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Edito du Facteur 4D de l’automne 2011 : Une démocratie de co-construction comme réponse à la crise économique et financière, par Pierre Radanne

Sommaire :

« Le 8 janvier 1976, les Accords de la Jamaïque confirmaient officiellement la fin d’un système monétaire international organisé et le début d’une instabilité financière qui n’allait que s’accentuer. L’apparition de nouveaux instruments et services financiers ainsi que l’émergence de nouvelles formes d’organisation ont introduit des mouvements spéculatifs permettant de gagner beaucoup plus d’argent en pariant sur les fluctuations de court terme plutôt que dans une fidélité à un projet économique. La richesse n’est plus liée à l’activité économique réelle mais découle des opportunités financières. Les nouvelles technologies de communication ont permis d’accélérer le rythme des transmissions et d’amplifier les fluctuations au coeur de marchés devenus de plus en plus sophistiqués, complexes et opaques. A peine 3 à 5% des transactions vont aux entreprises et la durée moyenne de détention d’une action est de moins de 3 mois.
Cette situation est inédite et d’une extrême gravité. Pire, ceux qui ont fait des pertes dans ce casino financier tendent aussitôt à vouloir se refaire en spéculant de nouveau. Cette spéculation touche les banques vulnérabilisées par des placements hasardeux, puis les Etats ayant paré à la faible croissance depuis des années par l’accumulation des déficits publics. Jusqu’à présent, les mesures prises par ces Etats pour contrer cette fluidité financière excessive demeurent insuffisantes. Ils restent totalement dépendants des marchés obligataires, leurs comportements sont soumis aux marchés, dont la générosité se fait au détriment de l’intérêt général. Ainsi, avec la même monnaie, l’Allemagne emprunte au taux de 2% alors que la Grèce doit le faire à celui de 15%. Insensé et dangereux.

La crise connait ensuite un processus amplificateur. Car on constate une multiplication de comportements de prévention de la part de tous les acteurs économiques : report des investissements et des embauches, recherche de réduction des coûts, baisse des salaires, érosion des systèmes de protection sociale, réduction du nombre de fonctionnaires, démantèlement des services publics … qui débouchent immanquablement sur un ralentissement de l’économie et une hausse du chômage. Cette évolution amplifie ensuite la crise puisqu’elle réduit encore les capacités financières des Etats par baisse des recettes fiscales. Au lieu de réduire les déficits, on les accroît comme le montre la situation grecque.

Enfin, la crise débouche sur un processus de déstructuration très difficilement réversible. Les mécanismes qui précèdent se traduisent par une dégradation des solidarités et un creusement dramatique des inégalités. Les écarts de rémunération actuels sont inacceptables, tandis que certains profitent de leur position clé, notamment en lien avec le secteur financier, et que par ailleurs une part croissante de la population est en situation de décrochage. Cela concerne en France environ 20% de la population : un décrochage continu par chômage sans perspective de retour à l’emploi ou discontinu par contrat précaire mal rémunéré. Cette situation débouche évidemment sur une dégradation de la cohésion sociale dont on ne connait pas l’issue en termes de montée des tensions (mouvements sociaux comme celui des indignés et surtout poussée de l’extrême droite).

Maintenant, quelles solutions sont possibles face à une telle crise, inédite dans l’histoire, dans sa gravité et bien-sûr son caractère mondial ?

D’abord, il faut neutraliser le processus déclenchant au sein de l’Union européenne par une uniformisation des taux de fiscalité et une solidarité financière collective entre les Etats pour décourager la spéculation. Plus largement au niveau international, il faut convoquer un nouveau Bretton-Woods qui renforcera les mécanismes de régulation, instaurera une taxe sur les transactions financières pour réduire leur fluidité excessive, ajustera les parités monétaires et harmonisera les fiscalités. Un Bretton Woods financier enverrait un signal de rupture, il ne s’agit pas tant d’adapter que de mettre la finance hors d’état de nuire, de reconstruire sur la nature des relations entre la finance et l’économie réelle et de prendre en compte la réalité des nouveaux rapports de force internationaux. Les mesures collectives pour sauvegarder l’humanité de ce qui menace la paix doivent être basées sur une coopération financière entre les nations visant à prévenir et supprimer les désajustements sociaux.

