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Entretien avec

Cyril Dion : « Montrer des solutions, c’est plus efficace que d’alerter »

10 ans après Demain, c'est la lutte enchantée pour garder l'espoir

Dix ans après Demain, Cyril Dion poursuit son œuvre de poète et de militant en quête d’un monde reconnecté au vivant. Alors que le film ressort en salles le 8 décembre pour une projection simultanée dans toute la France, il publie La lutte enchantée (Actes Sud) et prépare un nouveau long-métrage, Démocratie maintenant. Entretien avec un conteur engagé, qui continue de croire que les récits peuvent changer le monde.

Cyril Dion en 2016 au Festival de Mouans-sartoux © Maxppp – Sylvestre

10 ans après le film Demain

Dans le film Demain réalisé avec Mélanie Laurent, vous aviez posé une question simple : « Et si montrer des solutions était la meilleure façon de résoudre les crises ? ». Le film sera projeté le 8 décembre 2025 dans plusieurs cinémas partout en France. Pourquoi maintenant ?

Cyril Dion : Pour moi, cela veut dire que le film continue de vivre. Demain a eu un succès très important avec plus d’un million de spectateurs qui ont été le voir au cinéma. Mais surtout, c’est aussi un succès en terme d’inspiration. Il a été source de milliers d’initiatives nées dans son sillage. Chaque semaine, des gens viennent encore me dire : « Ce film a changé ma vie. » Certains ont changé de métier, d’autres ont choisi leurs études à cause de ce qu’ils y ont vu dans ce documentaire. 

Et puis, il y a des exemples très concrets. Quand nous avons tourné Demain, nous filmions à Copenhague qui nous paraissait être le paradis du vélo. Dix ans plus tard, Paris est devenue la ville la plus cyclable d’Europe, devant Copenhague et Amsterdam ! Anne Hidalgo m’a d’ailleurs confié en 2018, lors d’un entretien pour le documentaire Après Demain, que sa politique vélo avait été inspirée par ce qu’elle avait vu de Copenhague dans Demain.

Cela confirme une intuition de départ : raconter des histoires, montrer des solutions et un avenir possible c’est plus efficace que simplement alerter. Une chercheuse britannique l’a d’ailleurs démontré à travers une expérience. Si vous montrez des tortues avec des pailles coincées dans le nez, les gens ne feront rien. Mais si vous montrez des personnes en train de retirer les mêmes pailles, vous allez déclencher l’action. Dans le moment que l’on vit, un monde où le désespoir grandit de manière exponentielle, on a plus que jamais besoin de réveiller cet élan-là. D’où l’idée qu’il fallait ressortir le film pour le montrer à une nouvelle génération qui se demande quoi faire.

En 2015, vous montriez déjà dans Demain que des solutions existaient dans l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie ou l’éducation. Dix ans plus tard, ces domaines ont-ils évolué dans le bon sens ?

Cyril Dion : Tout dépend à quelle échelle on regarde. À l’échelle locale, il s’est passé beaucoup de choses positives. Dans la plupart des grandes villes européennes, on a revégétalisé, réintroduit les tramways, multiplié les pistes cyclables, réduit la place de la voiture. Si vous regardez juste en France et que vous vous intéressez aux grandes villes, c’est devenu systématique. C’est le cas à Dijon, Besançon, Angers, Lille, Toulouse, Marseille… 

Même chose pour l’agriculture. Depuis Demain, pour en discuter régulièrement avec les étudiants en agro, il y a eu un boom du nombre de micro-fermes et d’initiatives agro-écologiques. Beaucoup de jeunes choisissent de s’installer, de se former à des pratiques respectueuses des sols. 

On voit aussi que la question des énergies évolue : le Portugal produit aujourd’hui près de 70 % de son électricité à partir de sources renouvelables, l’Uruguay presque 99 %.

Si on dé-zoome, la situation mondiale est aujourd’hui bien plus préoccupante qu’il y a dix ans. En Europe, les émissions de gaz à effet de serre ont plutôt eu tendance à diminuer, y compris en France, autour de -2 % par an. Mais ce n’est pas suffisant : il faudrait être plutôt à -5 % pour respecter les objectifs climatiques. Dans d’autres pays, comme les États-Unis, la Chine ou l’Inde, les émissions ont continué à augmenter, malgré des politiques ambitieuses en matière d’énergies renouvelables notamment en Chine. Le problème, c’est qu’on n’a pas remis en question l’axiome fondamental de notre modèle : la croissance. On continue à consommer toujours plus de matières, toujours plus d’énergie, et donc à émettre toujours plus de carbone.

