Comment appréhender la notion de « droit(s) des générations futures » ? Depuis la Seconde Guerre mondiale, la conscience de la vulnérabilité du genre humain face aux effets de la puissance technologique a conduit à identifier une responsabilité à l’égard de l’humanité à venir. Appliquée à l’habitabilité de la planète et au vivant en général, au-delà de l’espèce humaine, cette notion ne concerne d’ailleurs pas seulement l’avenir, car « nous sommes déjà les générations futures ! » et nous expérimentons d’ores-et-déjà les conséquences de la dégradation des entités naturelles.
Reposant sur les travaux d’un groupe d’experts – chercheur·ses, praticiens de la justice et représentants de la société civile – l’étude proposée par l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice rappelle les origines de cette notion et se concentre sur son application à la matière environnementale. Il évoque les questions soulevées par la prise en compte des droits des générations futures dans le processus démocratique avant d’aborder son appropriation par les juridictions à travers le monde. Depuis la décision de la Cour suprême de Colombie (2018) reconnaissant comme sujets de droit tant les générations futures que le fleuve Amazonie, de nombreuses cours y compris en France se sont emparées de cette notion. Conçue comme un levier d’action par la société civile face à l’inertie des gouvernements, la saisine du juge a produit des décisions retentissantes, reconnaissant aux États comme aux acteurs privés une responsabilité environnementale au nom des générations futures. De l’intérêt à agir à la réparation du préjudice causé, l’étude révèle un droit des générations futures produit d’un droit de l’humanité présente et future ancrée dans un vivant qui possède sa propre valeur. dj-rapport-etude-generations-futures-web-ok-1104.pdfSynthèse
La notion de générations futures est ancienne mais sa consécration dans des textes juridiques est tardive. Sans jamais vraiment la définir, penseurs et jurisconsultes du XVIIIe siècle s’emparent de la notion pour former leur argumentation autour de la liberté des générations à venir de pouvoir réviser les lois faites par les générations présentes. Au XIX siècle, la notion est cette fois mobilisée pour dénoncer les inégalités entre les générations. Ainsi, en 1832, l’économiste Jean Baptiste Say condamne t’il la dette publique qui grève les revenus des générations futures. Le développement au cours des XIXe et XXe siècles des parcs nationaux et autres réserves naturelles inscrit la notion dans une dimension environne mentale voire écologique qui ne la quittera plus : c’est au nom des générations futures que la Nature est et doit être protégée. À mesure que le monde prend conscience de la vulnérabilité du genre humain et de son environnement, la notion de générations futures glisse lentement vers celle de droit des générations futures. Au souci de la communauté internationale de préserver le devenir de l’humanité, inscrit dans le préambule de la Charte des Nations unies en 1945 (« Nous, Peuples des Nations unies, [sommes] résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre »), succède vingt ans plus tard le souci de cette même communauté de préserver l’environnement de l’Homme au nom des générations futures. Cette préoccupation s’exprime en 1972 avec la Conférence internationale de Stockholm qui assigne aux gouvernements « le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». Dans les années 1980, le rapport Brundtland, Notre avenir à tous[[Notre avenir à tous, Rapport Brundtland, Commission des Nations unies sur l’Environnement et le Développement, 1987.]] (1987), consacre la notion de « développement durable », défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». La déclaration issue de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement réunie à Rio de Janeiro en juin 1992 proclame que « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures. » Au XXIe siècle naissant, les générations futures deviennent une réalité incontournable. Les États commencent à les intégrer dans leurs constitutions. En 2015, l’Accord de Paris engage les parties signataires à « respecter, pro mouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant […] l’équité entre les générations ». La notion de générations futures est plastique et son champ d’application évolutif. Le groupe de réflexion a bien eu à l’esprit qu’il était important de ne pas limiter la notion à l’environnement. Son analyse historique montre à quel point son champ a évolué. En ce début de XXIe siècle, trois types de patrimoines seraient à explorer en sus du patrimoine écologique : la dette publique ; le patrimoine culturel ; le patrimoine génétique. Néanmoins, on ne peut qu’être frappés par le fait qu’en ce début de XXIe siècle, la notion de générations futures nouvellement entendue comme ouvrant des obligations à l’égard de l’humanité à venir, exprime la préoccupation ressentie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale face aux effets inédits de la puissance technologique développée par l’espèce humaine. Le contexte de la responsabilité a radicalement changé. Les questions juridiques soulevées par la prise en considération des générations futures reposent sur une éthique théorisée dans l’ouvrage fondateur de Hans Jonas, publié en 1979 – Le Principe responsabilité – qui peut ainsi être résumée : « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[[Hans Jonas, Le Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Flammarion, Champs essais, 2013 [1979].]]