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REFEDD

Encourager son établissement à s’engager dans le DD ? Ils l’ont fait et ils racontent !

par le Réseau Français des Etudiants pour un Développement Durable

Ils ne se connaissaient pas et pourtant ils ont engagé une même dynamique dans leur établissement respectif. Pierre, de Dauphine Durable et Mathieu d’Ingénieurs pour un développement durable (I2D) nous racontent comment des étudiants et des associations étudiantes DD peuvent faire bouger les lignes.

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REFEDD : « Quels  engagements avez-vous fait prendre à votre établissement ? »

Mathieu, I2D : « Mon école a relancé un groupe de pilotage pour la mise en place d’une politique développement durable, sur la base du référentiel Plan Vert ».

Pierre, Dauphine Durable« Nous avons permis la mise en place de trois éléments principaux. Tout d’abord, la création d’une stratégie, d’un diagnostic et d’un Plan d’action de responsabilité sociétale et développement durable de l’Université. Puis, le développement d’un Comité spécifique regroupant l’ensemble des parties prenantes pour valider et animer la démarche éthique RS/DD (Responsabilité Sociétale et Développement Durable) de l’université. Et enfin, nous avons obtenu l’animation de ce Comité par une enseignante, appuyée par un étudiant en alternance ».

REFEDD : « Pourquoi vous être lancés dans cette initiative ? »

Mathieu, I2D : « Peu avant de prendre la présidence de mon association, en avril 2013, je suis tombé sur un blog rédigé par un « comité de pilotage Développement Durable » de mon école, qui semblait être géré par un enseignant chercheur. Le blog parlait de notre association. Je me suis renseigné pour en savoir plus sur ce groupe de pilotage : créé en 2007, il a disparu en 2009 après le départ du responsable du groupe. Comme il n’y a pas eu de remplaçant, la gouvernance développement durable de mon école a pris fin à ce moment là.
 Je me suis procuré le bilan de cette mission développement durable que le responsable avait écrit avant de partir : c’était une mine d’informations et préconisations intéressantes. Il ne fallait absolument pas que cela tombe dans l’oubli.

Des membres de notre association avaient auto-construit une éolienne Piggott en 2010, que l’on n’arrivait pas à implanter sur le campus à cause de blocages administratifs. Une association étudiante, dont les membres changent chaque année, ne peut se porter garante de ce genre de projet. Il faut un responsable ou une structure fiable et qui dure dans le temps. Je sentais qu’un « comité de pilotage Développement Durable » dans l’école était nécessaire pour faire aboutir ce projet d’implantation.

Enfin, lors de la remise des prix d’un concours d’essais sur l’éthique à Paris, j’ai rencontré un certain nombre de « responsables Développement Durable » d’écoles d’ingénieurs françaises. Je me suis alors rendu compte qu’avoir ce genre de responsable n’était pas un luxe, vu que beaucoup d’écoles le faisaient déjà. C’est pourquoi j’ai commencé à demander activement un « comité de pilotage Développement Durable » pour organiser la gouvernance DD dans mon école ».

Pierre, Dauphine Durable : « Tout a commencé par un dossier de cours. On devait étudier une stratégie et un référentiel de développement durable. Nous avons travaillé sur Dauphine et le référentiel Plan Vert, désormais nommé référentiel « Responsabilité Sociétale et Développement Durable des établissements d’enseignement supérieur ». Le constat était simple, il n’y avait pas de stratégie RS/DD car il n’y avait pas de portage politique ni de gouvernance pour la mettre en œuvre.

Notre projet s’est matérialisé par un appel à projet, en l’occurrence celui d’ANIMAFAC « Riposte ». Nous nous sommes dit qu’il pouvait être intéressant de candidater afin de formaliser notre démarche et de la présenter auprès de la Présidence de l’Université. Il nous fallait une association porteuse du projet  et nous étions tous membre de l’association Dauphine Durable. De plus, il  semblait bien plus légitime de faire porter ce projet par l’association et non par des individus.

C’était également l’occasion pour notre association d’avoir une structure fiable qui puisse garantir un soutien administratif et la pérennité de projets complexes ».

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REFEDD : « Quelles ont été les principales étapes de votre action de lobbying ? »

Mathieu, I2D : « Dans mon école, nous tenons chaque mois une réunion entre la direction et les élèves qui le souhaitent, pour traiter des questions relatives à la vie du campus. J’en ai profité pour ajouter un point à l’ordre du jour et j’ai demandé qui était le référent Développement Durable. On m’a répondu qu’il n’y en avait pas.