Les scientifiques Anthony Barnosky et Élise Bulding, que nous avions rencontrés pour le film, estimaient alors qu’il nous restait vingt ans pour éviter de dépasser les points de bascule climatique. Aujourd’hui, on sait qu’un premier point de bascule, parmi les seize identifiés, a déjà été dépassé. Celui des coraux. Nous avons franchi sept des neuf limites planétaires, et nous sommes en train de dépasser la barre fatidique des +1,5 °C. Il n’y a donc, malheureusement, pas vraiment de raison de se réjouir sur ce plan-là.

Animal : le connaitre pour l’aimer et le protéger

Dans vos films et vos livres, vous revenez souvent sur notre lien au vivant. Dans le film Animal, vous disiez : « L’être humain a cru qu’il pouvait se séparer de la nature, mais il est de la nature. » Est-ce, selon vous, la racine de nos crises ?

Cyril Dion : Oui, sans doute. Le fait de vivre dans des environnements de plus en plus artificialisés, coupés du monde vivant, altère notre capacité d’empathie. Comme le disait Jane Goodall : « On n’aime que ce qu’on connaît, et on protège que ce qu’on aime. » Si nous ne connaissons plus le monde vivant, on ne peut pas développer de liens d’affection, d’amour pour lui donc on n’a pas d’élan pour le protéger.

Notre société a tendance à nous enfermer dans des bulles d’individualisme et de technologie. Nous perdons ce lien d’appartenance au monde. Et c’est sans doute l’un des grands malentendus de notre époque : croire que nous sommes « au-dessus » de la nature alors que nous en faisons partie intégrante.

La lutte enchantée pour garder l’espoir

Votre nouveau livre, La lutte enchantée (Actes Sud), reprend vos chroniques pour La Terre au carré sur France Inter. Dans quel état d’esprit les avez-vous écrites ?

Cyril Dion : Quand Mathieu Vidard m’a proposé cette chronique, j’ai vraiment hésité. Je me demandais si cela servait encore à quelque chose. C’est d’ailleurs le sujet du premier texte du livre, qui était aussi ma première chronique : cela fait vingt ans que je répète la même chose, et ce que je disais il y a vingt ans est en train de se produire aujourd’hui. Alors, faut-il baisser les bras ?

Très vite, l’énergie est revenue, parce que j’ai la chance d’être sans cesse en contact avec des personnes qui viennent me dire à quel point cela les aide, les soutient, et me demandent de continuer. Cela m’arrive tous les jours : dans la rue, quand je fais mes courses, sur mon vélo au feu rouge… Il y a une forme de responsabilité : si je lâche, je fais défaut à toutes ces personnes qui trouvent un peu d’élan, d’énergie, de ressourcement dans ce que je fais.

La lutte enchantée, Comment garder espoir (et lutter!) dans un monde qui bascule aux éditions Actes Sud est disponible en librairie.

« Il y a ce que Corinne Morel Darleux appelle la dignité du présent : une motivation suffisante pour continuer à agir »

Et puis je me disais : qui serais-je si je décidais de baisser les bras ? Ce serait une forme de reddition. Je fais souvent ce parallèle avec les gens qui vivaient en 1942, dans la France occupée. À l’époque, beaucoup avaient le sentiment que tout allait de plus en plus mal, et ne voyaient pas ce qu’ils pouvaient changer, à leur échelle. Pourtant, certains ont choisi d’agir, parfois simplement en portant une lettre ou en sabotant une voie de chemin de fer. Ce sont ces actes, mis bout à bout, qui ont fini par peser sur le cours de l’histoire.

Et même si cela n’avait pas suffi, il y a ce que Corinne Morel Darleux appelle la dignité du présent : une motivation suffisante pour continuer à agir. Je ne me vois pas rester là, sans rien faire, en sachant que tout s’effondre, en me disant que ce n’est pas mon problème. J’ai des enfants, j’ai une conscience… Cela m’a redonné de l’énergie. Et puis j’aime profondément ce que je fais. C’est aussi une chance.

La lutte enchantée : le titre du livre est presque un manifeste. Mais comment garder espoir dans un monde qui bascule ?

Cyril Dion : Il ne faut pas de la lutte pour de la lutte. Ce que j’ai appris en vingt ans d’activisme, sous différentes formes, c’est qu’on est vraiment efficace quand on fait des choses qu’on aime profondément, quand on se lève chaque matin pour contribuer à construire un monde dans lequel on a envie de vivre. D’une certaine manière, on reçoit chaque jour la gratification d’avoir agi pour quelque chose en quoi on croit. Et parfois, j’ai la chance d’avoir aussi la reconnaissance de celles et ceux qui y trouvent du sens.

