« Cantona va-t-il faire sauter la banque ? » s’interroge aujourd’hui La Tribune en une, au sujet de l’appel lancé par l’ex-footballeur invitant les Européens à retirer leur argent des banques le 7 décembre. Dans une vidéo tournée début octobre par le quotidien local Presse Océan, Eric Cantona expliquait que c’était là la « seule façon à ses yeux de dire leur mécontentement, grèves et défilés ne servant à rien ». »Le risque de voir se constituer des files d’attente devant les agences paraît faible », note le quotidien économique, « mais le succès de cet appel remet en lumière la dégradation de l’image des banques et la nécessité, pour celles-ci de la restaurer ».
De son côté, El País ajoute que l’initiative de Cantona est relayée par le collectif StopBanque. Le quotidien madrilène estime qu’elle parviendra difficilement à atteindre la masse critique nécessaire pour mettre à genoux les banques et rappelle les garde-fous mis en place par les Etats et l’UE pour éviter l’effondrement du système bancaire au cas où les épargnants décidaient de retirer leur dépôts – une hypothèse qualifiée de « lointaine ». Une chose est sure, constate Libération, « l’initiative de l’ex-footballeur a pris une ampleur inattendue, révélant une défiance contre le système financier ». 40 000 fans sur Facebook
Décryptage : Eric Cantona, les banques et nous
Pour Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques , « l’écho que rencontre cet appel traduit l’exaspération qui s’est emparée à juste titre du public au vu des dégâts considérables causés par la finance dérégulée et de l’arrogance post-crise de financiers visiblement incapables de se réformer. Mais dans le contexte européen actuel, ajouter de la crise à la crise risque davantage d’aggraver la situation des citoyens ordinaires que de punir les banquiers ». Voici ses explications et son analyse : De bonnes raisons d’en vouloir aux banques « Les dégâts suscités par le fonctionnement actuel de la sphère financière sont apparus au grand jour avec l’écroulement de la banque d’affaires Lehman Brothers il y a deux ans. Alors que les dirigeants de la finance justifiaient leurs rémunérations abracadabrantesques par la sophistication des opérations qu’ils menaient, on s’est alors rendu compte qu’eux-mêmes, bien souvent, ne comprenaient pas les risques associés aux produits qu’ils achetaient et vendaient. Quant aux services éminents qu’ils étaient supposés rendre aux acteurs de l’économie réelle, non seulement leurs exigences de rentabilité démesurées à court terme désorganisaient déjà en temps ordinaire les entreprises mais en plus la crise déclenchée par leur cupidité sans borne a entraîné la plus grave récession depuis 1929. Du coup, pour éviter qu’elle ne se transforme en une dépression plus profonde, il a quand même fallu les renflouer à coups de centaines de milliards d’euros d’argent public. Moyennant quoi, à peine l’orage calmé, ils se sont remis à se verser des bonus fantastiques, comme si de rien n’était. Et aujourd’hui ils se permettent d’exiger des gouvernements qui les ont tirés d’affaire la mise en œuvre de plans d’austérité toujours plus sévères, pesant surtout sur les plus modestes, pour apurer les dettes que leurs bêtises ont entraînées. De quoi en effet leur en vouloir sérieusement… » Les risques du bank run « Mais est-ce pour autant une raison pour ajouter les effets d’une « ruée sur les banques », un « bank run » comme disent les Anglo-saxons, à la grave crise qui sévit actuellement dans la zone euro autour des dettes publiques grecque, irlandaise, portugaise, espagnole…? Les initiateurs de cet appel ont raison sur un point : le « bank run » peut être un moyen très efficace pour faire s’écrouler le système financier. L’activité des banques se caractérise en effet par une asymétrie : les dépôts qui figurent dans leurs comptes au passif, qui sont des dettes à votre égard, vous sont théoriquement accessibles. Alors que ces sommes correspondent, à l’actif des banques, à des crédits qui sont accordés pour financer des prêts consentis le plus souvent pour plusieurs années (pour acheter une maison, une voiture…). Autrement dit, elles ne disposent pas réellement de l’argent correspondant aux montants figurant sur vos relevés de comptes. En temps ordinaire ce n’est pas un problème : les flux entrants des gens qui déposent de l’argent s’équilibrent à peu près avec ceux des gens qui veulent effectuer des retraits. Mais si un nombre significatif de personnes veulent effectuer des retraits en même temps, la banque n’est très rapidement plus en état de répondre à leurs demandes. Du