. Sous les dehors, aujourd’hui, d’une évidence, cette responsabilité à l’égard de géné rations qui n’existent pas encore et avec lesquelles aucune réciprocité n’est possible, soulève des défis éthiques et politiques majeurs. Pour Jonas, « La question est : comment construire ce “nous” de sorte qu’il puisse prendre ses distances par rapport aux intérêts du présent et qu’il accepte des obligations envers le futur ? ». Il faut prendre garde cependant à ce que la notion de droit(s) des générations futures ne soit contreproductive en donnant le sentiment que les risques concernent un avenir lointain. Selon Dominique Bourg, les générations présentes vont déjà commencer à vivre le cauchemar d’Hans Jonas. Ce qui est en jeu dès aujourd’hui est la réduction de l’habitabilité de la planète. Ce qu’on pensait être lointain est en cours. La péjoration de l’habitabilité de la planète se manifeste par des évé nements extrêmes et l’augmentation de leur fréquence, ce qui contribue à fragiliser nos capacités de production alimentaire. « Nous sommes déjà les générations futures ! Et plus encore nos enfants qui vivront encore dans la seconde moitié du siècle »[[ Dominique Bourg, « Les générations futures… c’est vous », Revue Projet, 2015/4 (N° 347), p. 6-14.]]. Il est donc nécessaire de contextualiser la notion, probablement en l’arrimant à d’autres comme celle de « biens communs » ou de « patrimoine commun de l’humanité ». La notion d’irréversibilité est aussi centrale. Il y aurait en quelque sorte trois intérêts à imbriquer : ceux des humains actuels ; ceux des humains à venir ; ceux des entités naturelles, en premier lieu le climat. Mais comment prendre en considération ces générations, qui n’existent pas encore, dans le processus de décision démocratique ? Penser le droit des générations futures en démocratie n’a rien d’évident tant la préférence pour le présent de ce type de régime est patente. S’ajoute à cette myopie démocratique, le fait que les droits humains issus de la Révolution française ont été largement organisés autour de libertés, qui procèdent de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Comme le souligne Dominique Bourg, il manque toutefois à l’article 4, eu égard à ce que nous connaissons désormais, un adverbe : « qui ne nuit pas immédiatement à autrui »[[Dominique Bourg, «À quoi sert le droit de l’environnement ? Plaidoyer pour les droits de la nature», Les Cahiers de la Justice, 2019/3 (N° 3), p. 407-415.]]. Le constat, devenu de plus en plus difficile à nier, d’une humanité installée dans une maison en feu et de la finitude possible du vivant sur Terre du fait de l’action humaine est une expérience que les Modernes n’avaient pas. C’est par ce biais, celui de la préoccupation écologique, qu’à partir de la fin du siècle dernier et du début du XXIe siècle, la préoccupation du long terme et les générations futures sont entrées dans l’ordre constitutionnel. La nécessaire préservation de la nature et les notions de générations futures et de long terme sont répandues dans un grand nombre de constitutions de toutes les régions du monde. En France, la Charte de l’environne- ment a intégré le bloc constitutionnel en 2005. Souhaitant aller plus loin et introduire dans les institutions elles-mêmes la préoccupation pour le temps long, des projets, inaboutis en France, ont tenté de créer des pouvoirs nouveaux ou de réformer les pouvoirs existants afin de représenter et de défendre les générations futures. Le Conseil pour le droit des générations futures créé en 1993 par le président de la République, auprès duquel il était placé, sous la houlette du commandant Jacques-Yves Cousteau, a fait long feu. Se faisant l’écho des débats sur l’instauration d’une assemblée citoyenne du futur, le président de la République a annoncé devant le parlement réuni en Congrès à Versailles, le 3 juillet 2017, la transformation du Conseil économique, social et environnemental en chambre du futur, sans que ce projet n’aboutisse. Plus récemment, l’institution possible d’une sorte d’ombudsman est apparue dans les débats, proposée par la Convention citoyenne pour le climat puis dans un rapport parlementaire, commandé par le Premier ministre en 2021[[Cécile Muschotti, députée de la 2e circonscription du Var, parlementaire en mission auprès de la ministre chargée de la Transition écologique, Création d’un défenseur de l’environnement et des générations futures, 2021.]]