À travers la description d’un jeu sérieux (‘Serious Game’ (SG)) sur les enjeux de la gestion de l’eau dans le bassin de la rivière Campoalegre en Colombie, l’article rédigé par Camilo Gonzalez et al. en 2024 pour la revue Water, “Supporting Multi-Stakeholder Participation Processes : A Serious Game Application for Watershed Management in Colombia”, démontre que cet outil permet de faciliter la participation de différents acteurs à la gouvernance environnementale. C’est l’œil de la Fabrique Écologique.
La Fabrique Écologique retient trois points essentiels :
#1 Les SG sont décrits comme des activités ludiques permettant un apprentissage immersif et favorisant l’engagement des participants, faisant souvent appel à des compétences de médiation et de négociation. Le SG permet cet apprentissage chez les participants et les organisateurs, ces derniers récoltant des informations via le témoignage des premiers. Dans le jeu sur lequel est fondé cet article, l’objectif est de trouver collectivement la meilleure politique de gestion de l’eau possible en étudiant les effets que chacune de ces politiques pourraient avoir sur l’ensemble des acteurs du bassin de la rivière de Campoalegre en Colombie. Les participants en apprennent donc davantage sur les enjeux environnementaux, économiques et sociaux liés à la région et sur les politiques et les acteurs publics engagés dans la gestion de ce bassin.
#2 Les divergences entre les différents acteurs d’un projet découlent souvent d’une vision limitée des impacts de leurs décisions respectives. Le SG permet une meilleure compréhension de l’ensemble des effets de ces décisions et favorise la concertation entre ces acteurs. Au fur et à mesure du jeu, les participants comprennent mieux les relations et interconnexions entre les différents enjeux et les actions de chacun. Le jeu leur permet de visualiser de manière très concrète ce qu’une politique valorisant tel ou tel acteur peut avoir comme effet sur les autres. Les auteurs ont observé qu’à la fin du jeu, les participants sont plus à même de prendre des décisions qui tiennent compte des intérêts de toutes les parties et d’arriver à des compromis, alors qu’ils étaient plus enclins à défendre uniquement leurs propres intérêts au début de la partie.
#3 Enfin, les SG amènent divers acteurs à participer activement à la gouvernance. Cet article le démontre en observant les résultats d’un SG portant sur la gestion des ressources en eau d’une région colombienne. Tout d’abord, les participants se sentent plus impliqués dans la prise de décision car ils peuvent comprendre l’ensemble de ses rouages. Leur participation à l’élaboration des politiques publiques est également très concrète car leurs témoignages peuvent être utilisés pour mettre en place des politiques socio-écologiques plus efficaces et équitables. Ainsi, le SG facilite la prise en compte de tous les acteurs interagissant avec le bassin pour mettre en place une planification juste et durable.
Les Serious Games en France
En France, les SG sont de plus en plus utilisés, principalement dans le monde de l’entreprise pour créer des formations professionnelles qui favorisent la cohésion des équipes travaillant ensemble. Le secteur de l’écologie s’empare progressivement de cet outil. La Fresque du climat en est l’exemple le plus connu, l’association éponyme ayant créé ces ateliers pédagogiques pour rendre ludique et accessible la sensibilisation aux enjeux climatiques. Cependant, les pouvoirs publics n’utilisent pas encore ou peu de SG et la Fresque du climat ne constitue pas un outil de gouvernance participative, tel que décrit dans cet article.
Loin d’être naïfs, les ‘serious games’ constituent de véritables outils de gouvernance participative. Méga-bassines, mines de lithium, construction d’autoroutes : autant de projets qui gagneraient à les intégrer dans leur gestion !
L’avis de Pauline Bureau, Vice-présidente de LFE
Camilo Andrés Gonzalez est chercheur associé chez SEI Latin America. Il appuie la réalisation de différents outils appliqués dans les processus de planification et de prise de décisions liés à la gestion de l’eau.
En avril 2021, il obtient le double diplôme de MSc en sciences et ingénierie de l’eau avec une spécialisation en hydroinformatique de l’Institut d’éducation à l’eau de l’UNESCO aux Pays-Bas, et en génie civil avec une spécialisation en ressources hydrauliques et en environnement de l’École colombienne d’ingénierie Julio Garavito.
Il a participé à des projets liés à l’analyse et à la modélisation hydrologiques et hydrauliques dans les cours d’eau, au transport des sédiments, aux risques d’inondation et aux études de risque, ainsi qu’aux travaux de drainage des routes.