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Émissions de CO2 : du pire et du meilleur ?

Afin de respecter les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pris dans le cadre du protocole de Kyoto, l’Union européenne a conçu en 2005 un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de ces gaz s’imposant à certaines activités économiques considérées comme fortement émettrices (centrales électriques, installations de l’industrie manufacturière et aviation commerciale).

Un dispositif vertueux sur le papier

Un plafond est fixé pour limiter le niveau total de ces gaz pouvant être émis ; dans les limites de ce plafond, les entreprises reçoivent ou achètent des quotas d’émission qu’elles peuvent échanger avec d’autres entreprises en fonction de leurs besoins. À la fin de l’année, chaque société doit restituer un nombre suffisant de quotas pour couvrir toutes ses émissions, sous peine de s’exposer à de lourdes amendes. Une entreprise ayant réduit ses émissions peut conserver l’excédent de quotas pour couvrir ses besoins futurs, ou bien les vendre à une autre entreprise qui en a besoin. Les échanges de quotas entre acteurs (acheteurs et vendeurs) ont lieu sur des places de marché, via un intermédiaire ou de gré à gré.

Des « permis de polluer » lucratifs

eta-rzoq5uqwwke-unsplash.jpg L’appellation « permis de polluer » ou « droit à polluer » donnée aux quotas est révélatrice de l’inversion qui s’est opérée dans la perception du dispositif, bien loin des intentions poursuivies. Dans les premières années de mise en œuvre, une attribution trop généreuse de quotas gratuits par les États soucieux de la compétitivité de leurs entreprises a conduit à des dérives. Ainsi, par exemple, comme le relève un rapport publié par une ONG, de 2005 à 2010, dix grandes entreprises européennes auraient accumulé 230 millions de tonnes en « permis de polluer » valorisés à près de 3 milliards d’€ au cours de l’époque. Des entreprises telles ArcelorMittal et Lafarge, dont les activités sont parmi les plus polluantes, se sont ainsi retrouvées les gagnantes du système : sur la période 2008-2012, la valeur de ces surplus serait de 1,4 milliard d’€ pour Arcelor et de 336 millions d’€ pour Lafarge. Peugeot aurait, lui, accumulé des « droits à polluer » 2,5 fois plus importants que ses émissions de CO2…

Un business en développement

Bien que les États-Unis se soient retirés de l’accord de Paris, certains états américains ont mis en œuvre à leur niveau des législations environnementales se voulant dissuasives à l’égard des émissions polluantes. Ces législations visent en particulier les constructeurs automobiles. Ainsi, dans ces états, les constructeurs dont les ventes de véhicules non polluants sont insuffisantes doivent acquérir des « crédits carbone » auprès d’entreprises plus vertueuses faute de quoi ils se retrouvent sanctionnés par de lourdes amendes. C’est grâce à ce dispositif que Tesla, constructeur de voitures électriques, donc vertueux au regard de ces législations, aurait, selon l’agence Bloomberg, perçu en moins de dix ans 1,7 à 2 milliards de dollars (dont 420 millions en 2018). Ce bonus est si important qu’il participe même de son business model et lui a permis d’afficher de bons résultats sur plusieurs trimestres, leur permettant même d’appâter les investisseurs… Fiat Chrysler Automobile (FCA), en retard dans le développement de modèles électriques, et Général Motors, vendeur de modèles gros consommateurs d’énergie, seraient certains des acquéreurs de ces précieux certificats d’émissions (indicateurs de la quantité d’émissions compensées). Un même type de manœuvre tend à se mettre en place en Europe. Les normes d’émission de dioxyde de carbone sont sévères ; elles s’appliquent à la moyenne des véhicules commercialisés par une entreprise et constituent un objectif difficile à atteindre, risquant de conduire à des amendes très importantes. Le contournement des textes consiste alors à combler son retard sur les objectifs de réduction de ses émissions de CO2, en diminuant artificiellement ses émissions moyennes, et à éviter ainsi l’amende. Comment ? En mettant en commun leurs émissions avec d’autres groupes – à travers un pool permettant de les mutualiser -, les constructeurs peuvent obtenir une moyenne d’émissions plus favorable. A l’instar de Tesla, Renault pourrait revendre ses crédits de CO2 à d’autres constructeurs ayant de moins bons résultats (Daimler a été évoqué). Bien que peu éthique, ce « rapprochement capitaliste ou contractuel entre deux constructeurs automobiles » n’a été ni anticipé ni prohibé par les textes.

Des entreprises qui jouent le jeu ?

Nul n’est naïf et chacun en a conscience : le dispositif contient en lui-même ses limites. Les échanges de crédits carbone ou la mutualisation des émissions ne conduisent pas suffisamment à la diminution des GES. Des entreprises, convaincues de leur rôle dans ce domaine – et peut-être aussi du bénéfice à en tirer en terme d’image – ont ainsi décidé de s’engager vers la neutralité carbone d’ici 2050 : Orange, Total, EDF, EasyJet, Amazon ou encore Microsoft. Quant au groupe la Poste, grâce à sa flotte de véhicules électriques (la plus grande de ce type au monde) et à ses investissements dans des projets écologiques à l’international, il est devenu entièrement neutre et appartient au top 5 mondial des entreprises les plus performantes en la matière. Decaux, lui, a décidé de s’orienter vers l’achat de crédits carbone de façon volontaire en compensant les effets de son activité en émissions de GES par des investissements « verts ». Une chose paraît sûre si l’on tente un bilan du comportement des entreprises : le greenwashing existe dans un contexte où les enjeux économiques sont cruciaux mais, sous la pression des politiques et des opinions publiques, les stratégies commerciales ne peuvent plus rester en retrait de la lutte mondiale pour préserver la planète.

 

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