. S’interroger sur la place des générations futures dans l’ordre politique, ce n’est pas seulement se demander quelle est la place institutionnelle qu’elles occupent ou devraient occuper mais comment la notion s’articule avec la conflictualité de la vie sociale présente. Qu’il s’agisse de la dette ou de l’éco- logie, des voix critiques se sont élevées pour souligner que la préservation des générations futures se fait au détriment des classes les plus défavorisées et que l’effort à accomplir n’est pas équitable. La critique se fait plus acerbe encore du côté de certains penseurs de pays en voie de développe- ment contestant que des règles restrictives doivent s’appliquer à des pays qui consomment et polluent peu à l’échelle de la planète. Si les générations futures se fraient difficilement un chemin au sein des institutions démocratiques, elles semblent progresser plus sûrement dans la jurisprudence, au premier chef la jurisprudence constitutionnelle. Cela a d’abord été le cas en Amérique latine, qui fait figure de pionnière, notamment avec la jurisprudence Dejusticia, par laquelle la Cour suprême colombienne, le 5 avril 2018, a décidé à la fois que les générations futures et l’Amazonie colombienne sont sujets de droit. Il est intéressant de pointer l’existence d’autres systèmes que le nôtre et de présenter des modèles « écocentristes »[[Voir contribution de Nadia Belaïdi en annexe.]] qui permettent notamment de reconnaître des droits aux entités naturelles. La récente décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, du 24 mars 2021, a retenu l’attention en Europe, par le recours à la notion de générations futures et l’émergence d’une analyse intertemporelle des droits fondamentaux. Plus récemment, le Conseil constitutionnel français a lui aussi pris appui sur la notion de générations futures dans sa décision n° 2022-843 DC du 12 août 2022. Les droits des générations futures sont portés en justice, dans de nom- breux endroits du monde, en particulier dans le contexte des contentieux climatiques. Loin de se concentrer dans les pays anglo-saxons, notamment les États-Unis, volontiers perçus comme des territoires favorables aux procès en tous genre, ils concernent toutes les zones géographiques. La France ne fait pas exception. Après avoir suscité l’étonnement et le scepticisme, ils attirent l’attention d’autant plus que les juges accueillent les demandes des plaideurs et y répondent parfois de façon favorable, dans de retentissantes décisions. Les procès sont utilisés comme une arme par une partie de la société civile, pour pallier l’inaction des États et les activités néfastes d’un point de vue éco- logique de certaines entreprises. Le tribunal est conçu comme une tribune. Aux procès se superpose la menace du recours au procès. Par ailleurs, et c’est un paradoxe, même perdus, ces procès peuvent être des victoires dans le chemin vers la conscientisation des juges et de la société. D’un point de vue juridique, on relève que ces contentieux s’appuient sur les accords internationaux conclus par les États, auxquels sont conférés une force contraignante qui n’allait pas de soi, au premier chef l’Accord de Paris. Ces actions sont l’expression d’une crise de légitimité des décideurs publics, qu’ils appartiennent au pouvoir législatif ou exécutif et d’un espoir placé dans les décisions de justice. La jeunesse semble la mieux à même de porter ces actions, au sein d’une société civile qui interpelle le juge, lui demandant de trancher des débats à la fois juridiques et hautement politiques. Incarnant l’avenir, elle opère le lien entre générations présentes et futures. Ce faisant, elle soulève la question de la légitimité du juge à trancher en cette matière, voire à enjoindre à l’État à trancher ce type de contentieux, qui mériterait d’être davantage exploré tout particulièrement en France où tradition jacobine et culture politique française (où la notion d’impartialité est absente) maintiennent le juge et l’évolution de son positionnement dans un angle mort. Ces forces rassemblées contribuent à un usage innovant du droit, les plai deurs mêlant des notions, des principes, des normes issues de leur droit natio nal – en droit constitutionnel, droit administratif, civil et pénal – mais aussi du droit européen et du droit international. C’est en s’appuyant sur cette combinaison d’influences que les juges se prononcent, parfois en faisant une interprétation extensive des notions qui existent dans leur droit. Les actions en justice sont le plus souvent menées en relation avec les droits humains : on semble assister à une « fondamentalisation » du droit des générations futures. Pour l’essentiel, le juge se voit poser trois questions que le groupe de réflexion a exploré : – Les générations futures ont-elles un intérêt à agir ? – Comment appréhender le dommage aux générations futures à l’aune des conditions du préjudice réparable ? – Comment mettre en œuvre la réparation du préjudice aux générations futures ? Il a également souligné certains fondements juridiques sur lesquels se sont appuyées les cours pour rendre des décisions relatives au droit des générations futures. Ils présentent la particularité d’être étroitement reliés les uns aux autres. Ils peuvent être source d’une réflexion pour les juridictions et les professionnels concernés. La notion d’irréversibilité tient une place majeure dans les jurisprudences de plusieurs juridictions. La notion de budget carbone, introduite par le GIEC au début des années 2010 et renforcée par l’Accord de Paris, sert de fonde ment à la notion d’irréversibilité dans les procès climatiques. Évoquer un stock limité d’émissions plutôt qu’une hausse des moyennes mondiales detempé rature permet d’analyser les émissions présentes comme une spoliation des générations futures, et ainsi d’adopter une perspective d’équité. Dans plusieurs décisions figure une référence au principe de solidarité intergénérationnelle, qui permet de répondre à la question de l’intérêt à agir puisqu’il existe dans cette logique un lien entre générations futures et présentes, sans exclure ces dernières. La théorie de l’équité intergénérationnelle, développée par Edith Brown Weiss[[Edith Brown Weiss, «In Fairness To Future Generations and Sustainable Development», American university International Law Review, Volume 8, 1992, p. 19-26.]], se fonde sur l’idée que toutes les générations ont une place égale par rapport au système naturel et qu’il n’y a aucune raison de préférer les générations passées, présentes ou futures à cet égard. La question du droit des générations futures est étroitement liée à celle des droits de l’humanité. