L’impact futur de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre sur la santé des mers et des océans pourrait être beaucoup plus élevé et complexe qu’on ne l’avait supposé auparavant. Ce sont là les conclusions d’un nouveau rapport publié lors de la réunion de l’ONU sur le climat, au Mexique.
L’étude, intitulée « Les conséquences environnementales de l’acidification des océans », réuni quelques-unes des dernières recherches scientifiques sur le phénomène d’acidification des océans, un processus déclenché par l’augmentation des concentrations de C02 dissous dans l’océan qui modifie la chimie de la mer par un abaissement du pH du milieu marin. Lancé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le rapport confirme les inquiétudes concernant certains organismes vivants primordiaux, tels que les coraux et les mollusques. Dans les décennies à venir, il sera par exemple de plus en plus difficile pour ces organismes de former leurs squelettes, ce qui rend leur survie complexe. Le rapport montre également que l’acidification des océans peut interagir avec le réchauffement des océans. Les animaux tels que les crabes ne peuvent s’épanouir que sous une certaine gamme réduite de températures. Dès lors, cela entraine des répercussions sur les futures captures de crabes, moules et autres coquillages. Les espèces qui dépendent des récifs coralliens ou encore celles comme le saumon qui se nourrissent de petits organismes risquent d’être en péril. D’autres recherches mettent en lumière de nouvelles zones de préoccupation. L’une d’entre-elles concerne certaines espèces, dont le poisson clown rendu célèbre par le dessin animé de Disney « Le Monde de Nemo », qui pourraient éprouver plus de difficulté à éviter leurs prédateurs et à retrouver leur chemin dans l’Océan. Si d’autres poissons réagissent de la même manière, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour la chaîne alimentaire marine. Or, des milliards de personnes dépendent directement ou indirectement de cette chaîne alimentaire marine pour s’alimenter et pour avoir des ressources financières. Achim Steiner, Secrétaire général adjoint de l’ONU et Directeur exécutif du PNUE, a déclaré: « L’acidification des océans est un autre lumière rouge qui clignote pour nous mettre en garde sur la croissance effrénée des émissions de gaz à effet de serre de notre planète. Ce phénomène est une nouvelle pièce à ajouter dans le puzzle scientifique de la compréhension du réchauffement climatique, une pièce qui entraine des inquiétudes croissantes. » « A ce jour, on ne peut pas encore prédire si l’acidification des océans sera un problème majeur ou mineur pour le milieu marin et sa chaine alimentaire. Cependant, le phénomène intervient dans un contexte particulier, dans lequel les pressions exercées sur les mers et les océans (telles que la surpêche par exemple) ont déjà été soulignées à maintes reprises. Ainsi, le public peut à juste titre se demander comment de nombreux drapeaux rouges les gouvernements ont besoin de voir avant que le message passe à travers d’agir ». Le rapport a été rédigé en collaboration avec le laboratoire marin de Plymouth au Royaume-Uni et des scientifiques d’autres organismes, dont le Centre national d’océanographie de Southampton et la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. Carol Turley, un des chercheur principal du laboratoire responsable de la coordination et de l’échange de connaissances à propos du programme de recherche sur l’acidification des océans pour le Royaume-Unis, et auteur principal du nouveau rapport, précise : « Alors que les scientifiques du monde entier commencent seulement à étudier les impacts potentiels de l’acidification des océans, nous constatons déjà un impact global négatif de l’acidification des océans sur quelques organismes et sur certains écosystèmes clés qui aident à fournir de la nourriture pour des milliards d’êtres humains. Nous devons commencer à réfléchir sur le risque que ce phénomène représente pour la sécurité alimentaire. » Carol Turley a souligné que les chercheurs ont repoussé les frontières de la science en ce qui concerne l’acidification des océans et son impact potentiellement complexes sur l’environnement marin et sur les organismes qui y vivent. Elle a ajouté que certaines recherches indiquent que la carapace des homards adultes, par exemple, pourrait augmenter d’épaisseur en réponse à la chute des niveaux de pH. Les jeunes homards pourraient quant à eux rencontrer de grandes difficultés pour se construire des squelettes en bonne santé. Ce type de réaction pourrait également se manifester chez certaines espèces de poissons. L’odeur ou encore le système olfactif des spécimens adultes serait intact tandis que celui des jeunes poissons serait affaibli. Pendant ce temps, d’autres preuves changements surprenants pourraient intervenir