coup le phénomène s’autoaccélère car les autres craignent alors que la banque ne tombe en faillite et tentent de récupérer leur mise tant qu’il est temps… Ce phénomène a été à l’origine de la plupart des graves crises bancaires qui ont affecté tous les pays industrialisés aux 19ème et 20ème siècles. Depuis la crise de 1929 cependant on était parvenu à éviter le retour des paniques bancaires, notamment en instituant une garantie publique des dépôts, dont le niveau a d’ailleurs été relevé un peu partout depuis deux ans. Si bien que, même s’il rencontrait un certain succès, l’appel Bankrun2010 n’aurait sans doute pas toute l’efficacité que lui souhaitent ses initiateurs. Et heureusement. En effet si le système financier s’effondrait vraiment comme Bankrun2010 le voudrait, les dirigeants de la finance et les traders se retrouveraient certes au chômage, mais ils seraient loin d’être les seuls dans la difficulté. Car, comme cela a failli être le cas déjà après la faillite de Lehman Brothers, c’est toute l’économie réelle qui se trouverait très rapidement paralysée… » Monnaie : attention fragile « Nous vivons dans des sociétés largement fondées sur la monnaie et les relations monétaires entre les hommes et les femmes qui les composent. Des relations monétaires et non pas seulement marchandes : le fonctionnement des services publics et le versement des prestations sociales dépendent eux aussi de l’existence d’un système financier en état de marche… Depuis que nous avons renoncé à l’étalon-or, la valeur de cette monnaie ne repose plus que sur la confiance que nous lui accordons ainsi qu’à ceux qui la créent et la gèrent. La crise actuelle montre à n’en pas douter que ces personnes et ces institutions ont trahi la confiance que nous leur faisions. Il convient d’en tirer toutes les conséquences à travers des réformes profondes à la fois dans les institutions financières elles-mêmes et chez ceux censés les surveiller. Et, à bien des égards il y a lieu d’être inquiet des retards et des reculs encaissés sur la voie de cette réforme depuis deux ans. Pour relancer le processus, il faudrait à n’en pas douter une mobilisation citoyenne plus forte. De nombreuses initiatives ont déjà été lancées dans le but de transformer en profondeur la finance. Sans prétention à l’exhaustivité citons notamment le combat pour développer les différentes formes d’épargne solidaire (voir à ce sujet le Hors série poche d’Alternatives économiques réalisé en partenariat avec Finansol), la bataille pour obliger tous les investisseurs à utiliser des critères sociaux et environnementaux dans leurs choix de placements (on verra avec profit le film qui est en salles actuellement « Moi, la finance et le développement durable » qui traite de ces questions), les actions pour surveiller les banques et leurs politiques d’investissement comme celles menées en France par les Amis de la Terre et à l’échelle internationale par le réseau Bankwatch, les multiples mobilisations lancées contre les paradis fiscaux avec l’énorme travail effectué à l’échelle internationale par le Tax justice network ou en France avec la pétition Stop aux paradis fiscaux, sans oublier l’appel lancé par un groupe de députés au Parlement européen en faveur de la création d’un Financewatch européen, un groupe de pression qui soit en mesure de contrecarrer l’action pernicieuse des lobbies financiers sur les institutions européennes… Bref les initiatives citoyennes intéressantes ne manquent pas et elles auraient grand besoin de renforts afin de peser davantage face aux lobbies de la finance qui poussent au retour au business as usual après la crise. Mais, dans le contexte actuel de l’Europe, cette mobilisation ne devrait pas prendre la forme d’une action qui risque de miner davantage encore la confiance fragile dans notre monnaie commune. Si celle-ci était réellement remise en cause, les citoyens ordinaires risqueraient en effet de le payer beaucoup plus cher encore que les banques et les banquiers… »Communiqué des Amis de la Terre
