À partir du 10 janvier, ARTE diffuse « I love democracy », une série documentaire en six volets qui, en cette grande année électorale, prend le pouls démocratique de la planète. Outre la France, plus de vingt pays se rendront aux urnes en 2012. Parce qu’une élection nationale est toujours une épreuve de vérité, cette collection s’emploie à dégager les enjeux politiques dans six pays – la Tunisie, la Russie, la Turquie, l’Inde, les États-Unis et le Maroc – et à accompagner l’émergence des nouvelles démocraties en revisitant les anciennes.
1er épisode : la Tunisie
Un an après la « révolution de jasmin » et le départ de Ben Ali, où va la Tunisie ? Comment se fait l’apprentissage de la démocratie ? Qui sont les islamistes qui viennent de remporter les élections ? Immersion au cœur d’une société en pleine ébullition avec ce documentaire diffusé mardi 10 janvier 2012 sur Arte. Pour le premier numéro de la collection I love democracy, Daniel Leconte a choisi la Tunisie. C’est en effet la révolution de jasmin qui a donné le coup d’envoi du « printemps arabe ». Et la Tunisie est aujourd’hui devenue le baromètre de tout le monde arabo-musulman. Un an après la chute du régime de Ben Ali, ce film plonge au cœur de cette démocratie naissante : il capte les enthousiasmes, les espoirs, la formidable énergie d’un pays qui découvre la liberté, mais pointe aussi les menaces, les peurs et les combats à venir. Il raconte de l’intérieur, à travers des histoires particulières, les paradoxes de la Tunisie nouvelle. Des témoignages complétés par des interviews exceptionnelles et un entretien exclusif avec Moncef Marzouki, le nouveau président tunisien. CARNET DE ROUTE Conçu comme un carnet de route, le documentaire nous emmène des sables du désert jusqu’à Tunis en passant par les zones minières du centre du pays, la ville de Sidi Bouzid (où le jeune protestataire Mohamed Bouazizi s’est immolé) ou encore Kasserine, Sousse et Monastir. Dans la ferveur de la campagne pour l’élection de l’Assemblée constituante, Fabrice Gardel et Franck Guérin croisent des personnages étonnants : un ancien policier de Ben Ali ému aux larmes de voter sans bourrer les urnes, de jeunes démocrates qui racontent l’immense « claque » qu’a représenté pour eux le résultat des élections, des défenseurs des droits de l’hommes pris à partie par des salafistes haineux, des sages-femmes parlant librement de sexualité dans des dispensaires de campagne, des écolières qui racontent ce que la démocratie a changé pour elles, des avocats qui s’attaquent à la corruption endémique… Ce film va à la rencontre d’un peuple qui vit un moment unique de son histoire. Au fil de la route affleurent des questions majeures : faut-il avoir peur des islamistes ? Ceux-ci vont-ils remettre en cause le modèle tunisien laïc initié par Bourguiba ? Ou vont-ils au contraire, comme le dit le nouveau président démocrate Moncef Marzouki, inventer une démocratie respectueuse de droits universels et de l’identité arabo-musulmane ?(Re)voir « I love democracy »
Catch-up gratuite ou payante : ARTE vous donne la possibilité de (re)voir les films de la série « I love democracy » après leur diffusion à l’antenne. – ARTE+7 : Vous pouvez revoir les films de la série « I love democracy », gratuitement, pendant les sept jours qui suivent leur diffusion à l’antenne. – ARTE VOD : Les films de la série « I love democracy » sont disponibles en téléchargement locatif ou définitif sur ARTE VOD.Prochain épisode
Le prochain épisode consacré à la Russie sera diffusé sur Arte mardi 28 février 2012.Rencontre avec Daniel Leconte
Rencontre avec Daniel Leconte, créateur de la série documentaire en six volets « I love démocracy ». Comment est née l’idée de I love democracy ? Daniel Leconte : « En 2012, une vingtaine de pays vont changer d’équipe dirigeante. Ces élections vont donc changer le visage du monde, c’est une première raison. La seconde, c’est que depuis la chute du mur de Berlin, l’événement le plus incontestable à l’échelle mondiale a été l’expansion de la démocratie. Or, on parle de démocratie, on la critique sans réserve, mais on oublie très souvent de rappeler cette évidence que, partout sur la planète, les peuples la plébiscitent tous les jours. Nos sociétés démocratiques ont un caractère anxiogène qui pousse à broyer du noir chez nous et à regarder avec une grande indulgence des sociétés moins libres que les nôtres. En montrant comment la démocratie se cherche partout dans le monde, en montrant comment elle progresse, on veut prendre un peu le temps de réaliser le chemin parcouru et savourer la liberté des peuples ». Vous avez choisi de vous intéresser à six pays : la Tunisie, la Russie, la Turquie, l’Inde, les États-Unis et le Maroc. Pourquoi ceux-là ? Daniel Leconte : « La démocratie est multiple et même si certaines formes de cheminements démocratiques nous paraissent plutôt « light » comparés aux nôtres, il faut interroger les pays nouvellement engagés dans cette voie aussi bien que les « vieilles » démocraties. Ainsi, les six pays choisis incarnent des déclinaisons différentes de la démocratie : la Tunisie est comme un test à ciel ouvert sur la compatibilité entre l’islam et la démocratie ; le second mandat d’Obama pourrait être celui du déclin de l’hyperpuissance ou au contraire celui du rebond de l’Amérique ; tandis que la Russie vit le « moment Poutine », un mixte entre le vieux système communiste et la démocratie a minima. La mondialisation, c’est ce monde-là, plein de défis passionnants que cette collection entend bien illustrer ». Comment s’articulent les documentaires ? Daniel Leconte : « Chaque film est conçu comme un carnet de route : l’idée est de cheminer à travers le pays, de la périphérie vers le centre, c’est-à-dire la capitale, pour rencontrer les populations avant les décideurs et éviter ainsi le prêt-à-penser facile. C’est une démarche nécessaire pour se laisser surprendre, bousculer, et même pour prendre le risque de se voir contrarié dans ses convictions. C’est comme cela, je crois, que l’on peut saisir les tendances de fond. La réalité est surprenante lorsque l’on se libère des idées préconçues. Et n’est intéressante qu’à cette condition ». Le premier numéro est consacré à la Tunisie, dont on a beaucoup parlé. Quel regard nouveau apportez-vous ? Daniel Leconte : « Ce sont les spectateurs qui, au final, jugeront si ce regard est nouveau ou pas. Ce que je peux dire, c’est ce que mes équipes et moi-même avons vu de nouveau. En décidant de finir et non pas de commencer par Tunis, nous avons vécu des situations inédites et rencontré la Tunisie « profonde » qu’on ne voit jamais sur les écrans télé. Du coup, on peut prendre la mesure de cette incroyable révolution que représente la chute de Ben Ali pour le peuple tunisien. Les conclusions qu’on pourrait tirer vu d’ici sont moins définitives, le jugement s’affine. On peut s’étonner, par exemple, qu’aux dernières élections le parti islamiste Ennahda ait fait 42 %. Mais après trente ans de dictature, peut-on attendre d’un peuple écrasé de misère une très grande pertinence démocratique ? Est-ce que pour autant la démocratie a perdu la partie ? Pas sûr. En Tunisie, démocrates et islamistes ne sont pas antagonistes à ce point, me semble t-il, pour considérer que la partie est perdu d’avance. S’ils y arrivent, c’est une première dans le monde arabe qui pourrait tracer la voie aux autres. S’ils n’y arrivent pas, c’est le chaos. L’aventure se tente ». Propos recueillis par Thomas Vitry pour ARTE Magazine