En quête de sens, de nature, liens ou nouveaux modes de vie, de plus en plus de Français sont à la recherche d’un environnement qui répond à leurs aspirations tant personnelles que sociétales. Les territoires se recomposent et innovent pour offrir une qualité de vie attractive et épanouissante via des atouts matériels et immatériels. C’est précisément ce que met en lumière la toute nouvelle étude de la Fabrique Spinoza : « Territoires heureux : approches et pratiques pour des territoires et modes de vie heureux » Elle propose de découvrir des évidences plus que jamais utiles à rappeler : on préserve et protège un territoire que l’on aime ! Cette étude expose un grand nombre d’initiatives, sérieuses ou légères, simples ou complexes, écologiques, sociales ou multidimensionnelles, possibles grâce à l’engagement et la coopération entre les habitants, les associations, les entreprises et les acteurs publics.
Au travers des thèmes majeurs que sont l’environnement (urbain, péri-urbain ou rural), l’éducation, la nature, la démocratie territoriale, le travail, la transition alimentaire, l’économie circulaire, la mobilité et la santé, cette étude illustre combien ces dynamiques en cours fertilisent les territoires pour créer des espaces inspirants et épanouissants, où les habitants se sentent heureux.TERRITOIRES HEUREUX
Le 7 décembre 2023, l’Observatoire Spinoza (branche recherche de la Fabrique Spinoza) publie « Territoires heureux : approches et pratiques pour des territoires et modes de vie heureux » Un mouvement est en cours : suite à la crise sanitaire, 8% des Français ont déménagé pour concilier leurs aspirations personnelles et professionnelles, et trouver un espace qui leur corresponde. Ce flux est faible mais bouleverse les territoires. En effet, la crise sanitaire a affecté en profondeur les besoins des Français. Elle a renforcé des tendances en cours comme la quête de sens, de nature, de liens, ou de modes de vie réinventés. Cette étude pluridisciplinaire croisant sciences, pratiques, arts et témoignages citoyens, examine et démontre comment les territoires peuvent y répondre de multiples manières, via des atouts autant immatériels que matériels, au point de façonner une Expérience de Territoire. La Fabrique Spinoza a mené cette étude avec pour partenaires officiels Grenoble Alpes Métropole, le Conseil départemental de la Réunion, EDF, Landes Attractivité, la Communauté Urbaine de Dunkerque, le Conseil Départemental du Var , la Banque des Territoires, ALTAREA, et pour partenaires pionniers Local CA Vous et Voca.Une étude de l’Observatoire Spinoza
« Territoires heureux :
approches et pratiques pour des territoires et modes de vie heureux »
UN NOUVEAU RÉCIT DES TERRITOIRES
Les territoires peuvent tout d’abord combler une partie du vide existentiel, en nourrissant un besoin d’appartenance, et d’identité. Selon les chercheurs, le sentiment d’appartenance territoriale délivre 13 bénéfices, dont le fait de se sentir lié à ses ancêtres ou à leurs cultures. Ce sentiment peut se nourrir de nature (à travers un chêne remarquable à Venon), d’un projet commun (la non-disparition de la commune à Châtel-en-Trièves), ou de réappropriation (les marches exploratoires des Mureaux). Cette rencontre du territoire et de la quête de sens peut aller jusqu’à un “ikigai territorial” dérivé de l’outil japonais et qui permet à un citoyen de trouver sa raison d’être sur le territoire. Le territoire peut aussi réaliser lui-même le même exercice pour trouver son essence, ou développer un ADN fort qu’il ose nommer : territoires de paix économique, solidaire d’avenir, d’innovation démocratique, féministe, libéré, terre de jeux, 100% inclusif, ou à mission, etc. – autant de guides au territoire pour se transformer. Les Français ont redécouvert un besoin de nature. Justement, sur les territoires, les bienfaits de la nature sont légions, comme le démontre la biophilie. La recherche par les Français de ces bienfaits ne se traduit néanmoins pas par