Les 40 plus importantes sociétés françaises payent 2,3 fois moins d’impôts sur les bénéfices que les petites et moyennes entreprises, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires publié par La Tribune. Les raisons en sont faciles à voir : les multinationales maîtrisent parfaitement le recours aux paradis fiscaux et aux multiples « niches fiscales ». Elles ont aussi des filiales à l’étranger et peuvent, via les prix de ventes internes à l’entreprise, s’arranger pour déclarer leurs bénéfices là où les impôts sont les plus faibles. Un décryptage de Guillaume Duval d’Alternatives Economiques.
On s’en doutait, mais c’est toujours mieux lorsqu’un organisme officiel le dit… Les chiffres de l’impôt sur bénéfices pour la période 2006-2008 (voir le tableau ci-après) montrent que seules quatre entreprises du CAC 40 ont payé un impôt sur les sociétés qui corresponde au taux officiel en France. Il est impossible de savoir dans quelle mesure telle ou telle entreprise utilise tel ou tel paradis fiscal pour échapper à l’impôt dû sur tel ou tel territoire. Il n’existe pas en effet pour l’instant d’obligation pour elles de déclarer dans leurs comptes annuels les montants de chiffres d’affaires réalisés et d’impôts payés dans chacun des pays où elles opèrent. Les ONG essaient d’obtenir que ces informations deviennent obligatoires et des réflexions en ce sens se développent au sein de l’OCDE, dans la foulée de la crise et de la lutte engagée contre les paradis fiscaux. Le ministre britannique des Finances s’est même déclaré en faveur d’une telle évolution… En attendant, on ne peut que se livrer à un calcul très grossier : comparer la part de leurs bénéfices que les différentes entreprises paient globalement sous forme d’impôt. Ces bénéfices fluctuent cependant fortement d’une année à l’autre, alors que l’impôt payé au cours d’une année correspond aux bénéfices de l’année précédente. Pour amortir ces effets, nous avons additionné bénéfices et impôts payés par les entreprises du CAC 40 sur les exercices 2006, 2007 et 2008 afin de déterminer ce taux. Deux sociétés, Alcatel-Lucent et STMicroelectronics ont enregistré globalement des pertes sur ces trois exercices, elles sont donc « hors course ». Du côté des entreprises les plus imposées, on trouve Peugeot, qui a fait très peu de bénéfices sur cette période et surtout de fortes pertes en 2008 qui se répercuteront sur son impôt au cours des prochains exercices. On trouve également le pétrolier Total : il enregistre certes des profits colossaux, mais paie aussi nettement plus d’impôts que la moyenne des autres entreprises… Seules quatre entreprises du CAC 40 ont en effet payé un impôt sur les sociétés qui corresponde au taux officiel en France. Toutes les autres ont trouvé le moyen de réduire sensiblement l’addition. Du côté des plus mauvais payeurs, on trouve sans surprise beaucoup d’institutions financières : Dexia, le Crédit agricole, Axa, BNP Paribas… Mais elles sont en bonne compagnie : Vivendi, Lagardère, Capgemini, GDF Suez ou encore Sanofi-Aventis disposent manifestement eux aussi de services très affûtés pour limiter au maximum leur contribution au bien-être collectif. La palme revient cependant sans conteste à la société immobilière Unibail-Rodamco, qui a réussi l’exploit de ne consacrer que 1 % de ses bénéfices cumulés sur 2006-2008 à l’impôt… Guillaume Duval Version actualisée de l’article paru dans « La responsabilité sociale des entreprises françaises » (Hors-série Alternatives Economiques poche n° 41 en partenariat avec France Inter). Reporting social et environnemental, rémunérations des dirigeants, usage des paradis fiscaux, les problématiques clé de chacun des principaux secteurs d’activité (finance, télécommunications, grande distribution, automobile…). Pour en savoir plus sur le hors-série, cliquez ici.