Dès le printemps de nombreuses annonces ont été faites pour mieux anticiper les impacts du réchauffement climatique et s’y préparer : hausse exceptionnelle du plafond de dépenses des agences de l’eau, création d’un fonds vert pour contribuer à l’adaptation des territoires, hausse des moyens pour la sécurité civile. Le projet de budget pour 2023 est l’occasion de vérifier comment ces annonces se sont traduites concrètement en moyens humains et financiers. Et malgré plusieurs signaux encourageants, on peut regretter que le compte n’y est pas.
Incendies, vagues de chaleur, sécheresse, orages violents : l’été 2022 a de nouveau été marqué par des phénomènes climatiques extrêmes. Un symptôme de plus – s’il en faut – que le changement climatique est déjà bien à l’œuvre en France. Le GIEC est formel : même si les efforts en matière d’atténuation devront continuer et s’intensifier à l’avenir, il est également nécessaire d’investir pour renforcer la résilience de la France face aux nouvelles conditions climatiques. Il est urgent de ne pas attendre, c’est une question d’efficacité de la dépense publique : intégrer l’évolution du climat dans les politiques publiques dès leur conception coûtera moins cher que d’en subir les coûts a posteriori. Pourtant cette démarche reste marginale et en septembre 2022 nous identifiions un ensemble d’au moins 50 milliards d’euros d’investissements publics pour lesquels la question de l’adaptation au changement climatique n’est pas explicitement posée.
Dès le printemps de nombreuses annonces ont été faites pour mieux anticiper les impacts du réchauffement climatique et s’y préparer : hausse exceptionnelle du plafond de dépenses des agences de l’eau, création d’un fonds vert pour contribuer à l’adaptation des territoires, hausse des moyens pour la sécurité civile. Le projet de budget pour 2023 est l’occasion de vérifier comment ces annonces se sont traduites concrètement en moyens humains et financiers. Et malgré plusieurs signaux encourageants, on peut regretter que le compte n’y est pas.
Forte hausse pour le budget de la sécurité civile
Commençons par le budget de la sécurité civile. Pour son directeur, Alain Thirion, l’intensité et la succession des évènements climatiques de l’été 2022 ont amené notre système de réponse « proche de sa rupture capacitaire ». Dès lors, pour anticiper les prochaines crises et ne plus revivre les situations tendues, le budget 2023 de la sécurité civile connait une hausse de ses moyens de près de 60%. Cette hausse correspond certes à des augmentations de crédits sans lien avec l’évolution du climat (jeux olympiques de Paris 2024, nouvelles tensions géopolitiques), mais aussi – surtout – au renouvellement de la flotte d’avions et d’hélicoptères qui assurent les missions de secours, de reconnaissance aérienne et de lutte contre les feux de forêt, ainsi que les infrastructures liées. Déjà engagée depuis plusieurs années, les échéanciers de paiements ont en fait été accélérés dans le budget 2023. Ce renouvellement contribuera à améliorer la réponse opérationnelle, mais sera-t-il suffisant pour faire face à l’évolution des risques au premier rang duquel les feux de forêt ? Des discussions sont en cours au ministère de l’intérieur en lien avec l’ensemble des ministères pour tenter de répondre à cette question.Malgré la sécheresse persistante : le budget des agences de l’eau reste gelé depuis deux ans
Alors que la France connait toujours en octobre un épisode de sécheresse intense qui touche l’ensemble de son territoire, le budget des agences de l’eau pour 2023 dont les missions recouvrent -entre autres – l’adaptation au changement climatique, est toujours gelé à sa valeur de 2021, soit 2,2 milliards d’euros. Le gel de leur budget pose évidemment question dans le nouveau contexte climatique, alors que les besoins additionnels sont estimés autour de 300 M€/an et qu’elles connaissent une baisse d’effectifs depuis plus de 10 ans. Le manque de budget a été mis en lumière cet été, l’Etat ayant dû l’augmenter en urgence de 100 millions d’euros pour faire face à la sécheresse estivale. Une enveloppe exceptionnelle qui, donc, ne sera pas pérennisée. Plusieurs amendements ont été déposés à l’Assemblée pour rehausser, suspendre et supprimer le plafond des dépenses des agences. Ils ont tous été rejetés.Des moyens toujours limités pour les principaux opérateurs qui contribuent à l’adaptation