« Plutôt que de pratiquer le militantisme dans les petits interstices de vos vies, essayez de choisir un métier qui exprime ce que vous avez envie de faire, qui participe à bâtir un monde différent »

C’est pourquoi je dis souvent aux personnes que je rencontre, en conférence ou en projection : plutôt que de pratiquer le militantisme dans les petits interstices de vos vies, essayez de choisir un métier qui exprime ce que vous avez envie de faire, qui participe à bâtir un monde différent. C’est cela qui vous donnera l’énergie de vous lever chaque matin, contrairement à tant de gens qui vont au travail à contrecœur et en sont profondément malheureux.

Habitant Paris, comment nourrissez-vous encore ce lien au vivant ?

Cyril Dion : Ce qui me nourrit, ce sont aussi les gens, parce que la nature, c’est aussi cela. Pierre Rabhi aimait beaucoup cette histoire : une dame était venue l’interviewer sur l’eau et lui avait dit « mais vous êtes de l’eau ! ». Et c’est vrai, nous faisons partie de la nature, nous sommes la nature qui se défend. Les rencontres m’apportent beaucoup, tout comme l’art et la création. Et puis, bien sûr, je m’évade : je prends le train pour aller marcher à Fontainebleau ou dans la forêt. Dès que possible, on part au bord de la mer, toujours en train, pour retrouver ces espaces de ressourcement.

Un nouveau film en projet sur la démocratie

Vous travaillez actuellement sur un nouveau film. Pouvez-vous nous en parler ?

Cyril Dion : Oui, c’est un documentaire pour le cinéma, réalisé avec Paloma Moritz, intitulé Démocratie maintenant. Nous lançons un financement participatif pour ce projet le 12 novembre sur Ulule.

« L’idée de ce film, c’est de montrer que la question démocratique et la question écologique ne font qu’un : plus la démocratie recule, voire meurt, plus la dévastation de la planète s’accélère »

L’idée de ce film, c’est de montrer que la question démocratique et la question écologique ne font qu’un : plus la démocratie recule, voire meurt, plus la dévastation de la planète s’accélère. On le voit aux États-Unis avec Donald Trump, qui dès son discours d’intronisation a annoncé qu’il fallait supprimer tout ce qui empêchait les entreprises de continuer à exploiter le vivant. À l’inverse, plus la démocratie est solide, comme dans certains pays scandinaves, plus les enjeux écologiques sont pris en compte et mieux gérés.

Nous avons tous les deux vécu la convention citoyenne pour le climat, qui nous a énormément marqués, car elle montrait le potentiel d’actions collectives pour sortir de cette catastrophe. Quand on permet à des citoyens représentatifs de toutes les réalités du pays de se saisir d’un problème, de travailler avec des experts et d’avoir le temps de délibérer, ils peuvent formuler des propositions bien plus ambitieuses que celles des gouvernements, tout en étant acceptables et justes pour l’ensemble de la population.

Dans le film, nous allons suivre des initiatives à travers le monde, à différentes échelles – européenne, nationale, locale – montrant des gens qui essaient soit de sauver ce qui reste de la démocratie là où le fascisme monte, soit d’inventer la démocratie du XXIe siècle. Selon nous, c’est l’un des meilleurs moyens de répondre à la dévastation écologique. Le film sortira juste avant les élections présidentielles pour que la question démocratique soit pleinement présente dans le débat.

La campagne de financement participatif pour le film Démocratie maintenant ! réalisé par Cyril Dion et Paloma Moritz débute le 12 novembre sur Ulule.

Demain de retour au cinéma le 8 décembre 2025

Il y a 10 ans, le film Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent sortait au cinéma. A l’époque, le film totalise 1 200 000 spectateurs en France, reste 48 semaines au box-office et génère de nombreux réveils écologiques. Il sera même diffusé à l’ONU et remportera le César du meilleur documentaire.

Le film Demain est projeté dans plus de 50 salles en France le 8 décembre 2025 en présence de Cyril Dion depuis le cinéma L’Arlequin dans le cadre de la journée mondiale du Climat.

Le documentaire ressort le 8 décembre 2025. À Paris, une grande projection sera diffusée au cinéma L’Arlequin en présence de Cyril Dion et de plusieurs personnages du film et en simultanée dans cinquante cinémas en France. « Je serai avec plusieurs personnages du film en live pour discuter avec toutes celles et ceux qui le souhaitent dans des cinémas à travers la France » précise Cyril Dion. « Et nous espérons que cela créera un mouvement pour que des projections s’organisent partout, et que cela réveille un nouvel élan ».

Cyril Dion – Crédit photo : Franck Loriou

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