A la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP27), la journée de mercredi avait pour thème le financement, l’occasion pour des militants de réclamer une réorientation des centaines de milliards de dollars investis chaque année dans les combustibles fossiles pour aider à financer des projets d’énergies renouvelables.Plus de 50 militants de tous âges et de tous horizons ont envahi la zone principale du centre de conférence à Charm El-Cheikh pour scander : « Arrêtez de financer les combustibles fossiles, arrêtez de financer la mort ». Susan Huang, Représentante de l’ONG Oil Change International, était parmi les participants dénonçant le fait que les pays riches, comme l’a noté le Secrétaire général des Nations Unies plus tôt cette semaine, continuent d’investir de l’argent dans les combustibles fossiles à un moment où une transition vers les énergies renouvelables est nécessaire.
« Lors du sommet du G7 l’année dernière, il y avait un accord pour mettre fin au financement public des combustibles fossiles d’ici la fin de cette année. Mais l’Agence internationale de l’énergie a déclaré qu’en fait, la lenteur de la transition vers les énergies renouvelables est ce qui exacerbe la crise climatique et la crise énergétique. Nous exhortons donc les dirigeants mondiaux à tenir leur engagement et à arrêter le financement public des combustibles fossiles », a-t-elle déclaré à ONU Info.Selon Mme Huang, ces investissements causent également des dommages incroyables, détruisent la biodiversité et dévastent les moyens de subsistance à travers le monde.
Dipti Bhatnagar, de Friends of the Earth International au Mozambique, a également prononcé un discours passionné. « Les pays riches veulent s’emparer des énormes réserves de gaz et les gens sont dépossédés de leurs terres. Un million de personnes sur les 23 millions d’habitants [du Mozambique] vivent dans des camps de réfugiés à cause du gaz. Nous disons non à plus de financement du gaz. Nous ne laisserons pas l’Afrique brûler », a-t-elle déclaré.Les militants ont clairement indiqué que la meilleure façon d’accroître l’accès à l’énergie dans le monde et de répondre aux besoins des plus vulnérables est d’investir dans des plans d’énergies renouvelables soutenus au niveau communautaire.
Un nouvel outil pour responsabiliser les pollueurs
Le Secrétaire général des Nations Unies a également appelé les gouvernements et le secteur financier à cesser de continuer à investir dans les combustibles fossiles. António Guterres s’exprimait lors du lancement d’un nouvel outil permettant de recenser les émissions de gaz à effet de serre et qui a été créé par la coalition Climate TRACE dirigée par l’ancien Vice-Président américain Al Gore. L’outil combine les données satellitaires et l’intelligence artificielle pour montrer les émissions d’installations de plus de 70.000 sites dans le monde, y compris des entreprises en Chine, aux États-Unis et en Inde. Cela permettra aux dirigeants de connaître le lieu et l’étendue des émissions rejetées. M. Guterres a expliqué que les données publiées par l’initiative montrent qu’en raison de la sous-déclaration des fuites de méthane et d’autres activités associées à la production de pétrole et de gaz, les émissions sont plusieurs fois plus élevées que celles signalées précédemment.« Cela devrait être un signal d’alarme pour les gouvernements et le secteur financier, en particulier ceux qui continuent d’investir et d’assurer la pollution par les combustibles fossiles », a-t-il déclaré à la plénière de la COP27.Pour sa part, Al Gore a noté que les catastrophes liées au changement climatique coûtent actuellement à l’économie mondiale 2.500 milliards de dollars par an. Et pourtant, des solutions existent pour inverser la donne et relancer les investissements dans les énergies renouvelables, a-t-il dit. Selon lui, le potentiel de financement des énergies renouvelables en Afrique est négligé avec pratiquement aucun accès au financement pour le continent.
« Le potentiel de l’éolien et du solaire est 400 fois plus important que les réserves totales de combustibles fossiles de l’Afrique et il est exempt de pollution et crée plus d’emplois, mais il y a un déficit de financement », a-t-il souligné.Il a ensuite expliqué que l’outil Climate TRACE, qui combine des données fiables et vérifiées de plus de 100 institutions et 30.000 capteurs, peut aider les gouvernements à cibler leurs actions. « Il est impossible pour les émetteurs de tricher », a-t-il expliqué, précisant qu’actuellement les 14 principales sources d’émission individuelles dans le monde sont toutes des champs de pétrole et de gaz.
« L’une des premières informations les plus frappantes de ce travail est l’ampleur des émissions de la production de pétrole et de gaz – en particulier celles qui n’ont pas été signalées auparavant », a déclaré M. Guterres, qualifiant les données de « source critique » d’information pour lutter contre la crise climatique.Le Secrétaire général a souligné que le nouvel outil serait crucial pour les chefs d’entreprise qui s’efforcent de décarboner leurs chaînes d’approvisionnement, pour les gouvernements qui s’efforcent d’aligner l’élaboration des politiques sur leurs plans climatiques et pour les investisseurs qui s’efforcent de suivre les progrès du secteur privé vers l’objectif net zéro.
« Le problème est encore plus grand que nous avons été amenés à le croire et cela signifie que nous devons travailler encore plus dur pour accélérer l’élimination de tous les combustibles fossiles », a-t-il averti.
Engagements et initiatives
Mercredi également, avec une promesse de 20 millions de dollars, la Nouvelle-Zélande s’est ajoutée à la liste, aux côtés de l’Ecosse, de la Norvège, de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de ceux qui ont promis de financer la question des pertes et dommages (paiements aux pays en développement faibles émetteurs et touchés par la catastrophe du changement climatique). De son côté, le Royaume-Uni a déclaré qu’il autoriserait des reports de paiement aux pays touchés par des catastrophes climatiques. L’Africa Climate Risk Facility, une initiative de la Déclaration de Nairobi sur l’assurance durable, a également été lancée, les signataires s’engageant à souscrire 14 milliards de dollars de couverture pour les risques climatiques d’ici 2030. L’Envoyé américain pour le climat, John Kerry, a également organisé un événement lors de la COP27 annonçant des plans pour que les entreprises « achètent des crédits carbone » et soutiennent les pays qui abandonnent le charbon. Dans le cadre du plan proposé, appelé Energy Transition Accelerator, les organismes publics pourraient gagner des crédits carbone en réduisant leurs émissions s’ils réduisent leur utilisation de combustibles fossiles et augmentent l’utilisation des énergies renouvelables.Sur cette note, lors d’une conférence de presse de l’UNICEF, la jeune militante allemande Luisa Neubauer a envoyé un message clair aux dirigeants mondiaux faisant des promesses à la COP27 : « Ne venez pas ici et parlez d’action climatique tant que vous vous engagez dans une nouvelle infrastructure de combustibles fossiles à travers le monde. Ne venez pas ici et parlez de justice climatique alors que le financement des combustibles fossiles explose. Ne venez pas ici pour essayer d’expliquer que l’argent pourrait manquer pour l’adaptation et les pertes et dommages alors que les investissements dans les combustibles fossiles dans le monde montent en flèche, jour après jour ».
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