L’empreinte environnementale du numérique, déjà élevée, continue de croître de façon exponentielle, menaçant autant le climat et la biodiversité que les efforts de transition écologique. Dans un avis publié en janvier 2025, l’ADEME préconise un développement plus responsable de ce secteur. Les solutions préconisées, issues de l’économie circulaire, n’intègrent pas le vivant humain et non humain, donc les impacts du numérique sur la santé, les conditions de travail et la biodiversité. Jérémy Dumont du collectif Nous sommes vivants nous présente le cas d’un service numérique à visée régénérative et les pistes d’innovation nouvelles qu’il a permis d’ouvrir.
La matérialité du virtuel
« Chaque rupture technologique induit la commercialisation de nouveaux appareils, que les entreprises et les ménages achètent »
« Or, leur fabrication nécessite de l’énergie, de l’eau et des matières, comme des métaux, dont l’extraction minière est émettrice de gaz à effet de serre, source de pollution et de perte de biodiversité. »
Raphael Guastavi, directeur adjoint Économie circulaire de l’ADEME
Etude ADEME-Arcep : évaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050
Une étude menée par l’ADEME et l’Arcep a évalué l’impact environnemental du numérique en France pour la première fois via 12 indicateurs environnementaux : épuisement des ressources abiotiques (fossiles, minérales et métaux), acidification, écotoxicité, empreinte carbone, dont GES, radiations ionisantes, émissions de particules fines, création d’ozone, matières premières, production de déchets, consommation d’énergie primaire, consommation d’énergie finale.
L’étude se base sur trois « briques matérielles » que sont les terminaux, les réseaux et les centres de données. Elle confirme que les terminaux sont à l’origine de l’essentiel des impacts environnementaux du numérique (de 65 à 90 %), pour tous les indicateurs environnementaux, suivis des centres de données (de 4 à 20 %) puis des réseaux (de 4 à 13 %).
Le déploiement de la technologie 5G entraînera, une augmentation de 18 à 45% de l’empreinte carbone du secteur numérique en France d’ici à 2030.
L’emballement des usages
En deux ans à peine, l’empreinte carbone du numérique en France a doublé, passant de 17 à 29,5 MtCO2e par an.
Cela s’explique par la prise en compte d’enjeux qui n’avaient pas encore été identifiés lors de la précédente étude, comme l’hébergement de nos données dans des data centers à l’étranger. Cela s’explique aussi par la multiplication et l’intensification de nos usages.
Notre quotidien est fait de visioconférences, de réseaux sociaux, de streaming, de documents partagés sur des clouds… Et de nouveaux services digitaux ne cessent de s’y ajouter.
« Si le numérique ne représente “que” 4 % des émissions de carbone dans le monde aujourd’hui, on assiste à un emballement très inquiétant. Il faut en prendre conscience. »
Raphaël Guastavi
Et il y a des effets rebonds. Avec le télétravail, par exemple, des salariés choisissent de déménager loin de leur entreprise. Résultat : ils font moins de déplacements quotidiens, mais chaque trajet est plus long, ce qui revient sur l’année à davantage de kilomètres au total. Délocaliser son bureau à domicile requiert par ailleurs l’achat de matériel informatique supplémentaire.
Enfin, les derniers chiffres ci-dessus publiés par l’ADEME portent sur le numérique en 2022, soit avant l’avènement de l’intelligence artificielle (IA) générative.
« Le message est d’autant plus difficile à faire passer que beaucoup de gens sont encore dans l’idée que le virtuel est dématérialisé, donc écologique. C’est un gros changement culturel à opérer. »
Mathieu Wellhof, Chef du service Sobriété numérique de l’ADEME
Le poids de l’intelligence artificielle
Le numérique représente déjà 4,4 % de l’empreinte carbone de la France. Cela pourrait être trois fois plus en 2050 si des mesures pour limiter son impact ne sont pas prises.
L’empreinte environnementale de l’IA – aujourd’hui et demain
L’essor rapide des outils d’intelligence artificielle conduit à une hausse significative de la consommation d’électricité des data centers, mettant les grandes entreprises technologiques au défi d’atteindre leurs objectifs climatiques. Quels seront les impacts liés au développement des data centers sur la consommation d’électricité et le climat ? Quels leviers pour limiter au maximum ces impacts et promouvoir une « IA verte » ? Deloitte explore ces enjeux et identifie les actions à mener pour promouvoir les initiatives de « Green AI »
Les data centers consommeront 3 % de l’électricité mondiale d’ici 2030, selon une étude Deloitte
Les IA génératives comme ChatGPT ou Midjourney suscitent un tel enthousiasme qu’elles s’invitent dans tous nos outils : moteurs de recherche, smartphones … Les data centers se multiplient partout dans le monde pour les faire fonctionner.
Résultat : l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une hausse de plus de 75 % de leur consommation électrique d’ici à 2026.
« En deux ans ! Pas en dix ni vingt ans. Les géants du secteur reconnaissent eux-mêmes qu’ils auront du mal à remplir leurs engagements climatiques. »
Mathieu Wellhoff, chef du service Sobriété numérique à l’ADEME
- Microsoft, dont les émissions de CO2 ont augmenté de 13 % depuis 2020, vient de relancer la centrale nucléaire de Three Mile Island, vieille de plus de 50 ans, pour sécuriser ses approvisionnements en électricité.