un exode rural puisque l’enquête POPSU révèle une migration des grandes villes vers leurs périphéries, les villes moyennes et petites, et la ruralité. Il s’agit donc autant de rêver la campagne que de changer de vi(ll)e. L’opposition ville-campagne est à dépasser : ce qui épanouit est le territoire d’équilibre ou régénératif, qui concilie aménagement et ménagement. La nature trouve alors sa place différemment selon les territoires : elle est “à l’état pur” et évoque la liberté dans les Landes, ou bien les montagnes autour de Grenoble visibles de toute la ville créent un attachement. En ville, la nature s’exprime aussi bien grâce à une “approche paysagère urbaine durable”, une mixité verticalité / horizontalité, des approches biophiliques (ex. : construction-bois), ou un design empreint de symbolique de maison (végétation, espace extérieur, vue, escalier, …). Enfin, le modèle de “la ville des 5 minutes (de pause)” permet de souffler, comme en nature. Ensuite, le besoin de liens exacerbé par la crise sanitaire trouve une réponse sur les territoires. Ils foisonnent pour les créer. Ils émanent parfois du folklore (la fête du galoubet, la flûte de tambourin dans le Var), d’événements (prendre l’apéro chez des inconnus, soit “faire chapelle” au Carnaval de Dunkerque), de l’accueil des nouveaux arrivants (tour en bus avec le maire lui-même), ou résultent de l’histoire (ex : la solidarité d’émancipation vis-à-vis des propriétaires terriens dans les Landes). Selon l’étude Grant d’Harvard, le lien est à la fois la 1ère clé de l’épanouissement, et le préambule à des projets citoyens vertueux ; un dîner de 3 000 habitants sur 3 rues à Paris les transforment en Hyper Voisins qui “disent bonjour 50 fois par jour”, et font émerger une maison de santé citoyenne. Le bousculement des modes de vie par la Covid trouve écho dans les nouveaux modèles territoriaux : “l’ailleurs est l’autrement”. A Belle-île-en-Mer l’Écologie Industrielle Territoriale rassemble 24 acteurs publics, entreprises, associations pour inventer et réaliser 8 synergies entre : blanchisserie, ressourcerie, collège, parents, hôpital et centre de vacances. Ce modèle dans la ligne de l’économie circulaire est vertueux pour le territoire, la planète et les citoyens. Autre exemple : après le Made in France, le Made in Région. Ce modèle émerge générant fierté locale et vertus écologiques et économiques. Même le digital s’incarne en nouveaux modèles sur les territoires. Ainsi, Hello Asso par sa plateforme d’événements de quartier ou leboncoin par ses transactions de proximité déploient un digital local qui enrichit la vie du territoire, et crée du lien physique près de chez soi. Enfin le télétravail atterrit évidemment sur le territoire et poursuit sa mue en s’inscrivant dans des lieux réenchantés, comme Bureaux de cœur qui accueillent des personnes précaires la nuit dans les bureaux. Les nouveaux modes de vie et aspirations trouvent ainsi des réponses locales par le biais de lieux réinventés, en particulier hybrides, qui délivrent des expériences. Nature, éducation, travail, culture, “care”, engagement, logement, sport, social, production se mêlent en des lieux hybrides. Les habitants en retirent inclusion, innovation, liens, projets communs, rapprochement urbain-rural, etc. L’EHPAD “Les Jardins d’Haïti”, à Marseille, offre ainsi des places de coworking “contre un sourire et quelques minutes d’échange avec les résidents”. Le projet Oasis végétalise les cours d’école et y accueille les habitants le week-end. Mais, les lieux traditionnels, comme les commerçants, jouent un rôle clé dans l’expérience de territoire et l’épanouissement local, quitte à se réinventer : école de conduite qui apparie juniors et seniors, coiffeur qui aide à trouver du travail, agence bancaire comme lieu de socialisation, cabinet avec “prescription de lien humain”, ou mutuelle avec café d’artistes. La Place des services de la Poste, “Mon centre ville a un incroyable commerce”, ou Proxity d’EDF sont