A l’appel de Cantona, Les Amis de la Terre conseillent plutôt aux particuliers qui souhaitent participer au « bankrun » de changer définitivement de banque et/ou d’utiliser leur épargne de manière réellement responsable. En effet, des solutions existent et sont notamment présentées sur le site www.financeresponsable.org et dans les guides des Amis de la Terre. Pour les Amis de la Terre, « Changer le système bancaire actuel est nécessaire comme l’a encore révélée la crise financière de 2008. La recherche de profits à court terme et l’irresponsabilité des marchés financiers a eu des conséquences dramatiques pour des millions de personnes dans les pays du Sud comme du Nord, mais les Etats ont préféré voler au secours des banques, responsables de la crise. Face à l’incapacité des pouvoirs publics de réguler l’activité financière internationale, les Amis de la Terre appellent chaque citoyen à prendre conscience de son pouvoir en tant que consommateur et épargnant et à s’en servir face au pouvoir des banques. L’argent qui dort dans une banque complice de la crise peut en sortir définitivement et servir activement à la création d’un autre système, plus solidaire ». Avant même d’avoir eu lieu, ce « bankrun » a le mérite d’attirer l’attention sur les banques, qui sont au centre du modèle économique actuel. Les banques sont tellement incontournables qu’en France, premier pays bancarisé au monde, il est par exemple obligatoire de posséder un compte bancaire pour percevoir des allocations sociales. Yann Louvel, référent de la campagne sur la Responsabilité des acteurs financiers commente : « La plupart des personnes qui retireront leur argent des banques demain devront sûrement le redéposer, à défaut de revenir au bas de laine. Ce pourrait être l’occasion de penser à l’utilisation de son épargne comme un moyen d’action pour aller vers un modèle de société plus équitable socialement et soutenable écologiquement. » Il existe en effet des institutions bancaires responsables et transparentes, telles que la Nef, une société coopérative de finances solidaires qui investit exclusivement dans les domaines environnementaux, sociaux et culturels. La Nef reste à ce jour la seule institution financière française à publier intégralement la liste des projets qu’elle finance. De même, les citoyens peuvent investir directement dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire via l’actionnariat solidaire. Toutes ces solutions sont présentées et détaillées sur le site Internet des Amis de la Terre consacré à la finance privée – www.financeresponsable.org -, ainsi que dans leurs guides éco-citoyens « Environnement : comment choisir ma banque ? » et « Environnement : comment choisir mon épargne ? ». Les Amis de la Terre mènent une campagne active sur la Responsabilité des acteurs financiers, et dénoncent, au-delà du chiffre d’affaires affiché, la face cachée des banques privées et leurs pratiques scandaleuses : impacts sociaux et environnementaux désastreux de leurs financements et investissements dans des entreprises et projets controversés (centrale à charbon en Afrique du Sud pour le Crédit Agricole, sables bitumineux au Canada pour BNP Paribas, mine d’uranium au Malawi pour la Société Générale, entre de nombreux autres exemples). Juliette Renaud, chargée de campagne, souligne : « Outre leur irresponsabilité sur les marchés spéculatifs, les banques restent complètement opaques quant à l’utilisation qu’elles font de l’argent des citoyens, et elles ne tiennent pas compte des conséquences de leurs financements sur l’environnement et sur les populations, tant que cela ne représente pas pour elles de risque financier ou d’image ». Les Amis de la Terre soutiennent toute initiative citoyenne visant à remettre en question les pratiques actuelles du secteur bancaire, et qui pousserait, dans la cadre d’une banque éthique et solidaire, à réorienter l’utilisation de l’épargne vers le financement de projets permettant la transition vers des économies sobres en carbone.Une alternative : jechangedebanque.org
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Vidéo : Le Che Cantona
Voici la chronique de Sophia Aram diffusée sur France Inter le lundi 6 décembre dans le 7/9 de Patrick Cohen. Elle résume le sentiment d’une partie de l’opinion publique. Pour retirer son argent, encore faut-il en avoir, être sans découvert et sans prêt bancaire :Vidéo : L’Argent Dette
La dette des gouvernements, des entreprises et des ménages a atteint des proportions astronomiques et enfle de plus en plus démesurément de jour en jour. D’où vient tout cet argent ? Comment peut-il y avoir TANT d’argent à prêter ? La réponse est… qu’il n’y en a pas. De nos jours, L’ARGENT S’EST FAIT DETTE. S’il n’y avait PAS DE DETTE, il n’y aurait PAS D’ARGENT. Si tout ceci vous laisse perplexe, rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul ou la seule. Très peu de gens comprennent ce système, même si nous sommes tous touchés. Le long métrage d’animation, dynamique et divertissant, de l’artiste et vidéographe Paul Grignon, explique les effets magiques mais pervers du SYSTEME ACTUEL D’ARGENT-DETTE dans des termes compréhensibles pour tous.