si les émissions de CO2 continuent à augmenter et à s’accumuler dans les mers et les océans. Les ophiures, qui sont des éléments importants de la chaîne alimentaire marine, pourraient par exemple augmenter le volume de leurs carapaces au détriment de la formation de leurs masses musculaires. « Il ne suffit manifestement pas d’étudier ce qui pourrait arriver à une espèce en particulier. Les scientifiques devront étudier tous les éléments du cycle de vie marin afin de voir quelles espèces sont plus ou moins vulnérables. De même que, la capacité ou l’incapacité, de construire des squelettes à base de calcium ne sera peut-être pas le seul impact de l’acidification des océans sur la santé et la viabilité des organismes marins: les ophiures ne sont peut-être qu’un cas parmi d’autres », insiste Carol Turley. Le rapport souligne qu’il pourrait y avoir des « gagnants », ainsi que « perdants ». Les organismes photosynthétiques tels que les herbiers marins sont susceptibles de bénéficier de l’augmentation de l’acidification des océans. Toutefois, des études portant sur l’emprisonnement naturel du C02 dans la mer Méditerranée montrent que même s’il y a des organismes « gagnants », l’écosystème est susceptible d’être déstabilisé par de nombreux autres facteurs. Le rapport invite les gouvernements, les décideurs et les autres acteurs concernés à envisager toute une série de mesures, dont :- Une réduction rapide et substantielle des émissions de CO2 rejetée par l’homme dans l’atmosphère, et ce afin de réduire l’acidification des océans;
- Déterminer la vulnérabilité des communautés humaines qui dépendent des ressources marines au phénomène d’acidification des océans;
- Identifier les espèces qui sont plus souple aux changements et évaluer dans quelle mesure elles peuvent influencer la survie des écosystèmes et la sécurité alimentaire;
- Réduire les pressions sur les autres espèces faisant partie des stocks alimentaires afin de leurs offrir les meilleures chances de succès, via la planification spatiale marine ou la ré-évaluation des ressources disponibles par exemple;
- Évaluer les options envisageables dans la création de bassins d’élevages écologiques d’espèces plus résistantes à la diminution du pH.
- Intégrer les découvertes de la science en matière d’acidification des océans dans les outils de gestion des pêches.
Les principales conclusions du rapport
Environ 25 pour cent des émissions mondiales de C02 sont absorbées dans les mers et les océans où elles se transforment en acide carbonique. Ce phénomène entraine une baisse générale du pH des océans et affecte sa chimie. Les concentrations d’ions de carbonate qui sont en baisse, ont une incidence sur la capacité de nombreux organismes marins à construire des coquilles et des récifs.- Le rapport indique que la chimie des océans s’altère à une vitesse qui n’avait plus été atteinte depuis 65 millions d’années et l’extinction des dinosaures;
- Le pH moyen du milieu maritime a chuté de 30 pour cent et la concentration en ions de carbonate a chuté de 16 pour cent depuis le début de la révolution industrielle;
- Sur la base des taux actuels des émissions de CO2, les projections montrent que d’ici la fin du 21e siècle, le pH océanique global diminuera de 0,3 unités, ce qui représente une augmentation de l’acidité totale de 150 pour cent.
- Le rapport indique que de nombreux organismes marins ont les moyens de compenser les variations de la chimie de l’eau de mer, ils devront toutefois dépenser plus d’énergie pour s’adapter à un océan de plus en plus acide;
- Parallèlement, des études portant sur les moules et quelques espèces d’oursins ont montré que ce type d’organisme n’ont seulement qu’un mécanisme partiel de compensation, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables.
- Le rapport affirme que «la plupart de ces zones sont également celles qui sont les plus vulnérables à l’acidification des océans »;
- Le rapport indique que ces industries sont aujourd’hui menacées par l’acidification des océans, de manière directe par le biais de l’impact sur les organismes eux-mêmes et de manière indirecte via la détérioration des chaînes alimentaires et des habitats dont elles dépendent.
- Selon le rapport, l’acidification des océans est susceptible d’affecter : la formation et la croissance des jeunes coraux ainsi que des coraux adultes, la croissance des algues rouges coralliennes, l’intégrité structurelle du récif et peut-être même la densité de la bio-érosion des herbivores et des prédateurs.
Télécharger le rapport
« Les conséquences de l’acidification des océans sur l’environnement: une menace pour la sécurité alimentaire » est téléchargeable au format PDF en cliquant ici. Ce rapport a été dévoilé dans le cadre de la 16e Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiend à Cancun, au Mexique, jusqu’au 10 décembre 2010.