Exposition aux basses fréquences et infrasons des parcs éoliens : renforcer l’information des riverains et la surveillance de l’exposition aux bruits
La réglementation française relative aux éoliennes introduit une distance minimale d’implantation des éoliennes de 500 mètres au-delà de toute habitation et le classement des parcs éoliens dans le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE, arrêtés du 26 août 2011), sans que les basses fréquences sonores et les infrasons ne soient spécifiquement pris en compte.
Le développement des éoliennes comme source d’énergie électrique renouvelable et des plaintes de riverains signalées au ministère chargé de l’environnement et de l’énergie ont cependant conduit celui-ci à saisir l’Anses afin d’évaluer les effets sur la santé des basses fréquences sonores (20 Hz à 200 Hz) et des infrasons (inférieurs à 20 Hz) dus aux parcs éoliens.
Les conclusions et recommandations de l’Agence
Afin de compléter les données issues de la littérature scientifique sur l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores émis par les parcs éoliens, l’Anses a fait réaliser des campagnes de mesures à proximité de trois parcs éoliens par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Les résultats de ces campagnes confirment que les éoliennes sont des sources d’infrasons et basses fréquences sonores. Toutefois, aucun dépassement des seuils d’audibilité dans les domaines des infrasons et basses fréquences jusqu’à 50 Hz n’a été constaté.
Par ailleurs, les effets potentiels sur la santé des infrasons et basses fréquences produits par les éoliennes n’ont fait l’objet que de peu d’études scientifiques. Cependant, l’ensemble des données expérimentales et épidémiologiques aujourd’hui disponibles ne met pas en évidence d’effets sanitaires liés à l’exposition au bruit des éoliennes, autres que la gêne liée au bruit audible [[Le seuil d’audibilité est le volume sonore minimal perceptible par l’oreille humaine. Plus les fréquences sonores sont basses, plus le niveau sonore doit être élevé pour qu’il soit perceptible.]].
Des connaissances acquises récemment chez l’animal montrent toutefois l’existence d’effets biologiques induits par l’exposition à des niveaux élevés d’infrasons. Ces effets n’ont pour l’heure pas été décrits chez l’être humain, en particulier pour des expositions de l’ordre de celles liées aux éoliennes et retrouvées chez les riverains (exposition longue à de faibles niveaux). À noter que le lien entre ces hypothèses d’effets biologiques et la survenue d’un effet sanitaire n’est pas documenté aujourd’hui.
L’Anses conclut que les connaissances actuelles en matière d’effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores ne justifient ni de modifier les valeurs limites d’exposition au bruit existantes, ni d’introduire des limites spécifiques aux infrasons et basses fréquences sonores.
Dans ce contexte, l’Agence recommande :
– de renforcer l’information des riverains lors de l’implantation de parcs éoliens, notamment en transmettant des éléments d’information relatifs aux projets de parcs éoliens au plus tôt (avant enquête publique) aux riverains concernés et en facilitant la participation aux enquêtes publiques ; – de renforcer la surveillance de l’exposition aux bruits, en systématisant les contrôles des émissions sonores des éoliennes avant et après leur mise en service et en mettant en place des systèmes de mesurage en continu du bruit autour des parcs éoliens (par exemple en s’appuyant sur ce qui existe déjà dans le domaine aéroportuaire) ; – de poursuivre les recherches sur les relations entre santé et exposition aux infrasons et basses fréquences sonores, notamment au vu des connaissances récemment acquises chez l’animal et en étudiant la faisabilité de réaliser une étude épidémiologique visant à observer l’état de santé des riverains de parcs éoliens.L’Agence rappelle par ailleurs que la réglementation actuelle prévoit que la distance d’une éolienne à la première habitation soit évaluée au cas par cas, en tenant compte des spécificités des parcs. Cette distance, au minimum de 500 m, peut être étendue à l’issue de la réalisation de l’étude d’impact, afin de respecter les valeurs limites d’exposition au bruit.