Comme les directeurs avaient été remplacés récemment, je leur ai parlé de l’ancien « comité de pilotage Développement Durable » et j’ai mentionné leur travail. Je leur ai transmis le bilan et leur ai proposé de reformer un tel comité de pilotage, afin d’être à nouveau à jour dans ce domaine, par rapport aux autres écoles.

Cela n’a pas intéressé la direction, en disant que l’école était déjà assez performante dans ce domaine. A partir du rapport écrit, je leur ai montré qu’il y avait encore beaucoup de marge de manoeuvre et preuves à l’appui,  je leur ai parlé de notre retard par rapport à d’autres écoles de notre niveau. Ils ont dit préférer se concentrer sur d’autres priorités pour le moment. Pourtant la communication institutionnelle de l’école tourne autour du DD…

Après plusieurs déboires administratifs et une guerre de l’information, j’ai transmis ce compte-rendu à quelques membres du personnel sensibles au développement durable et à d’anciens membres du groupe DD. Cela a eu l’effet d’une bombe. Mais cela n’y a rien changé. La direction ne trouvait pas indispensable d’avoir un groupe de pilotage formalisé tant que l’on n’avait pas une démarche structurée de type ISO 26000 ou Agenda 21.
 Pas de responsable DD, donc pas d’Agenda 21. Pas d’Agenda 21, donc pas de responsable DD. On marchait sur la tête. A partir de ce moment, j’ai cru que la rigidité administrative allait l’emporter ».

Pierre, Dauphine Durable : « De janvier à mars nous avons formulé notre proposition sur un document écrit et un powerpoint. Nous l’avons présenté à la responsable DD qu’on avait interviewée lors de notre travail d’étude. Après plusieurs réunions d’ajustement avec elle et des enseignants, nous avons abouti à une proposition claire qui identifiait les leviers de motivations de nos interlocuteurs de la Présidence de l’Université et qui établissait une méthodologie à suivre.

En avril, l’association Dauphine Durable a organisé des conférences, dont une avec Nicolas Hulot, ce qui a nous a permis de nous entretenir avec le Président de l’Université. Nous lui avons expliqué l’intérêt pour l’Université à s’engager dans la création de sa stratégie RS/DD et nous lui avons demandé d’intervenir en ouverture de la Conférence afin qu’il témoigne de l’engagement de l’Université.

En mai, nous avons obtenu un rendez-vous avec un vice-président que nous avons réussi à convaincre.  Il nous a demandé quelles modalités nous préconisions pour la créer. Nous avons alors détaillé notre méthodologie dont la première étape consistait en la création d’un Comité Éthique RS/DD et la nomination d’un référent à plein temps. Le Président avait déjà nommé une responsable  qui était présente lors de cette réunion. Le Comité fut créée selon la composition que nous préconisions et une invitation à la première réunion du Comité fut envoyée par le Vice-président.

En juin, la première réunion du Comité Éthique RS/DD a eu lieu. Les membres se sont présentés et ont validé la méthodologie de travail et le rétro-planning sur huit mois.

En juillet, le Vice-Président a accepté de me prendre en alternance auprès de la Présidence de l’Université pour accompagner la responsable et le Comité éthique RS/DD dans ses missions. »

REFEDD : « Quel argumentaire avez-vous établi pour convaincre votre administration ? »

Mathieu, I2D : « En janvier 2014 la CTI, qui accrédite les écoles d’ingénieur à délivrer le diplôme, a rappelé que le Plan Vert était obligatoire dans tous les établissements de l’enseignement supérieur (depuis 2009). Le Plan Vert est alors devenu un critère obligatoire pour l’habilitation à délivrer le diplôme d’ingénieur (CGE News n°47). Je n’ai pas manqué de transmettre l’information à la direction. Le mois suivant, le directeur annonçait que l’école avait décidé d’entamer la démarche Plan Vert. 
La direction a toujours nié l’avoir fait sous l’initiative d’étudiants et du personnel, ni sous la pression de la CTI. Mais la coïncidence est quand même frappante !

Aujourd’hui, le responsable HSE est chargé de piloter le Plan Vert et notre association participe au groupe de réflexion et d’action de ce Plan ».