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, de tels droits ont été proclamés, comme dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La notion de crime contre l’humanité, formulée par les procès de Nuremberg et de Tokyo puis consacrée par la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, va également dans le sens d’une humanité disposant de droits. À cet égard, le contexte hors du commun de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah, alimente la réflexion juridique relative au droit des générations futures, en opérant un parallèle entre ceux qui n’existent plus et ceux qui n’existent pas encore, parallèle qui peut fonder un intérêt à agir. La notion de fiction juridique, familière au droit français, est ici une alternative à la construction d’une protection fondée sur la qualification préalable de sujet de droit. Il est également possible de combiner fiction juridique et principe de fraternité, ici transgénérationnel, reconnu récemment par le Conseil constitutionnel comme un principe à valeur constitutionnelle[[Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre [Délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger].]]. Michel Borgetto, évoquant une « grande décision », inédite, estime que le principe « matriciel » de fraternité se déploie dans deux grandes directions : celle du social et de la solidarité, d’une part, et celle du « vivre ensemble », d’autre part. On peut imaginer qu’il se déploie dans une troisième direction : celle de la protection de l’environnement et des générations futures. Parmi les fondements juridiques les plus fructueux figure celui du devoir de vigilance (duty of care), utilisé à la fois contre les États et contre les entre prises. De ce point de vue, l’affaire Urgenda est exemplaire. Les juges néerlandais utilisent une notion classique du droit international – elle désigne alors l’obligation d’un État de ne pas porter préjudice à un autre État – pour fonder une obligation d’agir d’un État envers ses citoyens face à un risque majeur. C’est en recourant à cette notion qu’ils combinent à celle d’équité, étudiée plus haut, et à celle de « communs » (ainsi est qualifiée l’atmosphère), que les juges néerlandais ont pu établir le lien de causalité leur permettant de reconnaître l’existence d’un dommage futur [[Cf. Marta Torre-Schaub, «La justice climatique. À propos du jugement de la Cour de district de La Haye du 24 juin 12 2015 », Revue internationale du droit comparé, n° 3, 2016, p. 699-722.]]. Il semble que ce soit à l’émergence d’une exigence d’anticipation des entreprises qu’on assiste, fondée sur la nécessité de prévenir les violations des droits de l’Homme nées du non respect des trajectoires identifiées dans les rapports du GIEC et entérinées par les Accords de Paris. Dans la grande conversation mondiale, que provoquent le(s) droit(s) des générations futures, la justice peut penser de nouveaux outils et les articuler. Ainsi, récemment, Guy Canivet estimait-il cette réflexion importante pour la Cour de cassation, qui pourrait mettre en place une politique de juridiction ou politique jurisprudentielle, dresser un inventaire des grandes décisions de droit civil, identifier les contentieux potentiels qui pourraient être concernés, définir une méthode en collaboration avec les juridictions du fond pour l’application des nouveaux principes par les juges du fond. Si elle n’est pas aisée à manier et comporte des ambigüités, la notion de droit(s) des générations futures garde une force évocatrice intacte, comme en témoigne le discours sur l’état de l’Union prononcé par la présidente Ursula Von der Leyen le 14 septembre 2022 : « Toute action de notre Union devrait être inspirée par un principe simple. Le principe selon lequel nous ne devrions pas mettre en péril l’avenir de nos enfants. Le principe selon lequel nous devrions léguer un monde meilleur à la génération suivante. Et c’est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu’il est temps de consacrer la solidarité entre les générations dans nos traités. Il est temps de renouveler la promesse européenne ». La notion est suffisamment forte pour inspirer des projets à l’échelle européenne et mondiale. Elle mobilise une partie de la société civile qui saisit les juges, là aussi à l’échelle planétaire, sur ce fondement. Elle conduit à faire évo luer le droit en dépassant la question de la personnalité juridique. Elle permet à la fois d’arrimer le futur au présent et le sort des entités naturelles à celui des humains. La notion n’a pas qu’une valeur philosophique ou politique, elle vaut en droit. Comme le soulignait Laurent Fonbaustier, « être juriste, c’est s’interroger sur la façon de faire muter le droit de façon systémique ». Dans cette perspective, le droit des générations futures est donc le droit de l’humanité présente et future ancrée dans un vivant qui possède sa propre valeur.