par Denis Doiseau
À l’approche des élections, la question de l’environnement pointe timidement le bout de son nez. Parmi les candidats, le débat ressurgit entre les partisans du développement durable et ceux de la décroissance. Quelle voie choisir entre ces deux paradigmes ?
Le problème n’est pas la croissance du PIB en soi, mais le fait d’avoir voulu en faire un modèle absolu et universel. Le modèle de la croissance est adapté aux sociétés en reconstruction, comme cela fut le cas en Europe après la Seconde Guerre mondiale ou dans les pays en voie de développement aujourd’hui. Dans ces cas, la croissance économique est nécessaire pour apporter des conditions de vie décentes à l’ensemble de la population.
Une fois le stade atteint où une nation dispose d’assez de ressources pour subvenir aux besoins de tout le monde, la croissance a-t-elle encore un sens ? On peut la mettre à profit pour obtenir toujours plus de confort et de bien-être, tant que cela ne va pas à l’encontre de la possibilité d’autres humains de jouir de ce confort et ce bien-être. La croissance se confronte toutefois aux limites de notre planète, à l’énergie qu’elle est en mesure de nous fournir et aux nuisances environnementales qu’elle est apte à absorber.
En Europe et dans l’ensemble des pays industrialisés, nous avons dépassé depuis longtemps le point d’équilibre. Le contexte économique et écologique qu’est le nôtre n’est plus celui de l’après-guerre. Nous devons donc sortir de ce modèle et répartir de manière plus équitable les ressources dont nous disposons, plutôt que d’inventer de nouveaux besoins. La croissance est un argument bien commode pour ceux qui ont trop et qui n’ont pas envie de remettre en cause leur mode de vie.
La décroissance matérielle n’est pas un idéal universel et absolu, pas plus que ne l’est la croissance ou la croissance à taux zéro. C’est une nécessité dans le contexte qui est le nôtre, tout comme la croissance est une nécessité dans le contexte qu’est celui de Haïti. La décroissance matérielle n’est pas dogme, mais une obligation devant les générations futures. C’est une question morale, comme pourrait le dire Al Gore.
Le débat subsiste entre les partisans de la décroissance et ceux du développement durable. Pour les premiers, une croissance économique implique obligatoirement une croissance de la consommation d’énergie et de ressources. Les défenseurs du développement durable, quant à eux, croient pouvoir concilier la croissance économique et la réduction de notre impact sur l’environnement. Au-delà du fait que ce débat est totalement ésotérique pour le grand public, il est de mon point de vue secondaire.
Commençons par réduire notre consommation matérielle, commençons par engager la décroissance de notre consommation énergétique et commençons par limiter nos nuisances sur l’environnement. Si cela implique une décroissance, économique ou non, je m’en fiche pas mal. Nos économies s’adapteront à ce contexte qui n’est de toute façon plus un choix, mais une réalité physique, scientifique et tangible. Cette réalité est la dégradation irréversible du milieu naturel qui est pourtant absolument nécessaire aux humains actuels et à venir pour vivre.