Pierre, Dauphine Durable : « Sur le fond, nous avons mis en avant les éléments suivants :

– la nécessité de répondre aux  exigences du nouveau cahier des charges EQUIS qui inclut un nouveau chapitre 9 « Ethic, responsability, sustainability » et qui demande aux établissements labélisés de justifier de leur démarche éthique RS/DD via un rapport lors de la procédure d’accréditation, – l’obligation légale  de l’Article 55, loi grenelle 1 et  l’intérêt d’être un établissement pilote de la future « labélisation développement durable des établissements d’enseignement supérieur », – l’intérêt d’être un moteur de PSL (Paris Science et Lettre), association d’établissements d’enseignement supérieur dont Dauphine est l’un des fondateurs, – le besoin d’innover face aux autres grandes écoles et universités, – l’importance de répondre aux attentes des parties prenantes, les fédérer et les dynamiser, – l’implication dans l’émergence de la société de demain, – et pour finir, nous avons rappelé le slogan de Dauphine qui est « Exceller ».

Sur la forme, nous sommes attachés à mettre en avant nos compétences et la qualité de notre proposition en présentant les structures dans lesquels nous faisions nos stages respectifs. Nous avons veillé à parler d’une seule voix et à structurer et synthétiser notre argumentaire et nos propositions.

J’ai pu les convaincre de l’intérêt de me prendre en alternance en soulignant le  coût relativement faible pour l’Université au regard des gains générés en terme d’image, de performance économique, sociale et environnementale. De plus ce recrutement combiné à la nomination d’une responsable RS/DD démontre bien l’engagement et la volonté de l’Université. J’ai également mis en avant la cohérence d’impliquer dans la démarche un étudiant et un enseignant, qui sont les deux parties prenantes principales d’un établissement d’enseignement supérieur. Ma motivation personnelle durant tout le processus a aussi joué en ma faveur. Enfin, en tant que futur auditeur étudiant de la labélisation RS/DD via le REFEDD, j’allais être amené à étudier les bonnes pratiques d’autres établissements d’enseignement supérieur ».

REFEDD : « Quels conseils donneriez-vous aux étudiants/associations qui souhaiteraient se lancer dans cette démarche ? »

Pierre et Mathieu

« Identifiez et construisez votre argumentation avec  les personnes clés de votre établissement, parmi le personnel de l’école, qui sont sensibles au DD et favorables à l’émergence d’une politique DD. Les membres du personnel et les enseignants vous seront de bon conseil et apporteront le soutien nécessaire pour entrer en contact avec les décideurs. – Préparez votre argumentaire et une méthodologie de travail. N’arrivez pas à la négociation qu’avec de belles paroles, il faut aussi des documents tangibles qui vous permettront de prouver que votre établissement doit agir. L’obligation d’établir un Plan Vert dans tous les établissements de l’enseignement supérieur, depuis 2009 (Article 55 du Grenelle 1), la future labélisation de cette démarche, la récente décision de la CTI, le chapitre 9 de EQUIS sont des arguments de poids. Comme dans beaucoup d’entreprises, le développement durable est souvent développé a minima et ce genre de contraintes extérieures sont nécessaires pour aboutir à l’engagement véritable d’une politique DD. – Soyez constructifs : proposez la collaboration de votre association à cette démarche en l’intégrant au Comité de pilotage. – « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de gens déterminés puisse changer le monde. En fait, ça s’est toujours passé comme ça » (Margaret Mead) ». REFEDD : « Quels sont les écueils à éviter ? »

Pierre et Mathieu : « Ne vous découragez pas ! Avec les différentes initiatives politiques au niveau international, national et sectoriel, il deviendra de plus en plus difficile pour un établissement de se passer d’une politique développement durable. Gardez confiance : les rouages administratifs peuvent parfois sembler kafkaïens (souvenez-vous des 12 travaux d’Astérix !). On est confronté à de tels blocages absurdes et à l’inertie de son établissement qu’il est tentant de se mettre en colère et de se fâcher avec ses interlocuteurs. On aimerait que tout aille plus vite et que ça aboutisse. Mais ne vous laissez pas déborder par vos émotions ! Maintenez la pression, sans le prendre trop à coeur : après tout, ce n’est pas de votre faute si votre école ne veut pas de gouvernance DD. Pour finir, soyez patients et à l’écoute de vous-même et de vos interlocuteurs ».

Un GRAND merci à Pierre et Mathieu d’avoir bien voulu répondre à nos questions. S’échanger les bonnes pratiques DD entre associations et étudiants est l’une des raisons d’exister du REFEDD.

 

Si toi aussi tu souhaites engager une démarche DD dans ton établissement, contactes Noëlle, référente du pôle RSO du REFEDD, par mail à noelle.hussein-agha@grenbole-em.com

Si tu souhaites connaître comment fonctionne le Plan Vert, demandes une formation Plan Vert en envoyant un mail à education@refedd.org

Si tu souhaites partager ton expérience et mutualiser tes connaissances et compétences, le REFEDD est fait pour toi et/ou pour ton association ! Contactes-nous à contact@refedd.org

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