Une tribune signée Etienne Dhuit, journaliste pour La Revue Internationale, directeur de publication du site Drapeau rouge, et spécialiste des questions juridiques et géopolitiques
C’est une nouvelle opération de greenwashing à laquelle nous assistons dans le secteur de la mode. Aujourd’hui, le vendeur de parkas haute gamme Moncler déclare renoncer à l’utilisation de la fourrure animale. « L’entreprise cessera de s’approvisionner en fourrure cette année et la dernière collection à présenter de la fourrure sera l’automne-hiver 2023 », a annoncé la marque italienne dans un communiqué. Depuis plusieurs années, les marques de luxe ont fait une série d’annonces dans ce sens, sous la pression des organisations de défense du bien-être animal.
Le double jeu de Moncler, Canada Goose et Kering
A priori une bonne nouvelle pour les animaux… si seulement cette démarche, absolument nécessaire, était sincère, cohérente, et globale. Ainsi, l’on apprend que Moncler s’inscrit dans un projet « conforme à un engagement continu (…) en faveur de pratiques commerciales responsables » et « qui s’appuie sur l’engagement (…) avec l’organisation italienne de défense des animaux LAV représentante de la Fur Free Alliance ». Sauf que, la marque continue en sous-main à utiliser des plumes d’oies pour rembourrer ses fameuses doudounes de luxe, que l’on peut se procurer pour la modique somme de… 1200 euros en moyenne. « Qualité » oblige ! Que les animalistes soient rassurés : les plumes utilisées proviendront de sources « responsables ».
En septembre 2021, le groupe de luxe Kering annonçait, de la même façon et en grande pompe, l’arrêt de la fourrure animale dans ses collections. « Le moment est venu de franchir un pas supplémentaire en mettant fin à l’utilisation de la fourrure dans toutes nos collections », déclarait le président du groupe François-Henri Pinault, dans un communiqué. Mais quid des sacs à main, ou des pantalons en cuir fabriqués à partir de crocodiles, de lézards et de serpents ? Une annonce qui n’avait pas manqué de faire réagir la Fédération des professionnels français de la fourrure, dénonçant l’hypocrisie d’« un groupe qui possède, en France et dans le reste du monde, des tanneries de peaux exotiques (crocodiles, pythons…) et utilise, à juste titre, toutes les autres matières naturelles animales comme le cuir ou la laine ».
Exploitation de peaux et de plumes animales
A la suite de l’annonce de Moncler mardi 25 janvier, la filière a également dénoncé un énième « coup marketing » de la part d’une marque qui annonce l’arrêt de la fourrure et aussi le lancement d’une collection conçue avec des matières recyclées (« Born To Protect ») qui « reflète l’engagement de la marque à protéger la planète et à créer un meilleur avenir pour tous ». La Fondation 30 millions d’amis n’avait pas manqué en 2016 de rappeler l’arnaque derrière les labels (« normes de duvet responsable »), ainsi que le scandale derrière les doudounes rembourrées par de vraies plumes d’oies ou de canards, ces dernières étant réputées pour leur chaleur et leur légèreté.
Un reportage de la chaîne italienne Rai 3 dévoilait il y a quelques années au grand public les conditions sordides de plumage des oies en Hongrie pour le compte de Moncler, ainsi que les cols en fourrure de coyote proposés par la très populaire marque Canada Goose. Cette dernière a annoncé arrêter en 2022 d’acheter de la fourrure « neuve » et préfère se concentrer sur la fourrure recyclée… « Il n’y a tout simplement aucune garantie que les plumes n’ont pas été arrachées à la peau d’une oie hurlante », résume Cyril Ernst, porte-parole de Peta France.
Don’t look up !
Il serait donc temps que les marques s’inscrivent dans une démarche globale et totale de respect du vivant, plutôt que de modifier, pour le symbole, certains de ses matériaux, uniquement sous la pression des associations et dans un unique but : celui de vendre toujours plus. Car de la mode au secteur de l’énergie, le greenwashing se pratique également dans les instances étatiques et européennes, et représente un frein pour la transition énergétique que la France et l’Union européenne entendent pourtant mener.
Dernièrement, c’est le label vert européen pour le nucléaire et le gaz proposé par l’UE et défendu par la France qui pose problème. Pour se défendre, l’Hexagone et un certain nombre de pays d’Europe centrale reprochent aux énergies renouvelables de représenter une production intermittente, incapable en l’état de répondre aux besoins électriques dans l’UE. Une erreur selon l’économiste Sébastien Godinot (WWF). « Les gaz fossiles génèrent d’énormes émissions de gaz à effet de serre et le nucléaire crée des déchets hautement radioactifs que nous ne savons toujours pas gérer ». A bon entendeur.