des chemins de réinvention de la vie de la cité à partir des commerçants. Enfin, des aménités socles sont impératives pour vivre heureux près de chez soi, telles que santé, éducation, alimentation, mobilité. Les territoires y émerveillent par leurs innovations. Ajain reconstitue une maison de santé via Médecins Solidaire en faisant venir 50 médecins d’autres départements chacun 1 jour par mois. Les territoires deviennent apprenants en distribuant la responsabilité éducative, y compris aux entreprises. Ainsi, les industriels et les commerçants de Mont-de-Marsan créent une école du design, La Réunion fait émerger une filière de “jardiniers-sensibles”. L’apprenance se structure aussi autour des spécialités culinaires locales, comme les formations d’apprentis fromagers en Normandie, ou de l’écologie, comme le Projet Éducatif Global de Poitiers autour de la préservation de la nature. L’apprenance (territoriale) permet aux habitants d’élargir leur champ des possibles éducatifs locaux, et surtout, selon les chercheurs de “se connecter aux autres, de vivre ensemble, de faire communauté.” Les territoires répondent également au besoin (de transition) alimentaire. Pour la chaire UNESCO Alimentation du monde, la commensalité – c’est-à-dire le fait de partager un repas – est créatrice ou réparatrice de liens sociaux, familiaux, amicaux ou professionnels. Pour exemple, des jardins ouvriers historiques de 5 000 m2 ressuscitent en vergers et sensibilisent à l’écologie à Lyon, accompagnés notamment par des centres sociaux. Enfin, parce que 65% des Français estiment que la capacité à se déplacer facilement est essentielle pour leur qualité de vie, des territoires optent pour une mobilité gratuite comme à Dunkerque. Plus largement, les territoires répondent en fédérant une masse critique d’usagers en une communauté : transport à la demande, réseau d’auto-stop, fédération de collectivités, covoitureurs mensuels rémunérés, etc. Le territoire contribue alors à l’émancipation du citoyen.12 grands principes des territoires heureux
- ● Une VISION forte : l’Indicateur du Bien-Etre Soutenable (IBEST) incarne une vision innovante du territoire et guide la prise de décision de Grenoble-Alpes Métropole.
- ● Un sentiment d’APPARTENANCE : les Géants de Dunkerque rassemblent les habitants par quartier, nourrissant un ancrage territorial, qui allège le vide existentiel de l’époque.
- ● L’atout de l’IMMATÉRIEL : la convivialité historique des Landes génère de l’épanouissement, prouvant que l’immatériel compte autant que le matériel pour les territoires.
- ● Une volonté d’UNION : la géosymbiose de Jérôme Barrier porte la promesse d’une union entre les territoires qui sont amenés à se compléter plutôt que se comparer.
- ● Une RAISON D’ÊTRE singulière : l’Ikigaï du territoire lui permet de définir son identité profonde entre atouts, attrait et bienfaits, évitant le sacrifice des infrastructures, habitants ou planète.
- ● Un désir d’ÉQUILIBRE : les constructions en bois de Woodeum ou les paysages urbanisés durables ménagent autant qu’ils aménagent.
- ● Une invention de l’AUTREMENT : les territoires inventent des nouveaux modèles comme l’entreprise Ana Bell qui forme localement des réfugiées afghanes employées ensuite dans le luxe.
- ● Une HYBRIDATION multiple : les lieux se transforment à l’image des EHPAD qui accueillent des co-working, mixant les populations, usages et générant une vie nouvelle.
- ● Une culture de l’ENGAGEMENT : les give box du Roret illustrent la puissance locale et accélératrice de l’engagement, et deviennent des espaces de rencontres, de troc et de solidarité.
- ● Un hyper-LIEN social : la République des Hyper Voisins transforme des voisins qui disent bonjour 5 fois par jour en des habitants qui le font 50 fois, générant des projets à fort impact.
- ● Le design d’un PROJET : pour Timothée Duverger, le projet précède la cohésion, comme la Charte des Escartons qui a une valeur quasi supérieure à la loi pour vivre heureux ensemble.
- ● Un effort de RÉGÉNÉRATION : le projet “Biodiversité administrative” illustre l’importance des récits pour co-régénérer nature et citoyens et les embarquer dans la transition.
DES INNOVATIONS DE TERRITOIRES HEUREUX
1. Territoires pluriels : comment ils se nomment, comment ils trouvent leur essence ?
Des territoires osent une appellation forte pour se construire une identité marquante, qui aide au développement, à la transformation, et à l’épanouissement. Exemples : territoire d’innovation démocratique, territoire de paix économique, territoire féministe, ville santé de l’OMS, ville des 5 minutes (de pause), territoire libéré, territoire apprenant, Ville Amie des Enfants, territoire associatif, territoire de bonheur de la mobilité, ville marchable, terre de jeux, territoire 100% inclusif, territoire solidaire d’avenir, territoire positif, territoire à mission, territoire Tourisme & Handicap, villes Amies des Aînés, capitale verte, territoire de lien (Kawaa), etc.2. Le terrikigaï : un outil de rencontre entre individus et territoires
La Fabrique Spinoza “hacke” l’Ikigaï traditionnel en y ajoutant une dimension territoriale ! En effet, cet outil de développement personnel japonais issu du Moyen-âge propose de trouver sa mission de vie au croisement de ses dons, préférences, compétences monnayables et réponses à un besoin de la société. Mais la question du territoire se pose de fait en filigrane. Difficile d’être berger à Paris ou vendeur de skate board à la montagne. Etre à sa place, c’est donc bien une question de lieu, de territoire. Par un jeu de mot, la Fabrique Spinoza imagine un Terrikigaï, où l’individu est invité à s’interroger sur ce dont son territoire a besoin ou bien à rechercher le territoire où il pourrait trouver sa place en fonction des autres paramètres. Dans une variation, le territoire lui-même peur s’interroger sur son ADN profond et trouver sa raison d’être ou devenir Territoire à mission. Dans les deux cas, cet outil / cette démarche a pour objectif de favoriser la rencontre entre individus et territoires.3. L’hyper-convivialité pour transformer son territoire et être heureux
Le repas est un acte fondateur du lien et amorce la relation, y compris dans les liens de proximité. Par exemple, la République des Hyper Voisins commence par tisser des liens entre les habitants d’un quartier, avant de voir émerger des projets citoyens comme une maison de santé co-construite. Leur vision consiste à “passer de voisins qui disent bonjour 5 fois par jour à Hyper Voisins qui le disent 50 fois”. Le rassemblement La Table d’Aude consiste en 3 000 habitants qui mangent ensemble sur 3 rues. Son fondateur Patrick Bernard indique qu’aujourd’hui, l’ambition est de créer 150 villages dans Paris en 15 ans, réunissant 750 000 habitants, équivalant à un tiers de la population parisienne. “Si le tiers est piloté par une stratégie de micro-quartier, on change le visage de Paris tout entier.”4. Des marches exploratoires pour se réapproprier – fièrement – son quartier ou sa ville
« La rue est à nous » est un projet mis en place à Aix-en-Provence en 2021 et actuellement mené à Marseille en partenariat avec le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) Phocéen. Pour que les femmes s’approprient les territoires, il s’agit d’identifier les causes de leur insécurité et d’adapter en ce sens les aménagements publics, notamment les transports. La marche exploratoire apporte une solution : en investissant physiquement la ville, les quartiers, les femmes se réapproprient la ville et se rendent visibles dans l’espace. Cet outil participatif de transformation du territoire permet aux acteurs, les femmes, de mieux cibler leurs difficultés d’usage pour réfléchir à des améliorations en termes d’aménagement. Toute population peut utiliser ce principe de marche exploratoire pour se réapproprier sa ville, comme c’est le cas aux Mureaux. Pour changer l’image des quartiers, le PTCE a joué un rôle clé en invitant les habitants à se réapproprier leur paysage et leur richesse culturelle. Cette démarche a eu un impact significatif sur le bonheur des résidents, qui ont retrouvé une fierté pour leur territoire. Les activités proposées par l’association, telles que des visites guidées, des expositions et des festivals, ont permis de valoriser les atouts de la région. L’État a décidé de soutenir financièrement la duplication de ce modèle dans d’autres régions, reconnaissant ainsi son potentiel à transformer des territoires de bien-être. Les Mureaux ont ainsi ouvert la voie à un changement positif qui a suscité l’intérêt et l’admiration au-delà de leur territoire initial.5. Des nouveaux lieux de santé : dans un tiers-lieu à Bergerac, des médecins « prescrivent du lien social »
A Bergerac, un lieu original, La Traverse, est en train de voir le jour. Le projet d’urbanisme transitoire co-construit avec les habitants est localisé dans une ancienne manufacture de tabac de 4 500 mètres carrés. Il a vocation à accueillir des petites et moyennes entreprises, entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), associations, artisans et grands groupes voulant progresser en termes de RSE et d’inclusion. En plus d’un lieu de programmation culturelle, c’est aussi un lieu d’insertion, d’inclusion et d’accès aux droits, dont le droit à la santé globale et à une mutuelle. L’installation d’une Maison de Santé en son sein sur la proposition d’un groupe de médecins est une réponse à la précarité socio- économique de la population. L’objectif principal de la Maison de Santé est la déprescription. Selon les médecins, la moitié des prescriptions devraient se résoudre avec des activités, des cafés, du temps avec les assistantes sociales, en retissant du lien social… On y prescrit donc du lien social ! Mais outre la réponse transverse apportée en termes de santé physique, mentale et sociale, la Maison de Santé espère bien séduire de jeunes médecins prêts à s’installer sur ce territoire.6. Des géants, des vaches ou du folklore pour “refaire territoire” !
Les festivités, en plus d’être créatrices de convivialité et d’appartenance, peuvent avoir une dimension symbolique, à l’instar des carnavals dans le Nord qui font défiler des marionnettes géantes afin de représenter des valeurs de paix. À Dunkerque, par exemple, on trouve Reuze Papa et Reuze Maman, deux géants emblématiques de 2 à 4 mètres. Lors des rassemblements de géants, la moitié de la population peut descendre dans les rues pour participer à cet événement festif. Un exemple amusant et célèbre est celui d’Hilaire Patate, le géant de Rosendale, qui s’est marié à Violette, la baigneuse de Malo, une véritable bourgeoise vêtue d’un maillot de bain des années 20 et d’un bonnet de bain. Hilaire Patate, lui, est représenté en maraîcher avec des habits en toile de jute. Il est arrivé que ces associations responsables de ces géants se disputent entre elles. Cependant, les maires des quartiers ont agi en tant que médiateurs et ont réussi à les convaincre de ne pas divorcer, préférant préserver l’unité et la tradition. Dans ce cas, les géants, symboles de quartier créent de l’appartenance, et aident à résoudre les conflits symboliquement. Dans la même veine, lors du carnaval de Dunkerque, les habitants « font chapelle » : il est possible de frapper à la porte d’inconnus et d’être invité à prendre l’apéro. À Grenoble, la descente des Alpages est un événement traditionnel qui renforce également la cohésion et le sentiment d’appartenance à l’échelle locale. Cette festivité commence à rassembler plus largement. Elle a été créée par un quartier particulier et ses commerçants. À cette occasion, les vaches arrivent en centre-ville dans un esprit de foire populaire.7. Dépasser les stéréotypes – un couple choisit de déménager pour prendre sa retraite… dans une cité
