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Des bulles de méthane s'échappent au large de la mer de Sibérie et en Arctique

Climat : la bombe à retardement du méthane est enclenchée

Encore une nouvelle catastrophique ? s’interroge Gilbert Charles pour le site de L’Express. Un chercheur suédois embarqué à bord d’un navire de recherche russe affirme avoir découvert pour la première fois des bulles de méthane s’échappant au large de la mer de Sibérie. Des quantités colossales de ce gaz à effet de serre 20 fois plus nocif pour le réchauffement du climat que l’oxyde de carbone s’accumulent dans les sédiments présents au fond des océans. Une bonne partie gît dans le permafrost et au fond des mers du cercle arctique, où il reste piégé par la glace et la pression, qui jouent le rôle d’un couvercle. Certains scientifiques redoutent que le dégel du pôle Nord ne libère ces gisements de méthane dans l’atmosphère, entraînant une accélération brutale du réchauffement climatique. Des expéditions océanographiques avaient mesuré des taux de méthane dissous dans l’eau 100 fois plus élevés que la normale dans la mer de Sibérie orientale et dans la mer des Laptev, mais n’avaient pas vu de bulles s’échappant dans l’atmosphère. Ce que vient d’observer Örjan Gustafsson, géologue de l’université de Stockholm, qui estime que le couvercle est en train de se fissurer. Ce que semble aussi confirmer une équipe britannique qui vient d’observer le même phénomène au nord-ouest de la Norvège.

Des bulles de méthane s’échappent au large de la mer de Sibérie…

Le journal The Independant (édition du 23 septembre 2008) a pris connaissance d’une partie des premiers résultats obtenus par cette mission. Le site Contre.info a assuré la traduction complète de cet article. Nous vous en révélons les principales conclusions. Steve Connor dans The Independent rappelle que le comportement de ces réserves souterraines de méthane revêt une importance majeure car les scientifiques pensent que leur libération subite dans l’atmosphère a provoqué par le passé une augmentation rapide de la température terrestre, entraînant des bouleversements du climat et même une extinction massive d’espèces. Les scientifiques embarqués à bord d’un bateau scientifique qui a navigué sur toutes les côtes nord de la Russie ont découvert des concentrations intenses de méthane – allant parfois jusqu’à 100 fois les niveaux habituels – sur plusieurs zones, couvrant des milliers de kilomètres carrés sur le plateau continental sibérien. Durant ces derniers jours, les chercheurs ont observé des zones où la mer bouillonnait sous l’effet des bulles de gaz remontant des « cheminées de méthane » émergeant dans les fonds marins. Ils estiment que la couche de pergélisol sous-marin qui agissait comme un « couvercle », empêchant le gaz d’être libéré, a fondu par endroits et permet au méthane de s’échapper des dépôts qui s’étaient formés avant le dernier âge glaciaire. Les chercheurs mettent garde sur le fait que ce phénomène pourrait être lié au réchauffement rapide qu’a connu la région au cours des dernières années. Le méthane est un gaz dont l’effet de serre est environ 20 fois plus puissant que le dioxyde de carbone et de nombreux scientifiques craignent que sa libération pourrait accélérer le réchauffement de la planète par le biais d’un gigantesque processus de rétroaction dans lequel le méthane répandu dans l’atmosphère provoquerait une élévation des températures, ce qui aggraverait la fonte du pergélisol et libérerait encore plus de gaz. On estime que la quantité de méthane piégée sous l’Arctique est supérieure à la quantité totale de carbone contenue dans des réserves mondiales de charbon. Il est donc de toute première importance que ces réservoirs restent stables au moment où cette région se réchauffe à un rythme plus rapide que d’autres parties de la terre. Orjan Gustafsson, l’un des responsables de l’expédition, décrit l’ampleur des émissions de méthane observées dans un émail envoyé depuis le navire scientifique russe Smirnitskyi Jacob. « Nous avons travaillé fiévreusement pour terminer le programme de prélèvement d’échantillons hier et la nuit dernière », écrit le Dr Gustafsson. « Une vaste zone d’intense libération de méthane a été découverte. Sur les précédents sites nous avions observé de fortes concentrations de méthane dissous. Hier, pour la première fois, nous avons observé une zone où la libération est si intense que le méthane n’a pas eu le temps de se dissoudre dans l’eau de mer, mais arrive sous forme de bulles de méthane à la surface. Ces « cheminées de méthane » ont été observées sur échosondeur et avec les [instruments] sismiques. » À certains endroits, les concentrations de méthane atteignaient 100 fois les niveaux habituels. Ces anomalies ont été constatées dans la mer de Sibérie orientale et la mer de Laptev. Elles portent sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés, et totalisent des millions de tonnes de méthane, a déclaré le Dr Gustafsson. « Cela pourrait être du même ordre de grandeur que ce que l’on estime actuellement pour l’ensemble des océans. » indique-t-il. Personne ne sait combien d’autres zones existent sur le grand plateau continental de la Sibérie orientale. « L’hypothèse habituelle était que le « couvercle » de pergélisol sur les sédiments sous-marins du plateau continental Sibérien pouvait retenir ces énormes gisements de méthane. L’augmentation des observations de libération de méthane dans cette région inaccessible peut donnent à penser que le pergélisol, le couvercle, commence à être perforé et laisse donc fuir le méthane … Le pergélisol présente maintenant des petits trous. Nous avons constaté des niveaux élevés de méthane au-dessus de la surface de l’eau et plus encore dans l’eau juste en dessous. Il est évident que la source provient des fonds marins. » Les résultats préliminaires de l’étude du plateau sibérien 2008, en cours de préparation pour publication par l’American Geophysical Union, sont supervisés par Igor Semiletov du département de l’Extrême-Orient de l’Académie Russe des Sciences. Depuis 1994, il a dirigé environ 10 expéditions dans la mer de Laptev. Durant les années 1990, il n’avait pas détecté de niveaux élevés de méthane, mais depuis 2003, il a fait état d’une augmentation du nombre de « points chauds » de méthane, qui sont désormais confirmés par les instruments plus sensibles qui sont présents à bord du Jacob Smirnitskyi. La région de l’Arctique dans son ensemble a connu une hausse des températures moyennes de 4 degrés centigrades au cours des dernières décennies, avec un déclin spectaculaire de l’étendue recouverte par la banquise durant l’été. De nombreux scientifiques craignent que la disparition de la banquise ne puisse accélérer la tendance au réchauffement climatique car l’océan absorbe plus la chaleur du soleil que ne le fait la surface réfléchissante de la glace.