- Google mise sur le développement des miniréacteurs nucléaires (Small Modular Reactors), alors que cette technologie est encore loin d’être éprouvée.
- D’autres comptent sur la construction de centrales nucléaires plus classiques, sachant qu’aucune ne peut sortir de terre en deux ans.
En attendant, les États relancent leurs centrales à charbon. Au rythme actuel, certains spécialistes se demandent s’il y aura assez d’énergie pour tout le monde en 2030. Même chose pour l’eau, utilisée pour refroidir les data centers : en cas de restriction, doit-on privilégier les besoins du numérique ou ceux de l’agriculture ?
Je calcule mon impact numérique
En route vers la sobriété numérique
Sensibiliser les membres de votre organisation à la sobriété numérique
Pour faciliter le changement dans votre organisation, assurez-vous que chaque salarié comprenne bien l’intérêt de la sobriété numérique. Sensibilisez vos collaborateurs aux principaux impacts environnementaux du numérique sur l’ensemble du cycle de vie des usages numériques (fabrication des équipements, usage, fin de vie) et faites la promotion des bonnes pratiques.
Comment télétravailler léger ?
Recherches internet, visioconférences, appels téléphoniques… Tout cela nécessite du matériel informatique individuel mais aussi des réseaux et des serveurs qui consomment tous de l’énergie. Et quand le nombre de télétravailleurs est très élevé, comme actuellement en période de confinement, il existe des risques de saturation des réseaux.
Alors pour télétravailler plus léger, retrouvez les conseils de l’Ademe dans cette infographie.
Écoresponsable au bureau
Équipements informatiques, chauffage, climatisation, déplacements, restauration. Tous ces aspects de la vie de bureau laissent une empreinte environnementale : consommation d’énergie et de matières premières, déchets, émissions de polluants et de gaz à effet de serre…
Parce qu’on lui consacre une grande partie de notre temps, le travail offre justement un cadre idéal pour changer la donne, que ce soit à titre individuel, au bureau comme en télétravail, ou avec ses collègues pour partager des bonnes pratiques, proposer des pistes d’actions, lancer des initiatives originales… L’entreprise elle-même a bien sûr un rôle à jouer, dans son fonctionnement comme dans les services qu’elle offre à ses salariés.
Pour conjuguer efficacité, confort et préservation de l’environnement, ce guide vous donne des clés : idées, gestes simples, actions collectives et rappel des leviers réglementaires
Qu’est-ce que le numérique à visée régénérative ?
Les solutions pour un numérique responsable sont presque toutes issues de l’économie circulaire et n’intègrent pas le vivant humain et non humain, donc les impacts du numérique sur la santé, les conditions de travail et la biodiversité.
Le numérique peut il viser le régénératif ? C’est possible !
Selon Jérémy Dumont, Fondateur du collectif Nous sommes vivants de professionnels engagés dans la transition écologique, « il faudrait intégrer les indicateurs du vivant dans l’écoconception comme ça se pratique déjà pour compléter une analyse de cycle de vie et le faire en posant la chaîne de valeur complète du service afin d’établir de meilleurs cahiers des charges en amont et déployer des programmes de sensibilisation en aval auprès des usagers finaux sur ces enjeux« .
« Il faut aussi viser la régénération du vivant parce que réduire les impacts ne sera pas suffisant ».
Jérémy Dumont, Fondateur du collectif Nous sommes vivants
La conviction de Jérémy Dumont c’est que les entreprises à vocation économique peuvent basculer facilement vers un modèle à visée régénérative au niveau de leurs produits et services.
Les transformations digitales sont riches en enseignements pour la transition écologique. 80% des impacts environnementaux sont déterminés dès la phase de conception. Il y a du travail, d’autant plus avec la CSRD qui incorpore des indicateurs régénératifs mesurés en double matérialité.
Transformer son business modèle passe par l’abandon des projets délétères et le lancement de produits, services et projets régénératifs. Le collectif Nous sommes vivants à conçu le business model canvas de l’entreprise régénérative pour permettre aux entreprises de réduire leurs impacts et/ou contribuer à la régénération. La régénération apparaît comme essentielle à la résilience des activités économiques dans leurs territoires et à la capacité de régénération du vivant dont elles sont dépendantes. Toutes les entreprises n’ont pas le même lien au vivant, une approche sectorielle est nécessaire.
Nous avons conçu une version découverte du Regen BMC dans le secteur du numérique en nous inspirant de la Livebox de Orange et formé 8 designers.
Jérémy Dumont présentera le case study Orange x RegenBMC sur un service numérique à visée régénérative et les pistes d'innovation nouvelles qu'il a permis d'ouvrir à la UX-Conf Lyon le 30/01/2025. De User Centric à Green Centric : une nouvelle opportunité de croissance pour les entreprises
- Fabrice Liut, co-fondateur et associé de TheTandem
- Clémence P., Co-fondatrice de l’Antenne Lyonnaise des Designers Éthiques et Product Designer chez AUXO
- Jérémy Dumont, Planneur Stratégique et fondateur du Collectif « Nous sommes vivants »
- Animation : Élodie Bert, Consultante UX-Designer senior chez UX-Republic