Du 5 au 14 août 2025, les États membres de l’ONU se sont réunis à Genève pour ce qui devait être la dernière session de négociation du Traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique. Au lieu d’un accord ambitieux et juridiquement contraignant couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques : de la production à la gestion des déchets, en passant par la consommation et le recyclage, comme le souhaitait une centaine de pays, dont la France et l’Union européenne, les discussions ont échoué sous l’influence des sociétés transnationales (STN) et des États producteurs de pétrole.


CETIM – Les profits contre la vie : Un Traité sur les plastiques déjà mort-né
La crise plastique est d’une ampleur sans précédent et constitue aujourd’hui l’un des défis environnementaux les plus pressants. Chaque année, des millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans les océans, les sols et l’air, menaçant la biodiversité, la santé humaine et les équilibres écologiques. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime qu’en 2024, la consommation mondiale de plastiques dépassait les 500 millions de tonnes, générant environ 400 millions de tonnes de déchets. Dans un scénario inchangé, les déchets plastiques pourraient tripler d’ici 2060.

Qui sont les responsables de la pollution plastique
Si les consommateurs sont souvent pointés du doigt, selon le Centre Europe – Tiers Monde (CETIM), le rôle des sociétés transnationales (STN) est central dans cette problématique : « elles dominent la production mondiale de plastique vierge, conçoivent et commercialisent des produits à usage unique, et externalisent souvent les coûts environnementaux vers les pays aux réglementations moins strictes. Par leurs chaînes d’approvisionnement mondialisées, elles perpétuent un modèle économique qui alimente la dépendance au plastique. Les solutions avancées par les pouvoirs dominants se limitent à des initiatives de recyclage, à l’introduction d’emballage « écologique », le tout édulcoré par l’adoption des normes volontaires« .
Or, ces mesures sont insuffisantes pour inverser la tendance car elles s’inscrivent fréquemment dans une logique de « greenwashing », offrant l’illusion d’un changement tout en évitant les transformations profondes et structurelles du modèle de production et de consommation qui seraient nécessaires pour réduire de manière significative l’empreinte plastique mondiale.
Les négociations sont bloquées par un point de discorde majeur lié à l’inclusion de mécanismes de responsabilisation juridiquement contraignants pour la réduction de la production de plastique. Les pays producteurs de pétrole, matière première pour produire du plastique, n’en veulent pas.
Les STN autour de la table mais absentes du traité
Depuis le début des pourparlers en novembre 2022, sept grandes STN – Dow, ExxonMobil, BASF, Chevron Phillips, Shell, SABIC et INEOS – ont envoyé 70 lobbyistes aux négociations. Lors de la cinquième session (INC-5.2), 234 lobbyistes des combustibles fossiles étaient présents, constituant la plus grande délégation, surpassant même l’Union Européenne et ses États membres. Pendant ce temps, ces sept STN ont produit l’équivalent de 6,3 millions de camions poubelles de plastique et augmenté leur capacité de production de 1,4 million de tonnes. Dow, à elle seule, a fait un bénéfice d’environ 5,1 milliards de dollars grâce aux plastiques tout en faisant pression pour affaiblir le traité.
Cette influence vise à détourner l’attention vers des fausses solutions, tout en refusant de s’attaquer à la production excessive à la source, garante de leurs profits. Le plastique, étant à 99 % dérivé du pétrole et du gaz, il est devenu un pilier du modèle de croissance des grandes compagnies pétrolières et un modèle de développement pour les États producteurs de pétrole.
Le CETIM rappelle que les enjeux sont colossaux. Sans une forte volonté politique et un rapport de force en faveur de l’intérêt général, les négociations ne peuvent déboucher que sur un texte vidé de son sens. Les États doivent imposer un Traité contraignant qui puissent inverser le statu quo et contribuant à la justice sociale et environnementale.

La lutte contre l’impunité des STN : une lutte de longue haleine
Le CETIM rappelle son engagement de longue date contre l’impunité des STN et pour l’accès à la justice des victimes et communautés affectées par les violations. Cette lutte se porte non seulement sur le terrain, mais également au niveau du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, où depuis 2014 un Groupe de travail inter-gouvernemental négocie l’élaboration d’un Traité contraignant des Nations Unies sur les sociétés transnationales et les droits humains.
Depuis, le CETIM, en tant que coordinateur de la “Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à leur impunité”, plaide activement en faveur d’une responsabilisation des STN pour les violations des droits humains1.
Le CETIM continuera à soutenir activement ces processus et luttes en faveur de la justice sociale et environnementale, aux côtés des mouvement sociaux et organisations engagées, afin que l’intérêt général prime sur les profits privés.
«Il n‘y a pas un monde développé et un monde sous-développé, mais un seul monde mal développé»
- Les principes clés de ce Traité – tels que l’établissement d’obligations de respect des droits humains pour les STN, les mécanismes de prévention des violations et de sanctions en cas de non respect, ou encore l’accès aux recours pour les victimes – sont essentiels aussi dans le cadre de la négociation du Traité sur les plastiques. ↩︎
Les négociations vont se poursuivre …

