Les sociétés de gestion de fonds investissent dans de nombreux secteurs : énergie, ressources humaines, santé, industries… mais aussi en faveur de la petite enfance. C’est le cas du groupe Ardian, dont la fondation finance l’un des projets les plus innovants en la matière.
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Arras, Maison des 1000 jours. Depuis septembre 2021, ce projet-pilote créé par l’association Ensemble pour l’éducation de la petite enfance (Epepe) réunit des jeunes parents et des éducateurs, pédiatres, kinés et neuropsychiatres, en groupes de paroles. L’objectif commun : apporter les bonnes réponses aux mamans et aux papas en herbe dans cette période-clé du développement du bébé. Durant ces sessions, les mêmes sujets reviennent souvent sur la table : comment gérer le sommeil et l’alimentation du nouveau-né, ses pleurs et ses premiers pas, etc. En somme, tout ce qui constitue son développement cérébral.
Le projet fait des heureux – les parents –, mais monter ce type de structure est compliqué, surtout pour leur financement. « A terme, l’idée est d’attirer les publics les plus éloignés des dispositifs d’accompagnement qui sont souvent les plus précaires, explique Nathalie Casso-Vicarini, la présidente de l’association. Pour cela, le bouche-à-oreille est capital, et il commence à prendre ici. Nous aimerions aussi ouvrir de nouvelles antennes dans d’autres quartiers et sommes en discussion avec plusieurs villes. » Mais voilà, l’Etat et la CAF du Pas-de-Calais ne débloquent pas les fonds. Si bien que l’association a changé son fusil d’épaule et a cherché d’autres sources de financement. Elle a ainsi reçu le soutien de la fondation Ardian, liée au fonds nº1 du capital-investissement en France.
Recentrer l’action sur la petite enfance
Lancée en 2010, la fondation Ardian dispose aujourd’hui d’un budget de 2,1 millions d’euros et est impliquée dans 41 projets, en France mais aussi à l’étranger, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Chine et jusqu’au Chili. Elle touche concrètement 61000 bénéficiaires. Forte de l’expérience du groupe Ardian dans le capital-investissement dans les entreprises plus classiques ou dans les startups, la fondation accompagne ces associations à plusieurs niveaux, en commençant par le soutien financier direct et l’aide aux projets culturels, et par l’attribution de bourses d’études et de logement. La fondation Ardian mise en particulier sur l’accompagnement humain à travers des sessions de formation, des conférences, des animations, ou encore du mentoring personnalisé.
Jusqu’à présent, cette dernière ciblait donc les plus grands, étudiants et jeunes adultes, pour les études et l’insertion professionnelle. Dans le domaine de l’éducation, elle a par exemple participé aux côtés de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) du ministère de l’Education nationale et de l’Ecole d’économie de Paris (PSE) à la mise en place de la chaire de recherche baptisée « Politiques éducatives et mobilité sociale ». Avec les projets tournés vers la petite enfance, elle a choisi de réorienter sa stratégie. « En 2020, pour accroître son impact sur la mobilité sociale, la fondation a décidé de recentrer son action sur le domaine de la petite enfance, » explique la maison-mère qui implique – c’est à noter – un tiers de ses employés dans les activités de sa fondation. Le projet de la Maison des 1000 jours d’Arras est ainsi le tout premier projet axé sur la petite enfance dans lequel la fondation Ardian a choisi d’investir.
La petite enfance, priorité sociale
Les différentes antennes des Maisons des 1000 jours sont les premières concrétisations d’un plan souhaité par le président Emmanuel Macron, suite aux travaux de la Commission des 1000 jours présidée par le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Dans les préconisations de la commission, de nombreux projets : créations de crèches avec priorité aux enfants issus des milieux les plus défavorisés, allongement du congé paternité, accompagnement des parents jusqu’aux deux ans du bébé, meilleur financement de la protection maternelle et infantile (PMI), déploiement des fameuses Maisons des 1000 jours… Malheureusement jusqu’à présent, rares ont été les projets concrétisés. « Le système est à bout de souffle », a reconnu lui-même le chef de l’Etat en janvier dernier.
Pourtant, il y a beaucoup à faire, en termes d’augmentation des capacités d’accueil d’abord, mais aussi pour la formation de quelque 600000 professionnelles et pour le recrutement – les métiers sont difficiles et il y a beaucoup de turnover –, pour les équipements et les programmes d’apprentissage. Face aux difficultés de financement public, les associations se tournent de plus en plus vers le mécénat privé. C’est là qu’interviennent des fondations comme celle du groupe Ardian. « Après audit, nous avons été convaincus que c’est là le meilleur moyen de maximiser notre impact », considère Carole Barnay, la présidente de la fondation.
Depuis sa création en 2010, la fondation Ardian a toujours eu à cœur de cibler les populations les moins favorisées, avec comme leitmotiv nº1 la mobilité sociale. La petite enfance ne fera pas exception. « Nous nous sommes entourés de chercheurs, de scientifiques et d’experts en mobilité sociale pour nourrir notre réflexion en matière d’impact social et de politiques éducatives, avance la fondation. La conclusion est unanime : investir dans le capital humain avant la scolarité est deux fois plus rentable et bénéfique pour la mobilité sociale. Les mille premiers jours sont la période de la vie où le cerveau se développe le plus vite. L’OMS, l’UNICEF et l’OCDE reconnaissent le caractère déterminant des mille premiers jours de la vie. Or les budgets des gouvernements dédiés à la petite enfance représentent seulement 2% de leurs dépenses en matière d’éducation. »
Intervenir dès le plus jeune âge et donner ses chances à tous les enfants – surtout ceux issus de milieux défavorisés – permet donc de jouer un rôle essentiel dans le développement cognitif des plus jeunes, pour l’apprentissage du langage ou celui des compétences socio-émotionnelles. En France par exemple, la moitié des enfants de moins de trois ans n’a pas accès à un mode de garde ; pire, 80% des enfants vivant dans des familles précaires en sont exclus, soit 400000 enfants entre 0 et 3 ans. L’Etat étant à la peine pour répondre à cette demande, les mécènes comme la fondation Ardian ont donc commencé à prendre le relais. Les enjeux pour l’avenir sont multiples, l’objectif à long terme de ce type d’investissements dans l’humain vise à faire germer le lien social des adultes de demain. C’est-à-dire le véritable ciment du « vivre ensemble ».