À la suite des violents orages qui ont frappé la Corse cet été, Météo-France s’est retrouvé sur le devant de la scène et une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur le dysfonctionnement de son système d’alerte qui a été déclenché trop tardivement. Pour certains, c’est le manque de moyen de l’opérateur qui en est l’origine. En 10 ans, Météo-France a perdu près de 25% de ses postes et 17% de sa subvention pour service publique. En 2023, la tendance s’inverse. 6 emplois équivalents temps-plein (ETP) supplémentaires ont été accordés à Météo-France, alors qu’une suppression de 35 postes était initialement prévue, ainsi qu’un budget additionnel de 16 millions supplémentaires. Ces nouveaux crédits sont fléchés vers les moyens opérationnels pour, justement, mieux anticiper les phénomènes orageux. Pour autant, les besoins humains et financiers restent nombreux, tant en recherche amont pour mieux connaitre l’évolution du climat en France qu’en moyens renforcés sur le territoire pour mieux répondre aux obligations de service public d’alerte et de suivi des évènements météos redevenus incontournables dans le nouveau contexte climatique. S’agissant des autres opérateurs qui jouent un rôle important pour l’adaptation, les moyens humains dans le budget 2023 sont gelés pour l’IGN, le CEREMA, les parcs nationaux, le conservatoire du littoral. Et la baisse des effectifs se poursuit à l’ONF sur une trajectoire légèrement revue (-80 ETP en 2023, contre -95 prévus initialement). Seul les moyens humains et financiers de l’ADEME connaissent une hausse structurelle, notamment pour assurer la mise en œuvre des actions du plan France 2030.Un fonds vert à 2 milliards d’euros, mais combien pour l’adaptation ?
Lors de son discours du 13 octobre aux Assises Nationales de la Prévention des Risques, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu a confirmé la volonté du gouvernement de rehausser le budget dédié au nouveau Fonds vert. Initialement doté d’1,5 milliards d’euros, les crédits à engager en 2023 atteindront finalement 2 milliards d’euros. Les crédits dédiés à l’adaptation quant à eux, initialement prévus à 135 millions d’euros, devraient aussi logiquement augmenter. Si l’annonce de ce fonds est une bonne nouvelle pour l’adaptation des collectivités, plusieurs points de vigilance subsistent. Tout d’abord, quelle sera in fine la part du Fonds réellement dédié à l’adaptation ? En finançant « tout ce qui est bon pour le climat », le fonds laisse la liberté aux collectivités quant à son utilisation. Elles auront la possibilité d’investir dans des projets de zones à faibles émissions, de rénovations énergétiques autant que de renaturation ou de désimperméabilisation des sols. Dans ces conditions, il est difficile de connaitre précisément à quelle hauteur le Fonds vert contribuera à renforcer la résilience de la France. Par ailleurs, on peut douter du fait que les crédits prévus pour l’adaptation seront suffisants. En juin 2022, nous proposions un ensemble de 18 mesures budgétaires chiffrées à 2,3 milliards d’euros supplémentaires pour initier des premières briques d’adaptation dont une grande partie pourrait entrer dans le périmètre du Fonds vert. Il s’agit par exemple d’actions relatives à la renaturation et la désimperméabilisation en ville, à la prise en compte de l’évolution du climat dans certains bâtiments publics ou encore à l’accompagnement des collectivités dans la construction de leur stratégie de recomposition du littorale. Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement climatique en France : de combien parle-t-on ? Enfin, les moyens humains et financiers en lien avec les politiques d’adaptation doivent s’inscrire dans la durée car s’adapter au changement climatique demande du temps. À ce jour, les autorisations d’engagement de 2 milliards d’euros ne concernent que l’année 2023 et aucune annonce n’a encore été faite pour la suite. L’enjeu est donc bien de pérenniser ces crédits dans la durée.Des discussions à engager dès maintenant pour préparer la suite
Le climat change et il n’est plus possible de ne pas en tenir compte. Cela nécessite de réinterroger un grand nombre de politiques qui contribuent déjà à l’adaptation : la sécurité civile, la prévention des risques ou encore la gestion de la ressource en eau. Mais cela nécessite aussi d’intégrer ce nouveau paramètre dans de nombreuses politiques discutées par ailleurs : construire des bâtiments ou des villes en tenant compte de l’évolution de la chaleur, recomposer le littoral avec la hausse du niveau de la mer ou encore réinventer certains modèles touristiques ou agricoles. Ces « chantiers » de l’adaptation demandent des moyens financiers et humains spécifiques dont l’ampleur exacte reste à définir. Pour ne pas perdre de temps, il est nécessaire d’engager sans attendre des discussions pour chacun d’entre eux afin de situer plus finement le niveau de besoin à engager notamment par l’état. Et préparer ainsi, dès maintenant, la future loi de programmation énergie-climat, la future stratégie française énergie-climat et le budget 2024.