En savoir plus
Avis de l’ANSES sur l’évaluation des effets sanitaires liés à l’exposition aux basses fréquences et infrasons des parcs éoliensÉvaluation des effets sanitaires des basses fréquences sonores et infrasons dus aux parcs éoliens Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective Édition scientifique – Consulter l’AVIS et le RAPPORT de l’ANSES relatif à l’évaluation des effets sanitaires des basses fréquences sonores et infrasons dus aux parcs éoliensImpacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes
Travaux et recommandations de l’Anses
L’Anses a réalisé plusieurs travaux d’expertise scientifique sur la thématique des impacts sanitaires potentiels du bruit éolien. L’Agence avait été saisie une première fois en 2006 par les Ministères en charge de la santé et de l’environnement afin de réaliser une analyse critique du rapport publié par l’Académie nationale de médecine recommandant l’implantation des éoliennes à une distance minimale de 1 500 mètres des habitations, pour les machines les plus puissantes (supérieures à 2,5 Mégawatts) en raison des nuisances sonores liées à ces infrastructures. Au terme de cette première expertise publiée en 2008, l’Anses rappelait dans ses conclusions la nécessité d’étudier au cas par cas les distances d’implantation des éoliennes, par le biais notamment de modélisations acoustiques considérant les spécificités des configurations locales.
À la suite notamment de différentes plaintes de riverains de parcs éoliens, les Ministères de la santé et de l’environnement ont à nouveau saisi l’Agence en 2013, afin d’évaluer les effets sanitaires potentiels des infrasons et bruits basses fréquences émis par les parcs éoliens. À ce jour, si des hypothèses de mécanismes d’effets sanitaires demeurent à explorer, l’examen des données expérimentales et épidémiologiques disponibles ne met pas en évidence d’arguments scientifiques suffisants en faveur de l’existence d’effets sanitaires pour les riverains spécifiquement liés à leur exposition à la part non audible des émissions sonores des éoliennes (infrasons notamment). L’état des connaissances disponibles ne justifie donc pas d’étendre le périmètre des études d’impact sanitaire du bruit éolien à d’autres problématiques que celles liées à l’audibilité du bruit, pour lesquelles les effets sont avérés, complexes et documentés par ailleurs.
La part des énergies renouvelables est en augmentation constante en France et dans le monde. Cette orientation résulte notamment de la volonté de diversifier les sources pour réduire la dépendance énergétique aux énergies fossiles ainsi que de réduire les émissions de gaz à effet de serre. À la suite de la publication par l’Académie de médecine d’un rapport dont l’objectif était d’évaluer le retentissement du fonctionnement des éoliennes sur la santé humaine, l’Agence a été saisie en juin 2006 par les Ministères en charge de la santé et de l’environnement afin d’analyser les recommandations de l’Académie nationale de médecine, notamment celle relative à une distance systématique d’éloignement par rapport aux habitations de 1 500 m. Dans son avis associé à cette expertise (publié en 2008), l’Anses soulignait le risque de surestimation ou de sous-estimation de l’impact acoustique lié à la fixation d’une distance systématique et recommandait notamment d’établir cette distance au cas-par-cas en fonction d’une étude acoustique intégrant les spécificités locales.
Depuis 2011, la réglementation française relative aux éoliennes a été modifiée avec le classement des parcs éoliens dans le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE, arrêtés du 26 août 2011). Cet encadrement réglementaire prévoit une distance d’éloignement incompressible par rapport à la première habitation de 500 m, en complément de valeurs limites d’exposition au bruit (émergences sonores) dont le respect permet d’établir la distance effective d’éloignement (au-delà de 500 m dans la pratique) au cas-par-cas, à l’issue de la réalisation d’une étude d’impact sonore.
Malgré l’intérêt croissant pour les énergies renouvelables, la population s’interroge sur les impacts environnementaux et sanitaires consécutifs à l’implantation d’éoliennes. En particulier, de nombreux riverains d’installations futures ou en place se plaignent du bruit audible généré et s’inquiètent également du rôle potentiel des infrasons et basses fréquences émis par les éoliennes dans la survenue de certains effets sanitaires.