Pendant 5 ans, Pierre et Isabelle Chazeran – un couple de retraités – ont partagé le quotidien des habitants de trois quartiers sensibles : aux Mureaux, à Rillieux-la-Pape puis à Nîmes. Leur moteur : créer un pont entre deux mondes et susciter des relations fraternelles. En effet, ils ont mûri pendant de nombreuses années leur projet de quitter leur vie et leur maison d’Aix-en-Provence pour s’installer dans une cité. Après des hésitations et des incompréhensions de la part de leur entourage, ils ont finalement pris la décision de tout laisser derrière eux, y compris leur maison et leurs amis, pour démarrer une nouvelle vie dans une cité des Mureaux en région parisienne. Ce changement a renforcé leur relation de couple à un moment clé de leur retraite, leur permettant de se rapprocher et de partager des projets communs. Ils ont été accueillis chaleureusement par leur quartier, et ont vécu une expérience de rencontre gratuite et authentique avec les autres, en partageant leurs vulnérabilités et en cultivant des relations sincères. Une histoire qui bat en brèche les imaginaires sur la vie en cité.8. Le bois possible réponse heureuse au débat entre verticalité et horizontalité
Pour Woodeum, spécialiste de la construction bois et bas carbone, la ville devrait être construite différemment, tout d’abord en rendant l’acte de construction plus acceptable, avec des chantiers à moindre nuisance. Woodeum défend également la verticalité de la ville, une réponse urbaine qui complète son engagement bas carbone. Si l’artificialisation du sol doit être empêchée (on ne revient pas en arrière quand c’est fait), il s’agit de construire vertical, en laissant de grands espaces de respiration végétalisés entre les constructions. A Lyon, le quartier de Confluence, avec sa tour Albizzia en structure bois, marche bien avec ses 16 étages car les bâtis sont espacés, que la vue est belle. Le gabarit moyen est de 7 à 8 étages, émaillé parfois d’émergence de verticalités. Afin de maximiser les bénéfices dans les constructions bois, Woodeum mentionne quelques préconisations dans les constructions bois :- a/ mettre du bois apparent dans les parties communes pour inviter les habitants à voir, sentir et toucher le bois, comme créateur de lien ; en effet, d’après un sondage Ipsos de 2019, parmi l’ensemble des matériaux, le bois est celui qui a le capital sympathie maximal.
- b/ effectuer un travail des paysagistes très en amont dans les projets constructifs ; c/ installer des terrasses et balcons pour 100% des logements.
9. La Nature source de bienfaits de santé et de cohésion territoriale
Le plan 1 million d’arbres endémiques et indigènes pour renforcer le lien et la cohésion au territoire est inspirant à la Réunion. En effet, le taux d’endémisme végétal de La Réunion est très fort comparé à la métropole. Le Département veut aller plus loin en cherchant à produire 1 millions d’arbres indigènes et endémiques d’ici 5 ans dans le but de recréer des micro-forêts en ville. En plus de ménager des îlots de fraîcheur, cette initiative fait écho à l’histoire de La Réunion. Ainsi, beaucoup de noms de rue ou de quartier sont en référence à des espèces locales d’arbres, comme “Bois de Nèfles”. Ils font ainsi le lien entre les différentes générations, entre les gramoun(e)s et les jeunes. Ce projet est vertueux en termes écologiques, de santé publique, de bien-être et génère de la fierté pour la population qui reconnecte à son histoire. Parce qu’il est complexe (la notice expliquant le processus de germination de certaines espèces a été perdu), il a également l’avantage de rassembler une variété de parties prenantes et de créer un esprit collectif : les experts techniques du département, les biologistes, les associations, la population, la moitié des 24 collectivités de l’île, etc. Il trouve enfin son ancrage dans une diversité d’espaces : écoles, prison du port, friches, lieux associatifs, etc. Il y a une volonté commune de mettre les mains dans la terre, et cela soude les gens.10. L’Écologie Industrielle Territoriale ou comment les territoires inventent l’autrement