Selon France Nature Environnement, « Pusan et Genève, même combat, même défaite. Réuni·es en Suisse après l’échec des négociations en Corée du Sud, les représentant·es des 185 pays ne sont pas parvenu·es à un accord pour un traité mondial contre la pollution plastique. Pourtant, plus de 100 pays ont porté des textes ambitieux s’attelant à réduire à la source la production plastique. Ces derniers ont fait face à un petit groupe de pays, notamment producteurs de pétrole et de gaz, voulant limiter les engagements au recyclage des déchets. Les négociations vont se poursuivre prochainement alors que plusieurs pays souhaitent la mise en place d’un vote à la majorité absolue afin d’empêcher le blocage de pays reprenant les arguments de l’industrie pétrochimique au détriment de la santé et de l’environnement« .
Un défi mondial, une réponse globale
La pollution plastique est une urgence environnementale et sanitaire. Sans action, la production mondiale de plastique pourrait tripler d’ici 2060.
Chaque année en France, 100 000 tonnes de plastiques finissent dans la nature.

Plus d’un quart des substances chimiques des plastiques sont reconnues dangereuses pour la santé humaine, et cette pollution impacte lourdement la biodiversité et les écosystèmes, en particulier les milieux marins.
→ Chaque année, 430 millions de tonnes de plastique sont produites et polluent l’ensemble des milieux.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 14, 2025
→ Chaque minute, 15 tonnes de plastiques sont rejetées dans l’océan.
→ Chaque jour, notre santé est un peu plus menacée.
Qu’attendons-nous pour agir ?…
Les humains malades du plastique
Documentaire | ARTE
21 jours sans plastique
Pour passer à l’action, Manuela LECUYER, Consultante Marketing & Stratégies Digitales, nous propose “21 jours sans plastique” : un défi concret, 1 geste chaque jour, pour réduire notre exposition et inspirer autour de nous.
Traité mondial sur les plastiques – ce que la science dit des éléments essentiels pour sa réussite
Pollution plastique : l’ampleur du désastre

Quelles mesures clés selon les ONG pour opérer la nécessaire réduction de la production ?
Une mobilisation internationale et européenne

En prévision des négociations, la France a mobilisé 95 pays pour appeler à un traité ambitieux avec l’Appel de Nice (The Nice Wake Up Call). Signée par Agnès PANNIER-RUNACHER lors de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC-3) qui s’est tenue du 9 au 13 juin dernier à Nice, cette déclaration commune s’articule autour de cinq points :

- Appeler à l’adoption d’un objectif mondial de réduction de la production et de la consommation de polymères plastiques primaires ;
- Mettre en place une obligation juridiquement contraignante pour éliminer progressivement les produits plastiques les plus problématiques et les substances chimiques préoccupantes, en soutenant l’élaboration d’une liste mondiale de ces produits et substances ;
- Améliorer, par une obligation contraignante, la conception des produits plastiques et s’assurer d’un impact environnemental minimal et qui protège la santé humaine ;
- Se doter d’un mécanisme financier à la hauteur de l’ambition du traité et soutenant sa mise en œuvre efficace ;
- S’engager en faveur d’un traité efficace et ambitieux qui peut évoluer dans le temps et réagir aux changements des preuves et connaissances émergentes.
Des actions concrètes en France
Forte de lois structurantes (loi anti-gaspillage, loi climat et résilience), et d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) à la pointe, la France a déjà adopté des mesures pionnières :
- interdiction progressive des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040,
- objectifs de réduction et de réemploi,
- développement du recyclage
- et soutien massif à l’innovation industrielle.
Le Plan Plastiques 2025-2030 cible les usages du plastique, améliore la performance de collecte et de tri, et développe l’économie circulaire sur tous les territoires.
La pollution plastique en 2 minutes

Un moment décisif à Genève en Août 2025
La reprise des négociations à Genève vise à trouver un consensus permettant l’adoption d’un traité international qui engage les pays à des mesures concrètes, ambitieuses et coordonnées. Face aux enjeux, la France jouera un rôle moteur, avec ses partenaires européens et internationaux, afin de protéger l’environnement, la santé humaine et d’accélérer la transition vers une économie circulaire.

« la France est engagée pour porter une voix forte contre la pollution plastique. sans accord liant les États sur ce sujet, la production de plastique devrait tripler d’ici 2060, et donc la pollution qui va avec. Je serai à Genève pour porter la voix des pays signataires de l’Appel de Nice.
j’appelle chaque État à la responsabilité avant que nous ne soyons dépassés par cette pollution aux conséquences délétères sur notre santé et nos écosystèmes naturels. »
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
« Plastic People »

Une enquête sur notre addiction au plastique et sur la menace croissante que représentent les microplastiques pour la santé humaine. Presque chaque morceau de plastique fabriqué se décompose en « microplastiques ».
Ces particules microscopiques dérivent dans l’air, flottent dans tous les plans d’eau et se mélangent au sol, devenant ainsi un élément permanent de l’environnement.
Quel est l’impact de ces envahisseurs invisibles sur notre santé ? Et peut-on y faire quelque chose ?