… et en Arctique

Une équipe britannique à bord du James Clark Ross vient d’observer le même phénomène au nord-ouest de la Norvège, rapporte Nature News (29 septembre). Les scientifiques britanniques viennent en effet d’observer plus de 250 «cheminées» de bulles de méthane dans l’océan Arctique au nord-ouest de Svalbard, un archipel appartenant à la Norvège.

Le risque est réel, mais il n’y aurait pas de raison de paniquer

Bien que la nouvelle provoque des rapports alarmistes qui prédisent que le méthane, un gaz à effet de serre bien plus puissant que le dioxyde de carbone, pourrait accélérer le réchauffement de la planète, les scientifiques tempèrent en disant que de catastrophiques fuites de gaz, comme celles qui eurent lieu il y a 55 millions d’années, sont peu probables, rassure le site québécois Canoë. Si la grande crainte est que le méthane qui pourrait s’échapper du pergélisol devenu poreux empoisonne l’air de la planète, les scientifiques font remarquer que le phénomène n’est pas nouveau. Selon eux le méthane s’échappe du plancher arctique depuis 15 000 ans. «Ce que nous observons maintenant n’a certainement pas commencé au cours de la dernière année», a confié à Nature News Graham Westbrook géophysicien de l’Université de Birmingham qui dirige l’équipe britannique. « Il convient de mettre un bémol à ce cri d’alarme », tempère aussi Jérôme Chappellaz, directeur adjoint du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (CNRS) interrogé par Gilbert Charles pour le site de L’Express. Ce phénomène d’ébullition a déjà été observé en mer Noire : il est dû à l’oxydation du méthane par les bactéries dans la colonne d’eau. Mais il ne signifie pas forcément que le gaz soit dégagé dans l’atmosphère. Lors du précédent âge interglaciaire, il y a 130 000 ans, la Terre a connu un réchauffement important, mais l’analyse des carottes de glace de cette époque révèle que le taux de méthane dans l’air est resté stable. «Le risque est réel, mais il n’y a pas de raison de paniquer», avance pour sa part Hans-Wolfgang Hubberten de l’Institut Alfred Wegener de recherches polaires et marines à Bremerhaven en Allemagne. «Nous avons observé que les concentrations de méthane ont augmenté dans la mer de Laptev au cours de plusieurs expéditions depuis le milieu des années 1990», explique pour sa part Igor Semiletov, interrogé lui aussi par Nature News et qui supervise les recherches à bord du navire russe Smirnitskyi Jacob. En ajoutant que si «l’ensemble de données demeure extrêmement limité», M. Semiletov suggère que, pour le moment, l’interprétation de ces données en fonction du climat de la planète n’est que spéculation. De toute évidence, le vice-ministre russe des Situations d’urgence (MSU), Rouslan Tsalikov, n’est pas de cet avis puisqu’il déclarait en juin dernier que , rapporte une dépêche de la Ria Novosti. Selon les données indiquées par l’agence, «la Russie possède 70 milliards de tonnes de ce gaz [méthane], soit deux tiers des réserves mondiales».

Pour aller plus loin

Sur l’excellent site Futura-Sciences, consulter les articles suivants : – Les suintements de méthane : un risque pour le climat ?Du méthane à faible profondeur sous l’océan : une bombe à retardement ?Effet de serre : le méthane avance cachéDisparition en masse le méthane serait coupable

 

Les sources de l’article : The Independant – Traduction Contre-Info.infoL’Express – Canoë (29 septembre 2008) – Nature News.

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