Ensuite, sur la base de cette stabilisation, il s’agit de réduire fortement les inégalités et de s’engager dans une transition économique en réduisant les gaspillages, en économisant l’énergie, en valorisant les ressources renouvelables et en garantissant les prix agricoles pour les agricultures des pays en développement face aux agricultures les plus productives. En effet, la crise actuelle remet profondément en cause le mode de consommation. La mondialisation de l’économie et la perspective d’une population mondiale qui atteindra, en 2050, les 10 milliards d’habitants débouchent sur un constat clair : le gaspillage est antisocial. Le modèle de consommation actuel est en cause. Les Etats doivent d’urgence mettre en place des mesures de lutte contre la précarité et remonter la fiscalité sur les plus riches.

Enfin, ces décisions rendent nécessaires une avancée démocratique. Sans elle, les forces de dislocation des sociétés continueront leur travail de sape. Les comportements individualistes, d’exclusion et de désignation de boucs émissaires conduiront au protectionnisme et au nationalisme. La réponse à la crise demande un retour au débat collectif. Celui-ci doit se déployer à trois niveaux : local, national et planétaire.

C’est au niveau local que devront se construire à la fois une nouvelle solidarité sociale et les bases d’une nouvelle économie valorisant et optimisant l’usage des ressources locales. C’est à ce niveau seul que les progrès éducatifs et culturels et de participation pourront être réalisés. Le débat au niveau national devra porter sur les politiques industrielles et énergétiques, sur la fiscalité et les priorités d’investissement.

La grande nouveauté est que doit simultanément s’effectuer une avancée démocratique au plan mondial puisque c’est à l’ONU qu’il revient de construire trois régulations inédites dans l’histoire : une régulation économique et financière, l’élaboration d’une protection sociale internationale et une régulation écologique pour lutter contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité.
On ne sortira pas de la crise sans un niveau plus élevé de formation individuelle, d’intelligence collective et d’implication démocratique. Chaque changement de civilisation ne peut réussir que sur une amplification démocratique pour aller chercher des ressources humaines supérieures. Ce fut le cas avec le passage des monarchies absolues aux régimes parlementaires et républicains lors de la Révolution industrielle.

La grande chance est qu’aujourd’hui avec les nouveaux moyens de communication émerge une capacité inédite dans l’histoire d’ouverture du débat politique et d’intervention des sociétés civiles. C’est donc vers une démocratie de co-construction qu’il faut progresser. Cela part d’un constat simplissime : l’efficacité des politiques publiques, la performance des entreprises et la qualité des comportements individuels sont amplifiées par le degré d’implication collective. Davantage de formation, davantage de personnes parties prenantes de la construction des décisions et davantage de temps de préparation de celles-ci pour en améliorer la qualité, obtenir une adhésion sociale possible et surtout une contribution de tous dans la mise en oeuvre.

Alors non seulement, on posera les fondements d’une solution à la crise économique et financière ainsi qu’à la crise écologique, mais on réalisera un progrès de civilisation avec une société plus juste et plus démocratique.»

Pierre Radanne

Sommaire

Edito : Une démocratie de co-construction comme réponse à la crise économique et financière

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– Vers Rio + 20 : le défi démocratique des instances onusiennes, M. Garcia

– Agenda : octobre 2011-juin 2012.

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Le Facteur 4D de l’automne est disponible !

Observatoire national des agendas 21 locaux et pratiques territoriales de développement durable

« PARTICIPATION ET AGENDA 21 : combinaison réussie pour des territoires durables ? » les 8 et 9 novembre à Bordeaux

Collectif France RIO+20

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