Dans ce contexte, l’agence a été saisie en 2013 par le Ministère de la santé et le Ministère de l’environnement afin de réaliser une expertise relative aux effets sanitaires potentiels des basses fréquences et infrasons dus aux parcs éoliens. Pour ce faire, un groupe de travail constitué d’experts en acoustique, en métrologie, en épidémiologie et en évaluation des risques sanitaires a été mis en place par l’Agence en 2014.
Les travaux menés ont permis d’une part, grâce à une revue de la littérature scientifique en matière d’effets sanitaires auditifs et extra auditifs, de mettre à jour les connaissances existantes et d’autre part de documenter les niveaux d’exposition sonores à proximité de parcs éoliens. En effet, en complément des données issues de la littérature scientifique sur l’exposition aux infrasons et basses fréquences dus aux parcs éoliens, l’Anses a fait réaliser des campagnes de mesures de bruit (incluant basses fréquences et infrasons) à proximité de plusieurs parcs éoliens. Au-delà, l’analyse des référentiels réglementaires mis en place dans les pays européens a permis de mettre en évidence l’hétérogénéité de la prise en compte de cette problématique au sein de l’Union européenne.
État des lieux et recommandations
En réponse à la saisine des Ministères en charge de la santé et de l’environnement, un rapport et un avis ont été élaborés et publiés par l’Anses en mars 2017. Ils dressent un état des lieux et les perspectives du développement de la filière éolienne à l’échelle mondiale et sur le plan national, ainsi qu’un état des lieux comparatif des diverses réglementations au niveau mondial. Cet examen a permis de mettre en évidence l’absence de référentiel harmonisé au sein de l’Union européenne spécifique au bruit des éoliennes. Les travaux d’expertise ont également recensé l’état des controverses autour de l’implantation des éoliennes ainsi que les différents acteurs impliqués..
Les niveaux de bruit générés par les éoliennes ont été évalués au moyen d’une campagne de mesures et de modélisations. Les campagnes de mesure réalisées au cours de l’expertise ont permis de caractériser les émissions sonores pour trois parcs éoliens, mettant en évidence l’émission d’infrasons (bruits inférieurs à 20 Hz) et de basses fréquences sonores. Les infrasons ne sont audibles ou perçus par l’être humain qu’à de très forts niveaux. À la distance minimale d’éloignement des habitations par rapport aux sites d’implantations des parcs éoliens (500 m) prévue par la réglementation, les infrasons produits par les éoliennes ne dépassent pas les seuils d’audibilité. Par conséquent, la gêne liée au bruit audible potentiellement ressentie par les personnes autour des parcs éoliens concerne essentiellement les fréquences supérieures à 50 Hz.
En conclusion, l’agence précise que les données disponibles ne mettent pas en évidence d’argument scientifique suffisant en faveur de l’existence d’effets sanitaires liés aux expositions au bruit des éoliennes. Les connaissances actuelles en matière d’effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores ne justifient ni de modifier les valeurs limites existantes, ni d’étendre le spectre sonore actuellement considéré.
Elle recommande cependant, en matière d’études et de recherches :
– de vérifier l’existence ou non d’un possible mécanisme de modulation de la perception du son audible par des infrasons de niveaux comparables à ceux mesurés chez les riverains ; – d’étudier les effets de la modulation d’amplitude du signal acoustique sur la gêne ressentie liée au bruit ; – d’étudier l’hypothèse de mécanismes d’effets cochléo-vestibulaires pouvant être à l’origine d’effets physiopathologiques ; – de réaliser une étude parmi les riverains de parcs éoliens qui permettrait d’identifier une signature objective d’un effet physiologique.En matière d’information des riverains et de surveillance des niveaux de bruit :
– de renforcer l’information des riverains dans la mise en place des projets d’installation de parcs éoliens et la participation aux enquêtes publiques conduites en milieu rural ; – de systématiser les contrôles des émissions sonores des éoliennes pendant et après leur mise en service ; – de mettre en place, notamment dans le cas de situations de controverses, des systèmes de mesurage en continu du bruit autour des parcs éoliens (en s’appuyant par exemple sur l’expérience acquise dans le milieu aéroportuaire).Anses
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été créée le 1er juillet 2010. L’Anses est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministères chargés de la Santé, de l’Agriculture, de l’Environnement, du Travail et de la Consommation. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail