va bien dans le meilleur des mondes en jaune et bleu ? A voir…
Extraits du livre : Une des chances pour contrer IKEA est son aspect éphémère. Ses meubles, démontés deux fois, ressemblent alors à un gros tas de bois pour le feu ouvert. Au moment de vous procurer un nouveau mobilier, où que vous soyez, intéressez-vous à d’autres meubles, à l’économie locale, au label de forêts gérés durablement, le FSC proposé par de petits commerçants. Peut-être seront-ils plus chers. Alors mettons l’accent sur la qualité du travail, sur le service fourni, sur la soutenabilité de l’offre et sa diversité. IKEA doit-il disparaître ? La question ne se pose pas. IKEA ne disparaîtra pas. Mais à notre échelon, nous pouvons encourager la diversité des producteurs, la diversité des productions. D’autres meubles doivent pouvoir exister à côté de l’entreprise multinationale. (…) S’il est impossible de soupeser chacun de nos achats quotidiens, il n’empêche… Selon nos actes, des modèles de société se renforcent ou s’affaiblissent. Nous pouvons faire mine de l’ignorer, ou l’acter : nos choix de consommation d’aujourd’hui orientent la société de demain. Aussi, évitons les produits standardisés, évitons les produits qui maltraitent la Terre, qui exploitent une partie de la population. Evitons les produits à peine achetés, à peine démodés. A peine démodés, à peine jetés. Choisissons de consommer moins et mieux, plus équitable. Ne subissons pas la douce pression des multinationales. IKEA veut être du côté du plus grand nombre. Et fait en sorte que le plus grand nombre soit de son côté. Pourrons-nous un jour décider ensemble si oui ou non, IKEA continue ce bout de chemin avec nous ? Peut-on envisager de lui souffl er que « non, vraiment, on a bien réfl échi et cette consommation effrénée, cette sourde envie de nous cloner en acheteur interchangeable, cela ne nous tente pas. Merci quand même et à la prochaine… ». Mais si la vie nous ramène malgré tout entre les boulettes suédoises et les tissus chinois dans une allée jaune et bleue, privilégions les produits en bois FSC, exigeons une information claire sur notre achat, soulevons les étiquettes et soyons vigilants. IKEA fait travailler Shiva en Inde La trentaine, Shiva, elle, nous dit gagner 2300 roupies (39 euros). Elle paie 500 roupies par mois pour se rendre en bus à son travail. Sur ce salaire, trois personnes vivent : son fi ls, sa mère et elle. C’est la vieille qui cuisine. Pas ce feu d’artifices d’arômes que l’on peut découvrir dans les restaurants indiens des villes européennes. Ou alors la version Resto du Coeur. « On mange simplement, de la soupe ou de la sauce avec du riz surtout ». Et la viande ? « Oui. Une fois par semaine, le dimanche. Mais pas ce dimanche parce que c’est la fi n du mois ». L’interview se déroulait le 20 mai 2006… Ici, il ne s’agit pas de regarder à la moindre dépense pour se faire passer pour un milliardaire original. La « responsabilité sociale » d’IKEA n’a pas meublé l’habitation de Shiva : deux pièces pour quelques calendriers au mur, des photos en noir et blanc, deux paillasses, deux petits coffres en guise de garde-robe. Une horloge, des divinités. Pas d’étagère Billy ou de lit Malm en vue. Vivre dans un 45 mètres carré à trois est encore plus facile quand il est vide. Si Shiva gagnait un peu plus d’argent, « nous prendrions une cuisinière au gaz avec une bonbonne. Cuisiner au feu est pénible avec toute cette fumée dans les yeux. Et lors de la saison des pluies, c’est difficile de trouver du bois sec. Et collecter ce bois est un gros travail ». Mais puisqu’elle est un de ces coûts à strictement limiter et qui justifi e la présence d’IKEA en Inde, Shiva ne gagnera pas plus. SOURCES : AMRF (Alternative Movement for Research and Freedom Society), Labour conditions in Ikea’s supply chain. Case studies in Bangladesh, Amsterdam : SOMO, 2006. SAMY L.A. and VIJAYABASKAR M., Codes of conduct and supplier response in the IKEA value chain : the case of handloom home furnishing suppliers in Karur, South India,AREDS and MIDS, 2006. Ikea : un modèle à démonter Par Olivier Bailly, Jean-Marc Caudron, Denis Lambert aux Editions Luc Pire – 15 €