Le WWF France a réalisé depuis trois ans une enquête approfondie du dispositif français d’analyse de la qualité des eaux souterraines et de surface ainsi que de l’exploitation qui en est faite dans les rapports officiels. Le bilan de ces investigations est accablant : les protocoles de mesure de la qualité de l’eau ont, à plusieurs reprises, été profondément édulcorés depuis une dizaine d’années. Ils sont entachés de nombreux biais qui conduisent à sous estimer très gravement l’ampleur de la pollution des rivières et des nappes phréatiques.
Pour Hélène Roche, présidente du Comité Scientifique du WWF France, spécialiste au CNRS de l’évaluation des effets des substances chimiques dans les écosystèmes aquatiques, « on va ainsi pouvoir officiellement déclarer que certaines rivières sont « en bon état chimique » alors qu’elles sont contaminées par des substances dont les protocoles de mesures sont mal codifiés ou par des molécules qui ne sont tout simplement pas prises en compte – les PCB par exemple. Les rivières seraient donc officiellement en bon état alors qu’une contamination importante menace les espèces aquatiques et la biodiversité. Avec une telle sous-évaluation de la situation, on ne s’étonnera pas qu’un certain nombre d’espèces très sensibles aux polluants chimiques, comme les batraciens, figurent parmi les espèces aquatiques les plus menacées ».
Une surveillance biaisée
Le WWF France soulève trois problèmes majeurs à l’origine d’une surveillance biaisée des eaux superficielles et souterraines :
la dramatique insuffisance du nombre de substances toxiques recherchées dans l’eau ;
des protocoles de mesure inadaptés, en particulier pour les micropolluants chimiques ;
des méthodes d’analyse des données impropres à décrire l’état réel des eaux superficielles et souterraines.
La France a fait le choix d’une approche minimaliste de ses obligations réglementaires et non d’une approche « patrimoniale », c’est-à-dire permettant de connaître l’état réel de la ressource. Par exemple, la Directive Cadre sur l’Eau laisse la liberté aux Etats membres de choisir la liste des substances dangereuses surveillées. Sur ce point, la France a constamment minoré le nombre des substances recherchées – tels les pesticides.
Or la pertinence d’une évaluation de la qualité des eaux se mesure à sa capacité à refléter la réalité. « Quand on évacue la prise en compte de la majorité des substances toxiques, en particulier les micropolluants émergents, quand on néglige l’impact des faibles doses de substances dangereuses sur le long terme, quand on évacue la prise en compte des cocktails de substances, quand on se contente de moyennes avec de surcroît trop peu de mesures, quand on mesure avec des limites de quantification trop élevées, etc., on biaise systématiquement les évaluations » explique Cyrille Deshayes, responsable du pôle eaux douces du WWF France.
Le WWF France rend publique la réalité de la situation
Dans l’esprit de la Convention d’Aarhus, le WWF France ouvre, sur le modèle de l’open data, le dossier de l’accès aux données publiques environnementales dans le domaine de l’eau.
Grâce à une étude procédant à une exploitation rigoureuse des données publiques de 2007 et établissant des cartes de contamination, le WWF France fait apparaitre un état fortement dégradé et généralisé des cours d’eau et des nappes phréatiques. Ce qui est d’autant plus inquiétant puisque les données analysées sont elles-mêmes en deçà de la réalité. Le WWF rend ces données publiques en soutenant un site internet rassemblant données, analyses et cartes.
Le coût astronomique de la pollution de l’eau
Le ministère de l’Ecologie vient de chiffrer dans un rapport le coût des pollutions agricoles. Rien que pour les pesticides et les nitrates, le montant s’élève pour les ménages à un minimum compris entre 1 et 1,5 milliards d’euros par an. Si l’on voulait décontaminer les eaux souterraines, il nous en coûterait entre 522 et 847 milliards d’euros. Lorsqu’on sait que ce rapport ne prend en compte que les seules pollutions agricoles, qu’il n’a pas intégré les amendes que la France devra payer pour le non respect des directives européennes et qu’il a été fait à partir d’une évaluation de la qualité de l’eau qui est largement en deçà de la réalité, on ne peut qu’alerter nos concitoyens sur le fait que les pouvoirs publics ne pourront pas faire face à des coûts qui sont véritablement astronomiques.
Il est urgent de disposer de données fiables, indépendantes et transparentes sur l’état réel des eaux.
Consultez le site internet http://eau-evolution.fr/ qui met à disposition les données avec des cartes interactives permettant à chacun d’apprécier la qualité des eaux.
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L’état réel des eaux en France : une vérité qui dérange
Monsieur,
je souhaiterais savoir si vous comptez realiser la même enquête dans les DOM-TOM
A+