La Communauté de Communes de Belle-île-en-Mer (CCBI)661 a initié une démarche d’Ecologie Industrielle Territoriale de février à mai 2022. Pour ce faire, elle a organisé plusieurs ateliers à destination des organisations publiques, entreprises privées, associations. L’objectif était à la fois de sensibiliser les acteurs de toute l’île à l’économie circulaire, mais aussi de détecter des synergies possibles. Bilan en juillet 2022 ? Les 24 participants aux ateliers ont mis en avant 18 synergies possibles, dont 8 sont réalisées. Par exemple, la blanchisserie alimente la ressourcerie en linge usagé pour du réemploi. Le collège transmet la liste de fournitures aux parents en amont de la rentrée afin qu’ils puissent s’approvisionner à moindre coûts à la ressourcerie qui dispose d’un stock important de matériel de papeterie. L’Hôpital fournit des béquilles inutilisées au centre de vacances qui a exprimé ce besoin pour les enfants qui se blessent pendant leur séjour. Cet exemple illustre la capacité des territoires à inventer de nouveaux modèles. On parle parfois de “Made in Région” pour qualifier le potentiel circulaire et local de l’économie territoriale.11. Deux tiers des habitants se mobilisent pour sauver leur commune
Avant 2017, les villages de Cordéac et de Saint-Sébastien en Isère (38) ont connu durant plusieurs années un contexte de désertification. Il n’y avait plus de service à part la mairie sur les deux communes. Face à la menace de disparition de leurs villages, les habitants ont décidé de faire front. En 2017, ils votent à l’unanimité pour former la commune nouvelle de Châtel-en-Trièves. Les ateliers participatifs axés sur l’intelligence collective ainsi qu’une structuration de 150 habitants (sur 250 au total) en associations a revitalisé la commune. Des nouveaux services et commerces ont émergé : école, mairie, café-épicerie associatif, jardins partagés, restaurant. Cette mobilisation collective reflète l’articulation entre bonheur individuel et partagé. Châtel-en-Trièves12. L’apprenance, ou la responsabilité de l’éducation partagée sur le territoire
Si l’on définit l’apprenance territoriale comme la distribution de la responsabilité éducative entre différents acteurs sur le territoire, alors chaque territoire peut se mettre en quête de son ADN fondateur pour devenir territoire apprenant. Toulon est en chemin pour créer un musée-école de la plongée inspiré par un habitant devenu champion international d’apnée. Grenoble Ecole Management lance une Chaire de la transition écologique, et une autre de Mindfulness, bien-être au travail et paix économique. La Bretagne veut développer des formations en chaudronnerie pour fabriquer des éléments d’éoliennes, en faire une aventure collective, augmenter leur acceptabilité, et tirer parti du littoral pour la transition écologique. Les entreprises engagées sur les territoires sont motrices pour structurer les filières éducatives. Le Crédit Agricole Atlantique Vendée rassemble et favorise l’émergence d’un collectif transverse à trois écoles sur des compétences d’avenir : le design thinking, l’évaluation d’impact et l’IA. Les spécialités culinaires du territoire sont une piste crédible pour de nombreuses collectivités en route pour l’apprenance. C’est ainsi que la Normandie, berceau de nombreux produits laitiers, propose des formations d’apprentis fromagers. Par exemple, le lycée agricole de Saint-Lô-Thère, situé dans la Manche, accueille une formation de fromager en cinq ans. Le Grand-Est, région aux multiples spécialités culinaires, a quant à elle investi 35,7 millions d’euros pour la création d’un “pôle d’excellence hôtelier”. Elle accueille par exemple le lycée hôtelier de Strasbourg qui forme depuis 100 ans de grands chefs cuisiniers, pâtissiers, directeurs d’établissements réputés dans le monde. Parmi les différents thèmes de l’apprenance, la nature et l’écologie occupent une place particulière. Vu ainsi, un enjeu est de placer la nature au cœur de l’éducation et de faire prendre conscience de l’importance de sa préservation. Par exemple, la ville de Poitiers déploie un Projet Éducatif Global (PEG) sur son territoire autour de ce thème durant la période 2022-2027.Étude « Territoires heureux : approches et pratiques pour des territoires et modes de vie heureux »
vf_etude-territoires-hereux_28_11_non-compresse_compressed-2.pdf- L’étude sera disponible en ligne dès le 7 Décembre sur www.fabriquespinoza.org